Ballade en foret ténébreuse

Plongeant vers sa proie, un sifflement au loin retentit.....
Le grand faucon dévia de sa trajectoire, et en quelques battements d'ailes, rejoignit son maître.
Ayant apperçu la scène, le Seigneur Belenos se pressa de descendre ouvrir la porte...

-Bonjour à vous Dame Gizaos. Je ne vous attendais pas aussitôt, mais le plaisir n'est que plus intense.Entrez donc !
Et ne faites pas attention au fait qu'il n'y ai point d'auberge. Mon château sera plus confortable et à votre
convenance qu'une auberge, et ce soir je suis votre aubergiste.
J'espère que le voyage c'est bien passé et que votre île ne vous manque pas déjà ?
Une affaire urgente m'oblige à vous quitter, mais faites donc comme chez vous. J'ordonne sur le champ que l'on vous
prépare gîte et couvert. Je serai de retour d'ici peu.

Belenos s'inclina devant la Dame, puis disparut...

Gizaos resta muette de stupeur devant l'homme en noir. Il paraissait bien plus grand que ce qu'elle avait cru en apercevoir à la taverne...
à peine ces quelques mots échangés, il avait disparu. L'humaine se sentit bien seule dans le grand hall où elle se trouvait entrée.
Cherchant un salon confortable pour s'installer, elle suivit une douce odeur de feu au fond du couloir. arrivée devant la porte sombre, la magicienne posa la main sur la poignée, le boudoir ne semblait pas verrouillé. Les rideaux poussiéreux ne paraissaient pas avoir été ouvert depuis fort longtemps et les tentures au murs paraissaient avoir des années. Les tapis, quoiqu'en bon état général, montraient tout de même qu'ils avait vu passer bien des pieds au fil du temps. Un simple canapé trônait au centre de la pièce, face à un feu de cheminée. Elle s'installa confortablement et peu à peu se fondit sur le couchage de fortune qu'elle avait là. Recouverte de son manteau, elle finit par s'endormir, exténuée du trajet de la journée.

Le Seigneur Belenos parut à l'aube, la mine fatiguée par une longue nuit de travail. Traversant le hall, il ouvrit
la grande porte du salon et y entra. S'approchant de l'âtre, il aperçut Dame Gizaos, allongée et plongée dans un
sommeil apparement profond. La pièce était fraîche, même si le foyer brûlait encore par quelques braises. Belenos
rajouta deux rondins de bois, attisa le feu, et en peu de temps les flammes reprirent.

Le feu maintenant crépitait, réchauffant et éclairant la pièce. Le Seigneur remonta le manteau sur les épaules
de Dame Gizaos, et sans faire un bruit, quitta le salon.

Désignant un serviteur, il ordonna que l'on prépare de quoi manger pour le réveil de son invitée.
- Dame Gizaos prendra son repas dans notre nouvelle auberge. Que tout soit prêt à son réveil !!!

L'arpenteur prit conscience de l'importance d'une auberge sur son domaine, et pendant la nuit...l'avait
bâti.

Le bruit sourd du fer de la hache sur le bois de la table résonna sur les murs, le son mat de l'épée posée contre le banc voisin n'avait rien à lui envier. Le seigneur était arrivé! Il ôta sa cape noire, laissant la toile glisser de ses épaules et se dirigea vers elle. L'humaine regardait le seigneur s'approcher à grand pas, la démarche altière d'un chevalier noir.
-L'honneur sera pour moi qu'un si puissant seigneur daigne se joindre à moi pour manger. Votre absence est toute pardonnée et les mets préparés sont dignes d'un roi ce que je ne suis pas.

