Le groupe des lieutenants de la guilde pénétra dans la salle du self où Vavitu, seul, achevait de s’empiffrer de légumes empuantissant l’air. Il se redressa pour libérer un rot assourdissant et daigna enfin se tourner vers ses champions, les jaugeant d’un air impassible.
- Alors, cette bataille ? Vous vous êtes bien dégourdis les pattes ?
- Nous avons vaillamment affronté l’ennemi Farok et arraché une victoire historique, monseigneur ! clama Arkun.
- Sans doute parce que la cité était déserte et que leurs troupes avaient foutu le camp depuis une semaine, c’est-à-dire le temps qu’il vous a fallu pour réduire la distance de vingt bornes qui nous sépare d’eux.
- Le chemin était en pente, expliqua Elche. Et on a du faire demi-tour en cours de route en s’apercevant qu’on avait oublié nos troupes.
- Oui, oui, je connais les détails, l’espion que je vous avais collé aux miches m’a tout raconté, soupira Vavitu. Passons les âneries et les boulettes usuelles, juste une question. Pourquoi les canons sont revenus deux jours avant le reste des troupes ?
- Moi je sais ! s’exclama Arkun en levant bien haut la main pour répondre, trépignant d’excitation à l’idée de livrer la bonne réponse. C’est parce qu’ils n’ont pas participé à l’assaut.
- Et pourquoi donc ? interrogea Vavitu avec un sourire enjoué, tripotant son caillou.
- La faute à Farok. Ils avaient quelques brutes dans leur taudis. Il nous a envoyé une terrible armée, j’ai du ordonner aux canons de partir.
- Une armée ? Laquelle ? De quoi était-elle constituée ?
- Je ne sais pas, déclara Elche.
- Moi non plus, répondit Arkun.
- Donnez-moi une fourchette alors.
- Une quoi ?
- Un truc que les humains utilisent pour manger, répondit Elche sur un ton d’érudit.
- Ah bah, je n’ai pas de fourchette moi, dit Arkun. Comment je fais pour vous en donnez une ?
- Bon…pas grave, dit Vavitu en se massant les tempes. C’était quoi ? Des trolls ? Des cavaliers wargs ?
- Des paysans.
- Pardon ?
- Des paysans, nous attaquant par milliers, je ne voulais pas que les canons en tuent un par mégarde.
- Je…je ne peux rien répondre à ça, murmura Vavitu, désabusé.
- Ah, tu vois ! lança Arkun à Elche. Je te l’avais dit qu’il comprendrait. Tout de suite « ouais, tu vas te faire salader et gniagniagnia ». Mauvaise langue !
- Non, je ne vais pas vous engueuler, rit Vavitu. Par contre, vous irez voir le bourreau des HTF Koudelka, je crois qu’elle a un nouveau fouet à tester, d’accord ? Sinon, pour le butin ?
- Regardez ça ! lança fièrement Elche. On en a braqué deux cent comme ça !
- C’est quoi ?
- Euh, des morceaux de bois, chef. Ils avaient du les commander à des gus et…
- Attendez, attendez, laissez-moi percuter. Nous récoltons du bois en quantité énorme. Nous vivons prêt d’une forêt à moins d’un mètre d’un arbre et vous allez pillez du bois au lieu de la bouffe ?? C’est de la provocation ? Allez, zou, au bourreau vous aussi. Je m’en vais vous faire tanner votre tête de bois ! Vous avez ramené autre chose ?
- Non.
- Bon, barrez-vous que je digère. Tiens, au fait. Où sont Saint Pierre et Iznogoud ?
- Farok les a capturés, répondit Arkun en jouant avec son casque. Le prêtre s’est vautré en fuyant car il avait peur des païens orcs. Iznogoud je crois qu’il était fin plein. Il n’a pas suivi le mouvement et a demandé à l’armée de Farok, qui rentrait, le chemin pour rentrer ici. Les orcs les ont expédiés aux creusages de tunnels.
Vavitu soupira.
- Tant pis pour la sieste. On retourne chez Farok chercher les deux autres patates !
- Une telle solidarité est si poignante ! s’enflamma Arkun. Nous volons à leur secours.
- Exactement. Je ne laisserai personne d’autre châtier mes boulets avant moi !
Quelques jours plus tard. L’armée de Zanarkand arriva en vue de la cible ennemie. Avec quelques soldats, Vavitu s’engagea dans des tunnels à l’écart. Arkun et Elche se chamaillaient. Le dernier voulant faire le guet dehors et le maitre des armées, lui expliquant que cent cinquante mille soldats assuraient déjà le couver.
- Le couvert ? Quel couvert ? demanda Elche.
- Fermez-la ! grogna Vavitu. On est arrivés. Regardez ! Ils sont là ! Saint Pierre et Iznogoud se tapent sur la gueule pour un quignon de pain ! Allons-y pendant que les gardes ne nous voient pas, trop occupés qu’ils sont à parier sur le gagnant ! En avant !
- « …Un jour, la p’tite Lucette, tripote-moi la pioche avec les doigts. S’en allait à la fête, tripote-moi la pelle avec émoi… »
- Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! s’écria Vavitu en se retournant.
- C’est le nouveau crie de guerre d’Arkun ! s’exclama Elche.
- « …Les trois gars dans les buissons, commencèrent par les tétons, Et sous la jupe de Lucette, ils y plongèrent la tête… »
Le vacarme assourdissant attira l’attention des gardes qui firent volte-face en voyant les intrus cachés dans le tunnel. Aussitôt, ils sonnèrent l’alerte.
- J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, annonça Vavitu en prenant l’orc par l’épaule. La bonne, c’est qu’on va tous crevé ici et finir au paradis des guerriers comme de vrai guerrier ! La mauvaise nouvelle, c’est que vous n’assisterez pas à la bataille puisque je vais vous aplatir le crâne TOUT DE SUITE ! !
- « …la culotte bientôt vola, Quand Lucette se décroisa, les guibolles que ses amants, se mirent alors sous les dents… »
La dernière chose que l’orc aperçut avant de sombrer et après que Vavitu l’ait massacré à coups de pierre fut le visage d’Elche en gros plan, le doigt sur les lèvres, l’intimant au silence alors qu’il agonisait en geignant.
- Finalement, c’est pas si tordu que ça comme jeu, soupira le mort-vivant en voyant le général gisant dans son sang à ses pieds. Y a des trucs marrants aussi.
Elche lança discrètement sa botte dans l’abdomen d’Arkun inconscient et s’empressa de rejoindre le combat en ricanant comme un dément.