Mariage, ménage et autres petits tracas...

Chapitre 1

Les oiseaux chantaient, indifférents au passage de la cohorte de cavaliers.

Dame Aëlissandya chevauchait en tête, suivie par tout un cortège de gardes du corps dont elle se serait bien passée mais sans lesquels son tendre époux aurait refusé de la laisser partir... Il fallait pourtant bien qu'elle aille s'assurer que tout se passait bien dans son domaine.

La tête dans les étoiles, elle repensait à la cérémonie qui avait eu lieu à peine deux semaines plus tôt...
Objectivement, il fallait reconnaître que le mariage avait été un fiasco complet...
Les trois quarts des invités attendus n'étaient même pas venus, la plupart sans même s'en excuser. Ce n'était peut-être pas un si grand mal à la réflexion, le déroulement cahotique de la cérémonie les aurait fait fuir... D'ailleurs, même ceux qui étaient venus n'étaient pas restés très longtemps à la fête, peut-être gênés par une situation à laquelle ils ne s'étaient pas préparés.
La journée avait été loin d'être aussi agréable qu'elle l'avait d'abord espéré...

- Dame Aël ! appela l'un des soldats de l'escorte.
- Quoi ? répondit sèchement la princesse elfe - elle détestait être tirée de ses pensées de manière aussi soudaine...
- Eh bien, c'est que... hésita le soldat, surpris par son ton sec, heu... j'aurais parié que la bonne route était celle-là... continua-t-il en montrant une route sur la gauche.

Aëlissandya ne répondit pas. Elle avait machinalement continué tout droit... Sans un mot, elle orienta sa jument dans la bonne direction sous l'oeil un peu perplexe des soldats, et replongea dans ses pensées...

D'un autre coté, elle se réjouissait du déroulement certes déroutant de la soirée.
Elle revit Dante bafouiller quand il avait été question d'abandonner une bataille pour prendre soin d'elle... Un guerrier plus attaché à ses combats qu'à sa fiancée... Il y avait déjà un moment que cette idée sournoise lui trottait dans la tête.
Elle sourit en repensant à Darkpoet, qui avait bondi de son siège pour interrompre la cérémonie. Elle avait bien remarqué qu'il déprimait de plus en plus à l'approche du mariage, mais elle était alors trop tourmentée par ses doutes au sujet de la sincérité de Dante pour voir l'évidence...

- Dame Aël !
- Quoi ?
- Eh bien... c'est que... heu... je pensais que vous seriez peut-être mieux sur la route que dans le marais...

Et puis Cassisfleur avait fait son apparition... En y repensant, Aëlissandya ressentit une petite pointe de jalousie.
Bien sûr, elle avait réalisé que ce qu'elle avait d'abord pris pour de l'amour n'était en réalité qu'une sincère affection et une certaine admiration pour le grand guerrier nain qu'était Dante.
Bien sûr, elle était maintenant assez sûre des sentiments pour pouvoir affirmer avec force et sincérité qu'elle éprouvait un véritable et profond amour pour son époux Darkpoet.
Bien sûr elle était heureuse pour son ami Dante qu'il ait pu trouver sa véritable âme soeur chez la belle guerrière.
Mais il y avait indéniablement un côté vexant à réaliser qu'on pouvait être oubliée et remplacée en moins de trente seconde...

- Dame Aël !
- Quoi ?
- Eh bien... c'est que... heu... nous sommes arrivés...

Aëlissandya leva les yeux vers le château devant lequel elle était en train de passer sans s'arrêter... Effectivement, c'était le sien...
Histoire de la convaincre qu'elle était arrivée à destination, un petit bonhomme rondouillard apparut à l'autre bout du pont-levis et se précipita aussi rapidement que le lui permettait son imposante corpulence vers sa suzeraine.

- Dame Aël ! Vous voilà enfin ! Il y a si longtemps qu'on ne vous avait pas vue ici ! Nous étions si inquiets !

Par assossiaction d'idées, la princesse repensa à la raison de son absence, et se fut donc avec bonne humeur qu'elle répondit à son intendant :
- Eh bien me voilà maintenant Grominus !

Elle sauta légèrement à terre et continua :
- Il va falloir que tu t'habitues à ne pas me voir ici, maintenant. Dorénavant je vais résider au château de Darkpoet...

S'il se demanda pourquoi l'heureux époux n'était pas celui initialement prévu, l'intendant n'en montra rien. Il continua sur une question qui le concernait au plus haut point...
- Mais, dame Aël... Vous nous abandonnez ? Vous quittez votre forêt de pommiers ? Je ne comprends pas !
- Je n'abandonne rien, Grominus... Simplement, ce domaine ne sera plus ma résidence principale... Je ne vais quand même pas vivre loin de mon époux ! Mais rassure-toi, je viendrais de temps en temps pour m'assurer que tout se passe bien... Le reste du temps, je te confie le domaine ! Et puis nous viendrons ici à l'occasion pour profiter du calme de la forêt...

Abasourdi par l'inhabituel entrain de la princesse, l'intendant ne sut d'abord pas quoi dire... Puis il décida d'en profiter pour soumettre à son attention les quelques menus problèmes rencontrés par le domaine en son absence... Avec un peu de chance, elle resterait suffisament de bonne humeur pour ne pas se mettre en colère après lui...

Chapitre 2

Les deux amies sillonaient paisiblement la campagne de Dakim.

Aëlissandya ne pouvait s'empêcher d'admirer la détermination et la persévérance de la courageuse Emerys, qui s'était mise en quête des soeurs Alphabet presque toute seule...
En relation avec d'autres seigneurs sur d'autres îles, certes, mais il fallait reconnaître qu'elle abattait un sacré morceau du travail, sans jamais se plaindre, aidée à l'occasion par quelques membres des Wersats qui venaient lui prêter main-forte mais ne restaient jamais bien longtemps.
Son opiniatreté forçait l'admiration.

Ce matin-là, Aëlissandya avait accepté d'accompagner son amie sur les routes... La proposition avait été la bienvenue, elle avait beaucoup de choses sur le coeur, et une ballade relativement tranquille ne pouvait que l'apaiser.

- J'ai vu Jagdpanther pendant mes recherches l'autre jour... lança soudain Emerys, brisant le silence qui s'était tout naturellement installé.
- Ah... toi aussi... fit Aëlissandya.

A croire que ses problèmes la suivaient partout !

- Ca ne va pas ? s'étonna Emerys, surprise par le ton aigri de la princesse.
- Tu ne trouves pas qu'il est bizarre ces derniers temps ?
- Qui ça ? Jagdpanther ? Pas plus que d'habitude... Il serait temps qu'il apprenne les bonnes manières, mais ça c'est un problème qui date...

La jeune elfe réfléchit un instant et reprit :
- Quoique... l'autre nuit, il m'a posé une question bizarre... Il voulait voir un ermite... ça ne lui ressemble pas, c'est vrai. Il semblait soucieux...
- Il peut se soucier tant qu'il veut de tout ce qu'il veut, grommela Aëlissandya, ce n'est pas une raison pour faire irruption dans notre chambre au beau milieu de la nuit !