Lorsqu'il ouvrit la bouche les mots jaillirent d'eux mêmes. La journée promettait d'être agréable si elle se poursuivait ainsi. La conversation se nourrissait de quelques remarques sur les techniques de chasse. Ainsi Gizaos apprit la chasse au grand faucon, celle ci semblait efficace de toute évidence, puisque le parc à monstre du chevalier noir paraissait bien fourni. La zanarkandienne ponctuait la conversation de longs silences, non qu'elle s'ennuyait, mais plutôt qu'elle s'abreuvait de connaissances.
Nul doute que ce Belenos qu'elle ne connaissait que peut se montrait fort aimable finalement. Le guerrier avait abandonné armes et biens pour lui faire honneur. Elle saurait lui en être reconnaissante, encore faudrait il qu'elle trouve quelque chose à la hauteur. Et puis, il lui semblait bien que le châtelain était installé depuis une année, ne serait ce pas l'occasion de lui faire un présent mais lequel?
Qu'importe le moment viendra bien, nous verrons. pensa t elle.

Les plats se succédaient sur la table dressée pour deux. Le repas pris en tête à tête ne manqua pas de charmer la magicienne déjà émerveillée par la construction d'une auberge dans la nuit. La salle était pour eux, le silence environnant troublé simplement par les chants des oiseaux était si reposant. La Fadakimienne ne regrettait pas son voyage. Elle savourait chaque moment passé en sa compagnie, curieuse rencontre que celle d une adoratrice de la lumière et d'un arpenteur des ténèbres.
Au moment où Gizaos allait croquer abondamment dans son pain, des baladins firent soudain irruption. Les jongleries succédaient aux acrobaties en tout genre et la musique faisait vibrer son coeur comme rarement. Les yeux pleins d'étoiles, elle vit la troupe disparaître comme elle était arrivée. Seules traces de son passage, les confettis épars. Il ne resta bientôt plus que le petit page qu'elle avait déjà croisé le matin même, celui qui n'avait pas la langue dans sa poche et qui pourtant semblait porter toute la sympathie du monde sur son visage. Elle lui adressa un sourire alors qu'il débarrassait les couverts. Avant qu'elle n'eut pu prononcer la moindre parole à son intention, il était parti à l'office s'assurer que tout se passait bien.

Alors qu'elle louchait copieusement sur le pain perdu dont le fumet de cannelle et de fleur d'oranger ravissait ses narines, elle se prit soudain à espérer qu'il lui ferait visiter le reste du domaine notamment le point d'eau tout proche.
-Vous semblez avoir les traits tirés mon ami? N'auriez vous point dormi? J'ai oui dire que vous n'aviez mis qu'une nuit pour édifier tel monument, là où d'autres auraient travailler des semaines entières? J'ai le sentiment que vous n'avez point ménagé vos efforts et la surprise est de taille. Ravie d'inaugurer cet endroit, je suis charmée que ce soit en votre compagnie.

Les oiseaux étaient magnifiques, plumages étincelants de beauté, l'envergure de leur aile n'avait rien à envier à la majesté d’un quelconque phoenix. La magicienne se demandait comment elle oserait posséder un tel trésor et ne disposait pas encore des connaissances suffisantes pour en prendre soin.

-Mon domaine saura attendre mon retour. J’ai pleine confiance en mon intendant qui sait toujours se montrer compétant. Mon cœur est resté sur mon ile, mais les voyages demeurent source de connaissances en tous genres Pour l’heure l’air est frais et je me ferais une joie de vous suivre monseigneur.

Relevant sa capuche sur sa tête, elle commençait à frissonner, l’humidité se ferait de plus en plus présente, la clarté déclinait, la journée avançait et elle n’avait pas vu les heures passer au fil des délicates attentions dont elle avait été la cible. L’invité lui emboîta le pas sans traîner.
Les jardins succédaient aux bosquets, parfois ornés de quelques massifs de fleurs toutes plus odorantes les unes que les autres. I n’aurait pas fallu qu’elle le perde de vue sans quoi elle ne sortirait sans doute jamais des jardins grikimiens, aussi à chaque avancée prenait elle soin de laisser tomber de petites miettes de pain derrière elle pour retrouver son chemin, craignant que son hôte ne disparaisse encore comme la veille. Au moins elle trouverait la volière…
Alors qu’ils tournaient pour la sixième fois à droite (elle commençait à se demander si le maître des lieux ne lui faisait pas prendre le chemin des ténèbres), Gizaos, incapable de discerner une d’herbe d’une autre, crut reconnaître au lointain un arbre devant lequel ils était déjà passés dans l’après midi.

