le soldat inconnu

La magicienne recevait régulièrement les rapports de ses capitaines, rien ne se passait comme prévu, rien n’allait plus.
Leurs alliés les Sanctuaris avaient finalement décidé de tourner leur veste vers les plus forts, gageant là un signe de courage des plus intuitifs, foulant au pieds les accords passés….
Les seuls alliés qui leur restaient, les Samurais, tombaient les uns après les autres au champ d’honneur, les pertes étaient lourdes aussi chez les Tamers.

Chaque missive se voyait moins agréable à lire que la précédente. Les rapports se faisaient alarmants.

Elle reçu avec le dernier rapport de combat une lettre cachetée trouvée sur l’un des soldats tombé au champ de bataille , nul ne savait qui il était. Tamer probablement, au vu de son uniforme si maculé de sang qu’il n’avait pas permis de déterminer l’origine du soldat, les os de son visage émiettés ne rendaient plus possible une quelconque identification. Ni nom, ni adresse sur l’enveloppe. Délicatement, elle décacheta l’enveloppe. Aucune signature ne figurait au bas de la page ensanglantée.

Citation :

Ma chère amie,

A l’heure où je vous écris, mes chances de survie sont bien faibles, je le sais. Je regarde autour de moi je ne vois que désolation et les quelques camarades qui m’accompagnent me rendent mes regards anxieux.
L’odeur du sang est âpre après la bataille d’hier et la victoire précédente me laisse un goût amère, tant de vies sacrifiées une fois encore.
Je compte les lieues qui me séparent de vous et compte aussi les minutes qui me restent à vivre. Mon dernier soupir sera pour vous, mon dernier souffle de vie me portera à vos cotés. Dans mon esprit votre image reste gravée pour l’éternité. Ma douce, ma mie, votre souvenir apaise mes dernières heures. Sachez que mon cœur reste votre jusqu’à la fin.
Je pars le cœur léger de vous savoir à l’abri, et l’âme torturée de ne pas recevoir un dernier baiser de vous. Mais c’est avec bravoure et honneur que je m’acquitterais de ma tâche aujourd’hui, même si je le sais je n’en reviendrais probablement pas.
Dans l’espoir de vous revoir très bientôt.
Votre…

Le soldat inconnu, nul ne saurait jamais son nom.

Une foule de pensées traversaient la magicienne....plusieurs minutes s'écoulaient là, elle restait immobile.
Au loin une voie la sortit de sa torpeur.

-Le déjeuner est servi Ma Dame, Ma dame vous allez bien?

-Non aujourd’hui je n’aurais pas le cœur à manger. Je vais me contenter de nourrir mon esprit, et me recueillir saintement. Luminae saura m’alimenter.

-Ma Dame permettez moi d'insister, vous avez une visite....

Aeryn pénétra dans les appartements privés de la châtelaine. La serrant dans ses bras, Gizaos se sentit le cœur un peu plus léger.

-Mon amie, ma sœur, quelle bonheur de te voir. Ce courrier m'a bouleversé.

Elle lui tendit alors la missive du soldat inconnu.

-Viens avec moi, laissons Luminae nous guider, prions pour eux c'est bien la seule chose qu'on puisse faire à notre niveau...

Ensemble, elles décidèrent de se rendre au temple, mais Gizaos ne pouvait y aller ainsi vêtue. La tenue de pénitente s'imposait.

-Aeryn aide moi tu veux bien ?

Doucement, de ses doigts fébriles, la princesse elfe se mit à dénouer le lacet de la robe blanche de Gizaos, qui venait de sortir de la grande armoire, sa soutane noire. D’un geste lent, la blanche tomba sur ses chevilles, qu’aussitôt la noire lui tombait sur les épaules, sa ceinture lui enserrant déjà la taille.

Puis Gizaos ouvrit une seconde fois la grande armoire, elle en sortit une robe blanche, la tendit à son amie. Prends là elle est à toi. De la pure soie elfique, tissée avec le plus grand soin il y a de cela des années.

Aidant à son tour la princesse, elles se trouvèrent habillées prêtes à sortir.
La magicienne pris sa capuche du bout des doigts, la faisant glisser sur ses cheveux, cachant ainsi ses yeux rougis.

Timidement elles sortirent toutes les deux de son domaine, se présentèrent devant le temple, les grandes stèles de marbre blanc les aveuglaient. La fraîcheur de l’air piquait les narines de l'humaine, en courant elle traversa l’esplanade, et arriva devant la porte. Son esprit s’apaisait.
L'elfe beaucoup plus habituée aux rudesses de la nature ne semblait pas en souffrir. Elle pénétra à son tour la bâtisse et se laissa envahir par la douce présence de la déesse.

Gizaos posa son sceptre à l'entrée du temple. Puis agenouillée devant l'icône elle entama sa litanie sans fin, relayée par Aerynsün.

La journée ainsi passée elles retournèrent au domaine yakimien,l’humaine y donna ses ordres afin qu’une sépulture décente et honorable soit donnée au soldat inconnu. Un simple pavillon blanc ornerait sa pierre gravée d’un X.


Le lendemain le soleil se levait à peine la fraicheur de la rosée matinale épanouissait la princesse tameresse restée au domaine.
Ensemble, elle retournèrent au temple.
Un épais silence écrasait les poitrines. Anxieuses attente, les quatre jeunes pages désigné pour porter le cercueil étaient si blêmes qu'ils menaçaient de s'évanouir à chaque pas.
En cadence, ils avançaient lentement puis arrivés sur l'esplanade, ils posèrent le cercueil.

Aerynsün posa la plaque sur la tombe.

Citation :

Ci gît le soldat inconnu.
Avec honneur, bravoure et dévouement,
Il s’est battu
Puisse t il en paix reposer éternellement

Gizaos approcha son sceptre du cercueil, ses lèvres remuaient à peine, une lueur rouge jaillit soudain et au moment même de la rencontre entre l'outil et le bois d'ébène, une glycine blanche se mit à pousser sur le bois, étendant son doux parfum sucré dans l'air pur de Luminae....