Emerys ouvrit de grands yeux surpris.

- Il voulait savoir comment parler aux dieux, poursuivit Aëlissandya, soudain désireuse de confier tous ses malheurs à son amie. Alors je lui ai dit d'aller voir un ermite... j'aurais pu l'envoyer ballader vu ce qu'il venait de faire, mais j'ai fait l'efort de me contenir et de lui donner sa réponse...
- Ou est le problème ?
- Après ça Darkpoet m'a fait une scène ! Monsieur est jaloux d'un ermite ! Non mais franchement, il ne sait pas à quoi ça ressemble, un ermite ? Monsieur veut que j'arrête de fréquenter mon ermite ! Je vois qui je veux, non mais ! Et puis, où est-ce que je pourrais trouver mes branches de pommier magiques si je ne vais plus voir mon ermite, hein ? On ne les trouve pas dans n'importe quel verger !

Emerys semblait perplexe... Elle n'aurait probablement pas été surprise de voir la princesse en colère, c'était assez habituel chez elle quand quelque chose la contrariait... Mais là, elle semblait plus bouleversée qu'autre chose... Elle crut même voir une larme au coin de son oeil...
Aëlissandya continua sa diatribe, l'air de plus en plus déprimée :

- Et après ça, il fait sa crise quand je pars en voyage... Qu'est-ce que ça peut faire que j'ai séjourné à quelques lieues du château de Dante ? Je ne l'ai pas vu, et même si ça avait été le cas, qu'est-ce que ça pourrait bien faire ? Et puis... et puis...

Là, elle éclata en sanglots.
Comprenant qu'il devait y avoir quelque chose de plus grave que de menues tensions passagères dans le couple, Emerys tenta de réconforter son amie, et l'encouragea a lui confier ce qu'elle avait sur le coeur.
Débordant de reconnaissance pour la sollicitude de sa soeur de guilde, Aëlissandya lui raconta.
Elle en resta muette pendant un moment...

Chapitre 3

Au vu de l'état de son amie, Emerys jugea préférable de la ramener auprès de son époux... Il serait le mieux à même pour s'occuper d'elle.

Elle n'arrivait pas à comprendre sa réaction... la princesse se faisait une montagne de... d'une montagne en fait... mais quand même ! Elle n'aurait jamais imaginé la voir dans une telle détresse, à imaginer inlassablement des scénarios tous pires les uns que les autres entrecoupés de sanglots.

Quand enfin elles arrivèrent en vue du château de Darkpoet, Aëlissandya réagit enfin.
- Jure-moi que tu ne lui diras pas ! Emerys, jure-le-moi ! Je t'en supplie !
- Heu... fit Emerys, décontenancée par cette attitude surprenante. Je te le jure...
- Merci ! souffla Aëlissandya, soudain débordante de reconnaissance.

C'est ce moment que choisit Darkpoet pour arriver. Il les avait vues depuis son bureau au gouvernement, et, craignant que ce retour plus hâtif que prévu ne soit annonciateur d'une mauvaise nouvelle, il avait tout abandonné pour se porter au devant de sa belle.

Le coeur d'Aëlissandya se serra en le voyant approcher, l'air inquiet. Soudain, elle ne pensa plus à rien. Le monde n'existait plus. Il n'y avait plus qu'elle et Darkpoet...
Dans un subit élan de tendresse, le visage rayonnant, elle sauta de son cheval et courru à sa rencontre pour se blottir dans ses bras, ignorant completement Emerys qui restait ébahie devant ce changement d'attitude.

Sans lui adresser un regard, le regard plongé dans celui de son épouse, Darkpoet entraina cette dernière dans le château.
Emerys les regarda disparaitre dans l'imposante bâtisse, puis repartit silloner Dakim en soupirant :
- L'amour rend aveugle, je veux bien, mais les règles de politesse, quand même...

Plus rien, plus de doutes, plus de peur...
Juste elle et Darkpoet.
Et une musique dans l'air, légère comme une bise, enjouée comme le printemps, comme une ravissante odeur de fleur de pomme, la douceur d'un coucher de soleil, le fracas d'une fausse note.
La musique cessa.

Aëlissandya et Darkpoet se retournèrent, surpris.
Ils virent Cladius, qui examinait avec perplexité un curieux instrument sans forme. Cladius, le barde des Wersats, toujours là où on ne l'attendait pas, jamais à son cours de musique...
Le musicien releva soudain la tête, sentant qu'on le regardait.
En voyant Aëlissandya, il blêmit.
- Non, pas le pommier ! s'écria-t-il avant de déguerpir comme si il avait le feu aux trousses.

Les deux amoureux se regardèrent en souriant puis haussèrent les épaules. déjà, ils l'avaient oublié.
Il n'y avait plus rien.
Juste elle et Darkpoet.
Et une musique dans l'air, légère comme une bise, enjouée comme le printemps, comme une ravissante odeur de fleur de pomme, la douceur d'un coucher de soleil, l'ivresse de l'amour.

Chapitre 4

Le lendemain, les deux amoureux décidèrent de se rendre au village des Wersats pour prendre un peu de nouvelles de leurs frères et soeurs de guilde.
Ils aimaient l'ambiance fraternelle de cette guilde aux membres si différents les uns des autres, mais tous unis par le même idéal... même si personne ne savait exactement lequel. Il était probablement inscrit au fond des chopes que vidaient les Wersats dans la taverne souvent bondée de l'orc Nadaur...

Après s'être mis au courant des dernieres informations, il se mirent à déambuler paisiblement dans le village, la main dans la main et les yeux dans les yeux...

Une petite rangaine trottait dans la tête d'Aëlissandya...
Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

Ils ne remarquèrent même pas l'arrivée de douze intrus qui transportaient vraisemblablement une sorte d'autel ou quelque chose de ce genre...

Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

Ils ne remarquèrent même pas Dante qui trottinait devant eux à la suite de son épouse Cassisfleur.

Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

Alors qu'ils passaient sous un pommier - non, sous le pommier, celui sous lequel Darkpoet (et quelques autres, mais ça ils l'avaient oubliés) avait déclaré son amour à Aëlissandya - Darkpoet leva la main pour attraper une fleur et la glissa dans la cheveux de sa compagne, complètement sous le charme...

Je le dis, je le dis pas, je le...

- La reine des pommes celle-là pour avoir épousé un homme aussi sentimental !

Le charme fut soudain brisé.
Aëlissandya se retourna vivement.
Bossan.
Elle aurait dû s'en douter ! Il n'y avait que lui pour oser la railler ainsi !
The Devil King Bossan, comme il aimait se faire appeler... Un petit roi qui se prenait pour le centre du monde ! Les tensions et les défis n'étaient pas rares entre eux...

Presque instinctivement, Aëlissandya se dirigea à grands pas vers le mort-vivant. Déjà, elle saisissait sa branche de pommier magique, qui ne la quittait jamais.
Le visage de Bossan s'éclaira. Ils se redressa de toute sa hauteur puis se mit en position de combat.
- Allez, viens, reine des pommes ! railla-t-il. Viens gouter à mon Sledge-hammer ! Tu m'en donneras des nouvelles !