Le ciel s’obscurcit et la lune semblait se cacher, bientôt, les bosquets ressemblaient de plus en plus à d’étranges formes sombres accentuant les ténèbres environnantes. La flambée promise semblait plus loin que jamais alors que retentit dans les fourrées des rugissements dignes d’une foret hantée. Loin de s’émouvoir de ces cris perçants, elle se rapprocha du guerrier qui s’était lui aussi arrêté. Les bouquets avaient laissé place à une forêt plus dense que la forêt centrale de Fadakim.

« -une chimère des Dieux, voilà qui promet de nous occuper un peu ! » dit il un sourire au coin de la bouche.
-Heu je n’ai point pour habitude de côtoyer ce genre de phénomènes, ma vie n’est remplie que de pêche, de prières et d’écriture, avez-vous lu mon essai sur la meilleure façon de préparer les Arapaïmas ?
-Malgré tout le respect que je vous dois, ce type d’ouvrage ne sied point à un guerrier, et j’avoue qu’il est absent de ma bibliothèque…
-Alors dans ce cas, il faudra qu’un jour je vous en dédicace un exemplaire !

Les rugissements redoublèrent d’intensité, soudain le sang de la magicienne se glaça lorsqu’elle porta la main sous sa capeline et que malheureusement à la place de la garde de son épée, elle empoigna sa canne à pêche.

L’air un peu plus grave que l’après midi même, le chevalier noir s’interrogeait sur la santé mentale de son invitée, elle ne paraissait pas comprendre la menace qui les guettait. Il fondit son regard dans le sien murmurant comme pour lui-même.
-Comment se fait il qu’une chimère rode ici ? il en reste peu sur notre île et elles ne sont attirés que par les résidus de pain perdu….

La mine déconfite, la magicienne n’osa ouvrir la bouche pour dire la vérité. Elle se contenta de se serrer contre le maître des lieux baissant la tête vers ses bottes boueuses. Dos à dos elle resserra sa prise sur le manche de sa canne à pêche !

A peine eut il prononcé ces dernières paroles qu’elle s’écroula comme une masse sur sa literie, épuisée de sa journée, mais les yeux encore plein d’étoiles. C’était bien la première fois qu’elle croisait une chimère des Dieux sur son chemin mais surtout la dernière fois l’espérait elle.

Au petit matin, elle s’éveilla tranquillement, le soleil pointait et avait commencé sa course folle, chassant la lune. L’heure était venue de quitter cette île pour voir de nouveaux horizons.
C’est avec regret qu’elle rassembla les maigres affaires qu’il lui restait. Son hôte avait une fois encore disparu.
L’humaine reprit ses bottes étincelantes si différentes de la veille, quelqu’un les avait brossées dans la nuit. Elle regarda la cape du chevalier qu’elle laissa posée sur la chaise et reprit son lourd manteau de laine qui lui aussi avait été lavé ces dernières heures.

Alors qu’elle allait passer la porte, elle se ravisa soudain et sortit de sa poche un petit morceau de parchemin au nom de Belenos, qu’elle posa discrètement sur la table du grand hall d’entrée.


Gizaos

Cette fois ci, elle sortit du château et noua son manteau sur ses épaules puis rabattit sa capuche sur son visage. La fadakimienne leva la tête et aperçut au loin le grand rapace qui cette fois décrivait de grands cercles au dessus d’elle, son cri ne semblait plus déchirant comme à son arrivée, mais l’oiseau paraissait lui dire au revoir.
La magicienne s’éloigna à grandes enjambées du domaine de son ami, le cœur lourd de délicieux souvenirs, mais l’esprit enrichi de connaissances diverses et variées sur l’art de la fauconnerie.
Lorsqu’elle s’approcha du cimetière, elle héla la première calèche venue, le trajet ne dura qu’un instant, déjà elle arrivait en vue du port, le voyage pour Nakim lui coûterait 200 000 pièce d’or….