Déjà, la foule se rassemblait autour d'eux. Les Wersats pariaient sur leur favori à grands renforts de cris et de baffes.
Darkpoet regardait la scène avec suspicion. Il savait son épouse de taille à affronter Bossan sans avoir à craindre une défaite, mais il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter... Cependant il ne pouvait pas se permettre d'essayer de raisonner les deux adversaires, toute la guilde lui en aurait voulu et eux deux les premiers.

Les mots de défis d'Aëlissandya mourrurent sur ses lèvres. Elle considéra pensivement l'arme pendant quelques secondes.
A la surprise générale, elle remit sa branche de pommier à sa place. Ce geste lui coutait...
Jamais elle ne l'admettrait, mais elle avait une grande estime de Bossan...
Et pour rien au monde elle n'aurait manqué une bagarre avec lui !
Du moins, c'était ce qu'elle croyait jusque là...

En face d'elle, Bossan en resta interdit.
- Mais, qu'est-ce que tu fais ? balbutia-t-il, la déception se lisant sur son visage.
- Je déclare forfait, répondit simplement Aëlissandya.
- Hein ? Mais tu n'as pas le droit ! Il faut que tu m'insultes, que tu me nargues, que tu me railles, que tu m'attaques, que tu...
- Je n'ai pas envie de prendre des risques.
- Hein ?

Même Darkpoet n'en revenait pas... Son épouse revint vers lui et glissa sa main dans la sienne.
- Et si on rentrait au chateau ? sussurra-t-elle.
Et ils s'éloignèrent, ignorant la foule qui les regardait, déçue.
Ignorant le soudain cri de fureur de Tifa, l'explosive compagne de Bossan, qui était outrée par ses parole à leur égard.
Ignorant Bossan qui les dépassait au pas de course, fuyant sa dulcinée sous les plaisanteries moqueuses des Wersats.

Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

Chapitre 5

La petite rengaine continua de trotter dans la tête de la jeune épouse toute la journée.

Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

A plusieurs reprises, Darkpoet s'inquiéta ; elle paraissait si pensive, et ça lui ressemblait si peu de refuser un combat avec Bossan... Elle était complètement perdue dans ses pensées, tournant en rond dans le château avec un étrange sourire mystérieux sur les lèvres à une allure inhabituellement trainante.

Je le dis, je le dis pas, je le dis, je le dis pas...

Je le dis.

Aëlissandya s'arrêta soudainement au milieu d'une allée. Sans aucune raison apparente, elle fit vivement demi-tour et se dirigea à grands pas vers le château.

Elle commença par se rendre au bureau de son époux.
Personne.
Elle fouilla rapidement le château, sans le trouver.
Avisant un serviteur qui passait par là, elle le héla.
- Hé ! Toi !
- Oui, madame... répondit l'autre, surpris d'être ainsi interpelé pendant son travail.
- Sais-tu où se trouve Darkpoet ?
- Je crois qu'il est au gouvernement, madame...
Evidemment...

La jeune elfe sortit vivement du château et se dirigea à grands pas vers le gouvernement. Elle connaissait le chemin par coeur, elle l'avait si souvent parcouru main dans la main avec Darkpoet...

Arrivée dans le bâtiment, elle fut tout de suite acceuillie par le préposé à l'acceuil, qui débitait comme à son habitude un flot étourdissant de paroles de bienvenue. La jeune elfe, à son habitude, l'ignora, et se dirigea immédiatement vers le bureau présidentiel.
Vide.

Pestant contre sa malchance, elle retourna dans le hall d'entrée qu'elle traversa rapidement sans prêter attention au refrain de l'employé pour faire irruption dans la salle de conférence.

Darkpoet se tourna brusquement vers elle, surpris de son intrusion.
- Mon amour, il faut que je te dise quelque chose... lança tout de suite Aëlissandya.
- Je... heu... hésita Darkpoet. Tu as finis le communiqué pour le recensement ?
- Non, enfin si, mais ce n'est pas ça... Ce n'est pas pour le gouvernement, en fait...
- Ah... Et, c'est urgent urgent, ou ça peut attendre quelques minutes ?
- Hein ? Pourquoi attendre ?
- Ben, c'est que je suis en réunion, là...

Ce n'est qu'à ce moment que la princesse s'aperçut de la présence du ministre de l'économie, Messire Cromwell, assis à la table de réunion avec une liasse de feuilles dans les gantelets, qui la reg... qui dirigeait les deux lueurs bleues apparaissant sous son casque dans sa direction.
- Bonjour Dame Aëlissandya, salua alors le mort-vivant avec amabilité d'une voix caverneuse.
- Oh ! Bonjour Messire Cromwell...
- Nous étions en train de discuter du recensement et des futures subventions... poursuivit le ministre de sa voix d'outre-tombe. Je ne pense pas que nous en ayons encore pour bien longtemps... Mais nous pouvons reprendre plus tard si vous le souhaitez...

Aëlissandya brulait d'envoyer ballader le mort-vivant, de l'assomer, de le pourfendre, de le désintéger, bref, de faire tout ce qui était possible et imaginable pour se retrouver seule avec Darkpoet et pouvoir s'épancher allègrement auprès de son époux adoré, mais elle se contint. Il aurait été malvenu de déclancher une crise gouvernementale pour un secret n'était pas si urgent...

- Non, continuez, répondit-elle avec une amabilité forcée... Je te dirais ça plus tard, mon amour...

Et elle quitta la pièce en maugréant.
Au milieu du hall d'entrée, elle eut soudain une illumination et se précipita à nouveau dans la salle de conférence.
Sous les ... orbites... ébahis de Cromwell, elle se dirigea droit vers son époux et l'embrassa, avant de repartir toute guillerette aussi rapidement qu'elle était venue.
Elle allait l'attendre bien sagement dans la cour du château...

Chapitre 6

Quand Darkpoet pénétra dans la cour de son château, il fut acceuilli par un trognon de pomme que son épouse venait de lancer rageusement...

- Pas pour longtemps ! Pas pour longtemps ! tempêta la jeune elfe en s'approchant vivement. Ca fait deux heures que je gèle dans cette cour glaciale à attendre que tu daignes t'occuper de ton épouse !
- Mais ma chérie, si tu avais froid il fallait te mettre au chaud à l'intérieur !
- Qui te dis que j'avais froid ? Je ne suis pas une frileuse, moi ! On peut savoir ce qu'il avait de si intéressant à te dire, ton économiste, pour que tu abandonnes ta femme comme ça ?

Darkpoet prit un air contrit et saisit les deux mains d'Aëlissandya.

- Je suis désolé, mon amour, commenca-t-il, mais juste au moment où j'en finissais avec Cromwell, Legs est arrivé...
- Quoi ? Ce nain aux pattes de canard ? persifla Aëlissandya.
- ... et nous nous sommes mis à parler des subventions que nous pourrions voter pour les calèches, continua le président avec un sourire charmeur. J'ai bien pensé à remettre la discussion à plus tard, mais il a tellement de travail, je ne pouvais pas lui imposer un voyage supplémentaire...
- Surtout pas pour moi !
- ... et si j'avais reporté la réunion à plus tard dans la soirée cela nous aurait pris plus de temps. Mais je suis là, maintenant...
- Tu attaches plus d'importance à tes ministres qu'à ton épouse ! asséna Aëlissandya en s'éloignant furieusement.

Darkpoet soupira et secoua la tête en souriant. Il commençait à s'habituer à ces crises de mauvaise humeur...

- Je ne vois pas de quoi tu te plains, lança-t-il, vu que de toute façon tu es ministre aussi...

Aëlissandya se retourna d'un bloc, outrée. Elle s'arrêta en remarquant le sourire hilare de son mari qui la regardait, les mains sur les hanches, la tête penchée sur le coté.

- Tu te fiches de moi ?!
- Et si tu me disais ce que tu voulais tant me dire ? suggéra Darkpoet en s'approchant.
- Non.
- Non ? répéta-t-il en passant les bras autour de la taille de sa femme.
- Je ne veux plus te le dire !

Il fit mine de réfléchir un instant, puis haussa les épaules.

- D'accord ! De toute façon je n'avais pas envie de le savoir.
- Comment ça tu ne voulais pas ?! s'exclama Aëlissandya avant de réaliser qu'il était encore en train de se moquer d'elle.

Elle fit mine de le frapper en pestant ; lui se contenta de rire. Ce rire fit s'envoler toute la colère d'Aëlissandya. Ne restait que son amour pour cet homme exceptionnel ; un amour vibrant, puissant, enivrant de bonheur...
Ne restait que son amour... et aussi son secret.
Elle prit une inspiration pour enfin tout dire.

- Heu... je ne vous dérange pas j'espère...

Aëlissandya se retourna vivement.
Là, à l'entrée de la cour, se tenait Pilpa...
La jeune elfe les regardait, l'air hésitante comme d'habitude. Elle ne manquait jamais une occasion de faire un bêtise, et passait d'un wersat à l'autre dans un but encore non identifié... Si encore elle se décidait à demander ce qu'elle voulait... Mais non, elle se contentait de vous fixer avec ses yeux suppliants et partait voir quelqu'un d'autre...
Malgré toute l'affection qu'Aëlissandya avait pour cette jeune membre des Wersats, cette attitude l'exaspérait au plus au point, et elle choisissait décidément mal son moment...

- Fichez-nous la paix ! Vous vous êtes tous donnés le mot, décidément ? Disparaissez hors de ma vue, j'ai mieux à faire que réparer vos bêtises ! Vous n'aviez qu'à faire attention, voilà ! c'est compris ? Maintenant filez ! je ne veux plus vous voir ! Hors de ma vue ! Quoi encore ?

Darkpoet avait saisit le bras d'Aëlissandya et l'entrainait vers l'entrée du château sans un regard pour Pilpa qui avait filé sans demander son reste.
Il ne s'arrêta que dans leur chambre puis, passant de nouveau les bras autour de son épouse, il l'obligea à lui faire face.

- Ici, au moins, personne ne nous interrompra... assura-t-il.
- Ah ! Tu crois ça ? s'exclama Aëlissandya.
- Après l'acceuil que tu lui as fait l'autre nuit, Jagdpanther ne risque pas de remettre les pieds ici de si tôt, affirma Darkpoet en riant à moitié. Alors, dis-moi, qu'avais-tu de si important à me dire ?

Aëlissandya prit une inspiration. Elle bloqua une seconde sa respiration, histoire de s'assurer que personne n'allait encore les interrompre. Une seconde de silence absolu...

Satisfaite, elle se décida enfin à révéler son secret à son mari.

Ce dernier resta interdit un instant, puis lui fit répéter ce qu'elle venait de dire. Après un temps d'assimilation qui parut durer une éternité, il recula d'un pas et s'assit sur le lit, blème.
- C'est magnifique, souffla-t-il d'un air catastrophé.

Aëlissandya ne savait plus quoi faire...
S'agissait-il là d'une réaction normale pour un homme qui apprend qu'il va devenir père ?

Chapitre 7

Aëlissandya était le centre de tous les regards. Le galbe léger de son ventre commençait à se voir, et les commentaires allaient bon train dans la taverne du village des wersats.

Elle se hissa souplement sur l'estrade et attendit un instant que le bruit retombe.

- Salut vous tous ! Je voulais mettre une annonce sur le tableau d'affichage mais je crois que c'est encore ici que j'ai le plus de chances de faire passer mon message au maximum de monde...

Ils la regardaient tous en silence... Inhabituel... Mais ils étaient tous là. Sauf Darkpoet... heureusement.

- Voilà, j'aurais besoin que vous me rendiez un petit service... Le chateau de Darkpoet est... comment dire... il manque un peu de couleur et de chaleur, je trouve... Et... comment dire... ce n'est pas vraiment le cadre idéal pour... heu... Oh, allez, autant dire les choses franchement, je voudrais faire quelques travaux avant la naissance ! Mais n'en dites rien à Darkpoet, je voudrais lui faire la surprise... Si vous pouviez avoir la gentillesse de venir me donner un petit coup de main, dès demain, pendant que nous serons au gouvernement... Il y aura des gâteaux et des boissons pour tous les volontaires.

Sur ces paroles, elle quitta la taverne, pressée. Il ne fallait pas que Darkpoet se rende compte de son absence...

Le lendemain matin, veillant à ce que Darkpoet ne s'aperçoive de rien, elle donna ordre à tous les serviteurs de préparer les matériaux : bois, pierre, peinture, marteaux, scies, pelles, pinceaux... Tout était prêt... Il ne manquait plus que les bâtisseurs...

Mais elle partit avant qu'ils arrivent au château...

Le gouvernement était maintenant sur son domaine, à présent qu'elle avait été élue à la tête de Dakim. Ils avaient résolu avec Darkpoet de séjourner quelques jours dans son château, à proximité du gouvernement, le temps de le mettre bien en place... Cela laisserait le temps aux Wersats de faire des merveilles chez lui...

Arrivés sur le domaine d'Aëlissandya, les deux époux commençèrent par s'arrêter au gouvernement. Tous les ministres étaient au rendez-vous...

Certains visages étaient connus.
Cromwell, l'impressionnant mort vivant à la voix d'outre-tombe (comme on pouvait s'y attendre...), avait déjà emmené ses listes de commerces pour continuer son travail. Darkpoet lui lança un regard méfiant... Pour qui, pourquoi, il avait toujours l'air de ne pas aprécier qu'Aëlissandya lui adresse la parole...
Legs, l'ancien ministre de la mobilité, cancannait à qui mieux mieux que le tourisme était exactement la mission qui lui correspondait.
Les deux autres restaient un peu à l'écart, pas encore habitués aux us du gouvernement.
Aëlissandya reconnut en l'elfe qui rôdait devait la porte celui qui allait occuper son ancien poste : Xephilor.
Il y avait aussi Rahan... Elle ne le connaissait pas encore très bien, mais il avait l'air motivé...