Les jours et les semaines étaient passées depuis le départ de son amie. Les belles journées avaient laissées place à des jours sombres et menaçants. Le Seigneur parcourait le Nord-Ouest Grikimien guidé par son fidèle compagnon, à la recherche de quelques créatures à étêter. Voilà à quoi Belenos passait son temps...l'un chassait, l'autre se délectait de chairs fraîches. Un jour, alors qu'ils rentraient de la chasse, une chimère apparut. Point de pain perdu, pensa Belenos, mais des souvenirs rejaillirent. Il pensait bien-sûr à Dame Gizaos, à son invitation mais surtout à cette canne à pêche brisée. Il ne mit point de temps à se décider, il partirait pour Fadakim dès le lendemain. Encore lui fallait-il trouver une canne digne de la pêcheuse qu'était la magicienne.
Le soir même on prépara sa monture, de quoi manger, et un chasseur fut nommé pour l'accompagner. Belenos prenait maintenant vers le sud-Est, en direction de la seule poissonnerie qu'il connaissait et qui regorgeait de belles cannes à pêche, le domaine de sa Présidente, Dame MERSAFYN.

La nuit fut longue, froide et parsemée d'embûches, mais les deux humains arrivaient à présent sur les terres de l'Elfe. Le ciel était encore étoilé, et le silence régnait sur la cité. Quelques lumières leurs montraient le chemin à suivre. Arrivée aux portes de la forteresse une voix au loin retentit.

- Qui va là ?
- Le Seigneur Belenos, ouvre mon brave ! nous venons voir ta maîtresse.

La grande porte ne mit pas longtemps à s'ouvrir, un homme de petite taille apparut tout de noir vêtu, et s'approchant des deux montures:

- Seigneur Belenos, je ne vous avez pas reconnu dans cette obscurité mais entrez donc, Je vais sur le champ faire part de votre présence à ma maîtresse.

Les deux hommes mirent pieds à terre avant de passer sous l'énorme vôute qui ornait l'entrée du château. A peine à l'interieur, un jeune écuyer prit soin de conduire les chevaux à l'écurie, puis un jeune page, à son tour, invita les deux hommes à le suivre dans le salon. Apparemment, l'ordre et la discipline étaient les maîtres mots en ces lieux. Belenos reconnut bien là l'influence que pouvait avoir Dame MERSAFYN sur ses hommes, voir les hommes en général.

Le Seigneur et le chasseur patientaient dans la pièce, de la viande séchée, du pain, du fromage et du vin leurs avaient était apportés. Après ce long voyage, ces mets les avaient bien requinqués.
Les bruits à l'extérieur devenaient de plus en plus pressants, les domestiques s'activaient à leurs besognes, quand une voix féminine se fit entendre. Au même moment la porte du salon s'ouvrit, laissant apparaître l'Elfe. Elle était vêtu d'une robe en soie noire, ajustée sur son buste et élargit en une jupe à plis amples. Les manches étaient étroites et couvraient la moitiée de ses mains. Son léger décolleté laissait entrevoir un collier parsemer de rubis, et sa silhouette longiligne rendait grâce à ce tableau.

Le Seigneur Belenos se leva et s'inclina devant la Dame.

- Bonjour à vous chère Présidente.
- Bonjour et bienvenue Seigneur Belenos je suis ravi de votre visite, mais un peu surprise je dois dire. Que me vaut cette présence si matinale ?
- Je dois aller sur Fadakim rendre visite à Dame Gizaos, ce qui m'a obligé à voyager de nuit. Je repars dans la matinée espérant arriver avant le crépuscule. J'aurais besoin avant cela de votre meilleure canne à pêche.
- Mes étangs ne vous fascinent-il plus, pour aller pêcher sur Fadakim ?
- Ce n'est point cela, mais un cadeau pour la magicienne. Vous savez bien que vos étangs m'envoûtent toujours autant et ne changerai pour rien l'atmosphère si ténébreuse qui y régne.
- Alors suivez moi chère ami, je vais vous donner cela.

Le seigneur Belenos suivit l'Elfe, ordonnant au chasseur de se rendre aux écuries vérifier que leurs montures soient prêtes à son retour.