Sitôt la réunion terminée, Aëlissandya et darkpoet se rendirent au château. Grominus les accueillit avec empressement.
- Dame Aël ! Dame Aël ! Comme je suis heureux de vous voir !
- Bonjour Grominus, répondit Aëlissandya tandis que Darkpoet l'aidait à descendre de cheval. Alors, tout se passe bien ici ?
- C'est la catastrophe, Dame Aël ! La catastrophe ! Tout va de mal en pis ! Il était grand temps que vous reveniez !
- Que se passe-t-il ?
- Il n'y a plus de pommes, Dame Aël ! La réserve a été complètement vidée ! C'est une catastrophe !

Chapitre 8

Après une semaine d'absence, les deux époux rentraient tranquillement chez eux... Aëlissandya bouillait d'impatience...
- Ca va ? demanda Darkpoet pour la ènième fois, l'air soucieux.
- Très bien ! répondit la jeune elfe, comme à chaque fois...
- Tu es sûre ?
- Mais oui, voyons ! Pourquoi es-tu aussi inquiet ?
- Ce n'est pas raisonnable, ce voyage, dans ton état !
Aëlissandya soupira, exaspérée.
- Je vais très bien ! Tiens-le toi pour dit...
- Si tu le dis...

Ils continuèrent un moment en silence, bercés par le rythme lent des chevaux et le chant des oiseaux.

- Tu me dis, hein, si ça ne va pas ?
Aëlissandya leva les yeux au ciel...

Enfin, ils arrivèrent en vue du domaine de Darkpoet.

Arrivés devant la cour du château, ils s'arrêtèrent, bouche bée.
Tous les wersats étaient là pour les acceuillir à leur manière habituelle : bruyamment et chaotiquement...
Derrière la foule s'élevait le château... la façade au tiers recouverte d'une peinture bleue criarde.

- Qu'est-ce que... ?! Qui a fait ça ? demanda Darkpoet d'une voix blanche...
- C'est moi ! déclara fièrement une petite voix.

Darkpoet sauta à terre et se dirigea vers le coupable. Danakyys... Mage Bleu - raté - de son état, ce garçon avait le chic pour s'attirer les ennuis...
- Qu'est-ce qui t'as pris ? s'exclama Darkpoet, outré.
- Ben... je voulais aider, moi... balbutia Danakyys, avant de s'enfuir en courant.

Aëlissandya aperçut avec surprise un étrange ourson à grandes dents qui donnait la chasse au petit mage...
- C'est quoi, ce truc ? s'étonna-t-elle.
- C'est un petit cadeau pour le bébé, répondit Ubris, l'un des guerriers des Wersats. Il n'a pas très envie de rester dans le berceau, je crois, mais à part ça ce sera un excellent compagnon...
- Sauf qu'il a dévoré le lézard que j'avais amené pour le bébé ! protesta Dhea, la demi-soeur d'Aëlissandya.
- Heu... ce... c'est très gentil, balbutia Aëlissandya, qui commençait à se demander comment elle allait pouvoir se débarasser du menaçant doudou avant la naissance sans vexer Ubris...

- Aider à quoi ? demanda Darkpoet, soudain inquiet...
Il se dirigea à grands pas vers le château et pénétra dans la cour...

A la place des arbres, il y avait maintenant un grand lac d'eau magique, idéal pour la pêche.
- Je me suis dit que ce serait bien pour le bébé s'il a envie de se détendre, commenta Bossan. Les arbres, c'est un peu trop monotone...
- Et puis quoi encore ! s'exclama Aëlissandya. Toi, un ancien elfe, tu arraches des arbres ?
- Bon, un lac, à la rigueur, maugréa Darkpoet, ça peut aller...
- ...et sinon, là-bas, j'ai fait une petite clairière pour que le bébé puisse s'entrainer au combat... continua Bossan.
Blème, Aëlissandya distingua au loin une dizaine de guerriers vraisemblablement morts qui tournaient en rond dans la clairière en s'attaquant mutuellement...

Les deux époux pénétrèrent en toute hâte dans le château lui-même.
Les wersats les guidèrent avec excitation vers la future chambre du bébé...
Ils pénétrèrent dans une espèce de grotte couverte de pics monstrueux peints en vert tendre. A l'est, le mur avait été remplacé par une grande baie vitrée, occultée par de lourdes tentures noires.
Au milieu de la chambre trônait un berceau fait de roches volacaniques, d'ossements et de ronces. Dans le berceau, on voyait l'un des serviteurs de Darkpoet qui avait vraisemblablement été empaillé vivant, toute une panoplie de guerrier miniature et une flute en bois blanc...

- Qui a fait ça ?! s'écria Aëlissandya.
- Moi ! s'exclamèrent ensemble Ubris, Dhea, Diabloca, Pilpa et Salaha.
- Quelle horreur ! ne put s'empêcher de gémir Aëlissandya. Mais pourquoi est-ce que je leur ai demandé de refaire la décoration ?
- Tu as fait quoi ?!!! s'exclama Darkpoet.
- Ben... fit Aëlissandya, piteuse.
Darkpoet ne répondit pas...

Ils poursuivirent le tour du château. Dhea leur racontait avec excitation comment elle avait déplacé la cuisine. Darkpoet soupira à peine en voyant comment elle avait saccagé son salon préféré. De leur côté, Emerys et Lapin duroin expliquaient à Aëlissandya coment utiliser les étranges cadeaux qu'elles avaient amené pour le bébé.

Ils pénétrèrent avec apréhension dans leur chambre, sous les yeux anxieux de Silar, le jeune sous-chef galinacéen.
- Ah ! s'exclama Darkpoet. Ca au moins c'est regardable !
Silar avait effectivement fait preuve d'un bien meilleur goût que tous les autres.
Un tapis luxueux recouvrait le sol. Un beau lit à baldaquin dans les tons beiges occupait le centre de la pièce. Des toiles en soie tombaient sur les rebors du lit. Au fond, une petite barrière de bois rappelait la nature. En face du lit au milieu de la pièce se trouvait un arbre d'une verdûre éclatante. Divers meubles sculptés de motifs animaliers meublaient utilement la pièce.
Au fond de la pièce se trouvait aussi une trappe qui menait à une pièce secrète. Silar expliqua à Darkpoet qu'il avait créé cette pièce spécialement pour qu'il puisse y travailler à ses sorts, sans que personne ne vienne l'y déranger.

Le plus discètement possible, Darkpoet glissa à l'oreille de son épouse :
- On va habiter dans ton château le temps de remettre tout ça en état ?
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Pour voir les détails de la rénovation : http://wofnawakim.2morpg.net/la-cour-f15/atelier-bricolage-au-chateau-de-darkpoet-prevoyez-vos-pinceaux-t338.htm#6576

Chapitre 9

Aëlissandya était allongée sur son lit, dans son château, où elle et Darkpoet avaient momentanément élu domicile le temps des travaux de réaménagement au château de Darkpoet. Et puis, cela avait l’avantage de la rapprocher du siège du gouvernement… La grossesse ne facilitait pas les voyages, c’était le moins que l’on puisse dire…

Elle était justement en train d’expliquer à Richius, le grand paladin des Wersats, qu’elle s’inquiétait… Elle était tout sauf oisive, et ses multiples activités commençaient à la fatiguer. Depuis quelques semaines, elle avait de fréquentes pertes de connaissance. Darkpoet la surprotégeait plus encore qu’auparavant si c’était possible et s’affolait à la moindre absence…
Mais pour l’heure, tout ce qu’elle voulait savoir, c’était si le bébé allait bien…

Richius l’avait longuement examinée, non sans lui avouer qu’il avait assez peu d’expérience en la matière…
- Vous savez, en toute honnêteté, j’ai plus de pratique sur les squelettes que sur les enfants à naître… On ne manque pas de soldats dans la guilde, et j’ai beaucoup appris quand j’étais le soigneur attitré de Jagdpanther…

Il poursuivit néanmoins l’examen, tout en se parlant à lui-même. Aëlissandya, pour sa part, se demandait ce qu’il pouvait bien y avoir à soigner sur un squelette, mais elle s’abstint de tout commentaire – elle ne voulait pas perturber le paladin.

- Une échographie… Non, j’ai beau chercher, je ne me souviens pas en avoir déjà effectué une seule…
- Mais vous savez comment faire ?
- Oh, oui, oui… Théoriquement… Mais bon, comme on dit des fois, entre la théorie et la pratique…

Aëlissandya le laissa terminer son examen sans rien ajouter. Puis, quand enfin il parut avoir terminé, elle lança :
- Alors ? Il va bien ?
- Heu… oui, oui, on dirait bien…
- Vous en êtes sûr ?
- Ben… n…oui ! fit-il d’un air pas du tout convaincu, mais soucieux de ne pas trop inquiéter la future maman.

Cette dernière ne sembla pas le remarquer… Déjà, elle était aux anges à l’idée que son bébé se portait sans aucun doute possible le mieux du monde.

Déjà, elle était passée à une autre préoccupation…
- Vous pouvez me dire si c’est un garçon ou une fille ?

Richius grimaça, comme si il avait appréhendé cette question. Il prit une inspiration et se lança dans une réponse intrigante :
- Madame, avec tout le respect que je vous dois et que je vous porte, il y a malheureusement des questions auxquelles je ne peux point vous donner de réponse sans connaître d’abord votre pensée…
- C'est-à-dire ?
- Pour répondre à votre question, il me faut d’abord savoir si…
Il hésita.
- Si ? l’encouragea Aëlissandya.
- …si vous considérez comme possible et envisageable l’existence des…
- Des ?
- …des hermaphrodites… finit-il avec un ton embarrassé.

Aëlissandya en resta interdite quelques instants.
- Non, finit-elle par répondre fermement. Ces êtres n’existent pas et ne peuvent pas exister. C’est ainsi que les dieux ont fait le monde.
- Très bien, fit le paladin. Dans ce cas, ma réponse est : non, je ne peux pas vous dire si c’est un garçon ou une fille.
- Et si j’avais dit oui ? tenta Aëlissandya, bouleversée.
- Ben… fit Richius, sans oser pousser plus loin sa pensée…

Chapitre 10

Aëlissandya était allongée sur sa couchette, sous sa tente... Dehors, elle entendait le vacarme causé par l'ensemble des Wersats partis en camping sur un coup de tête du grand chef... Belle idée ! Aëlissandya adorait la nature, mais avec tous les wersats, ce n'était pas gagné d'avance... Et sa grossesse l'empêchait de profiter pleinement de ces quelques jous en campagne...

Pour l'heure, c'était justement sa grossesse qui la préoccupait. Richius, devant le manque affolant de tentes, avait cru bon de s'assurer une place sous sa tente sous prétexte qu'il veillait à sa santé. Cela n'avait pas tardé à exaspérer Darkpoet...

Et puis, sans oser en parler à son mari à qui elle n'avait pas avoué le diagnostic du paladin, elle ne lui faisait pas vraiment confiance... Il s'y connaissait en squelettes, certes, mais elle priait pour qu'il se soit trompé au sujet du bébé...
Elle avait donc décidé de demander un second avis à la jeune Neno. Elle avait certes moins d'expérience que Richius, mais au moins c'était une femme, et on pouvait espérer qu'elle s'y connaîtrait un peu plus en gynecologie...

- Des hermaphrodites ? jacassait la paladine. Quelle idée ! Ce cher richius n'y connait probablement rien... C'est un médecin de guerre, un soigneur de guerriers, certes, mais je suis absolument convaincue qu'il n'a jamais vu une femme enceinte de sa vie... Avant vous je veux dire... Il manque de sensibilité, c'est certain ! Même mon ours... pardonnez-moi, je voulais dire Cladius, même lui pourrait vous dire que ça n'existe pas ! Pas besoin d'être un grand paladin pour affirmer qu'il s'est trompé ! C'est triste, remarquez... Perdre la tête si jeune... Quoique je n'ai aucune idée de son âge, en réalité... C'est peut-être normal... Bref, tout ça pour dire que... Ah, bah, je ne sais plus ! Tant pis, ça reviendra plus tard, probablement... Enfin, en tout cas, je suis très contente que vous ayiez fait appel à moi ! C'est un grand honneur pour moi, vous savez ! Si on m'avait dit, il y a quelques semaines, que je vous soignerais, j'aurais rit au nez de... heu... de cette personne ! Comme quoi, la vie réserve bien des surprises, parfois ! Tenez, autre exemple : qui aurait cru que quelqu'un aurait l'audace de me tirer sous la pluie alors que j'étais paisiblement endormie sous ma tente, hein ? Et puis, qui aurait cru que Jagdpanther aurait cette idée farfelue de nous emmener en camping, hein ? On se demande ce qui lui passe par la tête des fois...

Aëlissandya aurait fini par s'endormir, bercée par ce flot constant de paroles, si neno ne s'était pas soudain esclamée avec plus d'enthousiasme encore qu'à l'ordinaire :

- Mais oui bien sûr ! Je comprends mieux !

Et sous les yeux étonnés d'Aëlissandya, la paladine éclata de rire.

- Que se passe-t-il ? demanda la future maman, inquiètée par ce soudain accès d'hilarité...
- Pauvre richius ! Un hermaphrodite ! Incroyable ! Comment a-t-il pu penser à ça ?
- Expliquez-vous, neno ! s'impatienta Aëlissandya.
- Oui, oui, excusez-moi, c'est juste que... c'est tellement risible !
- Neno ! Je vous en supplie !
- Oui, oui ! C'est juste que... Quelque part il n'avait pas vraiment tort !

Nouvel éclat de rire...

- Comment ça, pas tort ? paniqua Aëlissandya.
- Eh bien, c'est à la fois un garçon et une fille... Je suis absolument d'accord avec ça !
- Mais alors...
- Sauf qu'il ne lui est pas venu à l'idée qu'il pouvait y en avoir plus d'un ! Incroyable !

Aëlissandya en resta sans voix...

- Un garçon ET une fille ? finit-elle par demander, perplexe.
- J'en mettrais ma main à couper.

Aëlissandya en resta interdite un moment, puis, sans prévenir, se releva d'un bond et sortit de la tente en courant.
- Darkpoet ! Darkpoet !

Chapitre 11

Aëlissandya se promenait doucement aux alentours du camping improvisé des Wersats.
Elle avait besoin d'être au calme pour méditer sur tous les événements qui avaient ébranlé la guilde.

Il y avait d'abord eu le départ de Jagdpanther. Comme ça, sans prévenir.
Maudit soit Nerull ! C'était surement lui qui avait provoqué le départ du Grand Chef. Quelle idée avait donc eu l'orgeuilleux squelette d'aller défier encore une fois les dieux ?

Mais il était trop tard maintenant. Il était parti pour toujours...

Au moins, il ne ferait plus irruption dans leur chambre sans prévenir...

Et puis Darkpoet avait dû prendre la relève. Aëlissandya tremblait encore en repensant aux longues nuits sans sommeil, passées à essayer de rassurer son époux. Hélas, vraisemblablement trop choqués par le départ soudain de leur Grand Chef, une partie des Wersats avait refusé de voir en lui leur chef...

Les larmes lui vinrent.

Las, épuisé, bouleversé, Darkpoet avait rendu les armes. Il ne voulait même plus etre appelé Wersats ! Il était toujours là, dans sa tente, mais il refusait de sortir pour affronter à nouveau les Wersats...

Lesquels continuaient de se disputer, par ailleurs... Ubris avait pris les choses en main, mais il était déjà dit qu'il ne pourrait pas le faire indéfiniment...

Mais où était docnc passé l'esprit des Wersats ?
Parti avec Jagdpanther, sans doute...

Aëlissandya continua de cheminer sans prêter attention aux endroits où elle marchait. Elle ne se rendit pas compte qu'elle s'enfonçait dans une proofonde et sombre forêt.

Soudain, elle aperçut une étrange formation rocheuse. Curieuse, elle s'approcha.
Pour réaliser qu'il s'agissait d'une sorte d'autel grossièrement sculpté.

Elle comprit tout de suite.

C'était là que Jagdpanther s'était rendu pour s'entretenir avec Nerull au cours des derniers jours...

Soudain ivre de fureur, elle se mit à hurler et commença à attaquer l'autel. Assez rapidement, un étrange halo bleu se forma au dessus de ce dernier, pour prendre petit à petit la forme repoussante de Nerull.

- Qui ose s'attaquer à moi de cette manière ? s'indigna la divinité.
- C'est moi, cracha Aëlissandya. Je veux savoir où vous avez envoyé Jagdpanther !

Nerull la regarda avec surprise. Il lui fallut quelques instants pour se reprendre et répondre sur un ton menaçant :
- Misérable elfe, te crois-tu de taille à me défier, moi, Nerull le Faucheur, Adversaire du Bien, Ennemi de la vie. Je suis le Porteur de ténèbres, Dieu de la mort, des ténèbres, du meurtre et du monde inférieur !
- Ces hommes ! Tous pareils ! De vrais vantards !

En pensée, elle se hâta d'exclure Darkpoet de cette généralisation. Il était la perfection même, cela allait de soi...

- J'exige de savoir ou est Jagdpanther ou vous tâterez de ma branche de pommier !

Nerull en resta bouche bée... Cela faisait trop ! D'abord l'outrecuidant squelette, maintenant cette elfe colérique... Personne ne le respectait donc ? L'attitude menaçante de la femme le faisait réfléchir... Il n'avait toujours pas eu de sacrifice, et ne se sentait pas au mieux de sa forme... Mieux valait ne pas exciter davantage cette furie...

- Il est parti en mission pour moi. Il va m'aider à établir ma dominiation sur tous les autres dieux.
- Dites-lui qu'il n'a pas le droit d'abandonner sa guilde comme ça ! Il faut qu'il revienne !
- C'est impossible...
- Faites le revenir !

Nerull réfléchit un instant. Finalement, il céda :

- Bon, d'accord... Mais arrêtez de crier !

Aëlissandya se tut.
Sans prévenir, la divinité disparut, et la jeune elfe se retrouva seule. Soudain, un halo bleu l'entoura. Elle perdit connaissance.

Elle se réveilla quelques heures plus tard en entandant les cris de son cher époux. Il la cherchait... Quand enfin il la vit, il se précipita pour la prendre dans ses bras et la ramener à leur tente.

- C'en est assez, murmura-t-il. Il est grand temps que nous retournions au château ! Je ne veux pas prendre le risque de te voir accoucher ici !

Aëlissandya acquiesça, pensive. Elle avait la désagréable impression de s'être fait berner par Nerull...

Chapitre 12

De retour à son château, Aëlissandya s'était aussitôt investie dans sa nouvelle campagne en prévision des élections.
Darkpoet, tout à son désir de solitude depuis sa douloureuse expérience à la tête des Wersats, ne souhaitait plus que rester au château. Plus de guilde, plus de politique... Au moins, il pourrait s'occuper des enfants au château, ce qui permettait à son épouse de se représenter aux élections.

Elle n'avait pas raconté à Darkpoet ce qui s'était passé avec Nerull. Elle ne voulait pas l'inquiéter davantage encore...

En revanche elle s'en était ouverte à JC, le prêtre des Wersats.
- Nerull n'a donc rien demandé ? s'était-il étonné.
- Non, rien du tout...
- Hum...
Il avait réfléchit un instant, puis avait demandé :
- Et il ne vous a rien donné non plus ?
- Non rien du tout. Vous voyez bien que Jagdpanther n'est pas revenu.
- Hum...
- Mais il y a quand même ce halo...
- Hum...
- Il a du faire quelque chose, non ?
- Hum...
Il réfléchissait toujours... Finalement, il avait fini par dire :
- En tout cas, s'il a fait quoi que ce soit pour vous, je serais fort étonné qu'il n'y ait pas de contrepartie... Soit il vous a fait un cadeau dont on ignore la nature et vous en demandera un prix élevé, soit il vous a punie de votre... insolence à son égard, dirons-nous...
- Dans le premier cas, au moins, il y a un aspect positif, murmura Aëlissandya.
- Hum... Encore faut-il que Nerull et vous ayiez la même notion du positif... ce pourrait tout aussi bien être une calamité pour le bénéfice de laquelle il vous demandera un prix exorbitant...
Aëlissandya l'avait froidement remercié de s'être montré si encourageant...

Neno, qui était devenue à force de discussions lors de ses consultations médicales sa meilleure amie au sein de la guilde, s'était montrée plus encourageante... Au moins, les bébés ne semblaient pas avoir subi de tort...

Ce fut avec ces pensées en tête qu'elle se présenta au débat organisé avec les autres candidats aux élections de Dakim. En fait de candidats, seule Salaha, son ancienne soeur d'armes, avait fait le déplacement...

En plein milieu du débat, alors que Bossan, qui vraisemblablement n'avait pas aprécié une remarque de Salaha, lui lançait une chaise dessus, Aëlissandya poussa soudain un cri.

Le moment était arrivé, elle le sentait dans toutes les fibres de son être.
Le moment d'abandoner au monde les deux précieux êtres qu'elle avait abrité pendant quelques mois...

Cette idée la fit défaillir, et elle tomba. Ses serviteurs se précipitèrent comme un seul, Darkpoet à leur côté, pour la conduire au château. Neno fut mandée, et de longues heures de souffrance commencèrent...

Après une longue attente, enfin, un pleur déchira l'air. Neno tendit à un Darkpoet tout bouleversé un petit humelfe qui semblait vouloir hurler de façon à faire savoir à tout Nawakim qu'il était enfin venu au monde...
- W'la, murmura Darkpoet en prenant dans ses bras le petit être.

- Si je peux me permettre une suggestion, remarqua alors Neno, je vous conseille de le poser dans le berceau assez vite, parce qu'il y a l'autre qui arrive...

Chapitre 13

Il fallut un long moment avant que Neno remette un autre bébé dans les bras de Darkpoet... C'était une ravissante petite fille qui semblait vouloir rivaliser avec son frère sur le volume de ses cris... Le sourire aux lèvres et le regard paniqué, Darkpoet lui donna le nom qu'ils avaient choisi avec Aëlissandya pour une fille : Hyleria.

- Heu... Vous avez encore de la place dans le berceau ? demanda soudain Neno.

Darkpoet la regarda sans comprendre...

- Si non, vous feriez bien d'en trouver un autre, parce que je crois bien que ce n'est pas fini...
- Quoi ? fit Darkpoet, les yeux écarquillés.
- Il y en a un troisième...

Il faillit en tomber à la renverse. Aëlissandya ne put que murmurer faiblement son étonnement...
Le jeune père restait interdit, comme assomé par cette nouvelle... Il s'était préparé à deux bébés, il avait fini par se faire à cette idée, mais trois ?

Comprenant qu'elle ne pouvait plus attendre aucune aide de sa part, Neno prit les choses en main et commença à donner des ordres aux serviteurs pour qu'ils apportent un nouveau berceau. Au bout de quelques demandes, Darkpoet finit par comprendre qu'il devait poser la petite Hyleria à côté du petit W'la, pour pouvoir prendre le troisième quand le moment serait venu...

Le moment finit par venir, et Darkpoet se retrouva bientôt avec une autre petite fille dans les bras...
Il resta bouche bée... Ils n'avaient pas prévu ça... Un garçon et une fille, leur avait dit Neno. Ils avaient cherché un nom de garçon et un nom de fille... Pas deux... Comment allaient-ils bien pouvoir l'appeler ?

Il n'eut pas le loisir de se pencher très longtemps sur la question... Déjà, Neno s'activait pour délivrer Aëlissandya du quatrième enfant...

Un nouveau petit garçon vint rapidement s'ajouter aux trois petits qui braillaient dans leur berceau...
Darkpoet les regardait, hébété, se demandant s'il ne s'agissait pas d'un rêve - ou d'un cauchemar...

Il n'eut aucune réaction quand Neno, inlassable, s'exclama avec enthousiasme :
- Mais comment est-ce possible ?! Il en reste encore un !

Chapitre 14

Aëlissandya et Darkpoet étaient tranquillement en train de préparer les faire-part pour les naissances, profitant de la sieste des bébés... Décidés à ne pas perdre une précieuse minute loin de leurs rejetons, ils s'étaient installés directement dans leur chambre... Le travail en était considérablement ralenti, car Aëlisandya ne se lassait pas de se lever pour aller admirer les nouveaux-nés...

Finalement, ils purent admirer le faire-part enfin terminé pour le premier-né, le petit W'la :



Aëlissandya se précipita aussitôt au chevet du petit, qui avait déjà pu faire montre d'une puissance sonore impressionnante...
- Mon petit W'la... murmura-t-elle tendrement en admirant le petit poupon endormi...
- Hmm... fit Darkpoet, tu viens m'aider pour les autres ?

La jeune mère revint auprès de son époux en souriant et se mit au travail sans tarder. Après quelques essais, on put enfin admirer la carte au nom de la petite Hyleria :



Encore une fois, Aëlissandya se précipita auprès de sa fille et la regarda dormir un long moment. Celle-là semblait déjà vouloir rivaliser avec son frère sur le plan des cris... Au point qu'il allait probablement être nécéssaire de préparer au plus vite des chambres séparées, histoire que les autres puissent dormir en paix...

Une fois revenue auprès de Darkpoet, elle s'attela avec lui à la confection du faire-part du troisième, qu'ils avaient décidé de nommer Skar'a, suite à la suggestion de Neno.



Ignorant Darkpoet qui levait les yeux au ciel, Aëlissandya prit le temps d'admirer encore le petit garçon. Celui là était beaucoup plus calme que les deux premiers. Ses pleurs, quoique presque permanents, étaient beaucoup plus silencieux, et il avait une petite tête d'ange à faire craquer n'importe qui...

Venait ensuite une ravissante fillette, qu'ils avaient appelé Swaëlia sur la suggestion de Dhea, la soeur d'Aëlissandya.



Encore une fois, Aëlissandya se leva pour admirer l'adorable frimousse de la fillette, qui avait déjà conquit le coeur de tous les domestiques du château.

- C'est tellement merveilleux, murmura Aëlissandya. Ils sont si beaux... Mais je n'arrive pas à comprendre comment Neno et Richius on fait pour ne pas s'apercevoir qu'ils étaient si nombreux...
- Ah oui ? fit Darkpoet, sur un ton ironique. Il y a autre chose que j'ai du mal à m'expliquer, moi...

Aëlissandya se mordit les lèvres, et glissa un oeil gêné vers le cinquième bébé, qui avait été mis un peu à l'écart des autres. Elle allait finir par être obligée d'expliquer ce qui s'était passé avec Nerull... Quel mauvais tour il lui avait joué là ! En attendant, elle ne savait pas du tout comment réagir face à ce petit être...
Devinant son trouble, son mari s'approcha et la serra tendrement contre lui... Après un long soupir, Aëlissandya se décida enfin à lui raconter ce qu'elle avait sur le coeur...

D'abord, il parut ne pas réagir.
Au bout d'un moment, il poussa un soupir désabusé et dit laconiquement :
- De toute façon c'est fait, il va bien falloir faire avec...
- Hmm... fit piteusement Aëlissandya.
- Si on s'occupe bien de lui, il aura peut-être meilleur caractère... hasarda son mari.
- Hmm... fit dubitativement Aëlissandya.
- Enfin, allez, il faut qu'on fasse son faire-part à lui aussi... Après tout, il n'y est pour rien... Essayons de ne pas faire de différence...
- Hmm... fit courageusement Aëlissandya.

Chapitre 15

Scéance de baby-sitting chez les DragonSoul...
http://lesdragonsoul.xooit.fr/t71-Les-joies-du-baby-sitting.htm