Diner gizzique

Gizaos en était encore à se demander comment elle allait faire pour nourrir tout ce petit monde…
L’argent se faisait rare, Baal engloutissait la moindre pièce d’or gagnée à la sueur de son front.
C’est qu’il allait en falloir des poissons pour la soirée… elle avait donc pêché donc toute la semaine pour la vingtaine d’invités qu'elle attendait au dîner de charité au terme duquel le tirage au sort de la tombola et la vente aux enchères prendrait fin.
Les pages arpentaient les terres des royaumes tentant de vendre au mieux les billets de tombola de sorte que la magicienne se trouvait sans aide pour la soirée, condamnée à tout faire seule de A à Z, elle était décidée toutefois à préparer quelque chose de mangeable.

Lorsqu’elle fit son entrée à l’office elle se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue… lorsqu’elle posa sur la table son lourd fardeau de nourriture :
Elle fit l’inventaire assez rapidement, quatre Bébé Arapaïma, trois grosses truites adultes et huit gros brochets

La châtelaine saisit un brochet de sa main la plus habile, la gauche, c’est alors qu’il glissa et vint s’affaisser sur le sol carrelé.
Se parlant à elle même :

-Bon qu’à cela ne tienne, il en restera sept…
-Après tout ils n’ont peut être pas trop faim, si j exclue les Morts-Vivants, déjà morts, ils ne doivent pas manger de chair… (C’était la première fois qu’elle recevait des invités de cette qualité pour manger), si j’ôte les elfes végétariens et les dames qui surveillent leur ligne, il devrait rester suffisamment pour les autres.

Alors qu’elle prit en main un second gros brochet, elle le tenait fermement cette fois, on frappa à la porte.

Ne prenant pas le temps de la réflexion, elle se précipita à l’entrée accompagnée de son poisson.
De sa main libre elle ouvrit. Aërynsun venait à coup sûr l’aider à tout préparer.

-Ha comme tu tombes bien entre donc m’aider, lui dit elle levant son poisson dans sa direction.

Horrifiée, l’elfe regarda son amie la mine déconfite, prise de panique, elle sentit l’odeur ragoutante et hurla :

- Ha quelle est cette horreur que tu tiens là Giz ? Vite jette moi ça !!!

Et avant même que la zanarkandienne n’ait pu dire le moindre mot, la princesse elfe avait donné un furieux coup de pied dans le poisson qui vola au travers des jardins et s’écrasa à plusieurs mètres de là, dans la douve du château. Un plop vint confirmer la chose. La guerrière avait plaqué sa main sur Gizaos heureuse de l’avoir sauvée d’une créature aussi immonde.

-Tu vas bien ? Tu n’as aucun mal ?

-Heu bonjour Aëryn, je vais bien merci. Je te savais habile à la chasse, mais pas tant à la pêche… Tu sais les poissons volants existent vraiment, on n’est pas obligée de les faire voler.

Attristée de la perte d’une partie du menu, elle se consola.

-Bon qu’à cela ne tienne, il en restera 6. J espère qu’il y en aura assez quand même, à ce rythme là on va finir par manger les tapis….

De retour à la cuisine, son amie sur ses pas, elle voulut prendre un nouveau poisson à la main, décidée, cette fois, à le voir cuisiner… Mais ce fut sans compter sur le chat qui s’était faufilé profitant de son absence…
Gizaos regarda vers la table dépitée, le carnage digne d’une scène d’horreur.

Maître Gradouble par l’odeur alléchée, était monté sur la table.
Voleur mais fin gourmet,
Il avait entamé chacun des poissons dans leurs filets
Gizaos au bord de l’apoplexie était de moins en moins affable.

Le regard du félin dépourvu de toute compassion semblait exprimer comme une sorte de morale :

Apprenez chère Gizaos que tout imprudent vit aux dépends de celui qu’il redoute, cette leçon vaut bien quelques poissons sans doute….

Gizaos quoique fébrile se saisit d’un balai et anéanti tout espoir de manger encore une once de poisson ce soir…

« Mais non voyons que nous chantes-tu là... De plus si Draco était là... Nous ne serons pas tels des mulets à porter tout ce... » bougonna t elle entre ses dents

«Il suffit Aëryn... Cette question a déjà été débattue il me semble... Point de raison d'y revenir... Je ne tiens pas à épiloguer sur ce sujet épineux éternellement... De plus cela ne te fera point de mal... Tu es bien exigeante jeune fille... toi qui tout à coup tiens plus que tout à ton image princière et bien ma chère un peu d'humilité ne te fera point de mal au contraire... Aide moi plutot à porter cette carcasse... »

« Certainement pas... Je tue moi... Je ne porte rien... Ma besace est bien assez lourde comme ça... Mais ne t'inquiete pas elle sera bientot aussi vide qu'avant... Sans compter le panier de la petite... Cela est amplement suffisant à mon goût...» enrichit elle

« ?!? Lourde ?!? Ta besace ?!? Et que contient elle de si lourde pour que tu puisses être si …. »

« Des pommes pardi, tu ne crois assez stupide pour ne pas remplir ma besace avant de m'enfuir... Cette saleté de reptile avait raison, elles sont succulantes bien sucrées, juteuses à souhait... Je t'en parle en temps qu'experte... Ces pommes sont diaboliquement excellentes... » dit elle ravi avant de croquer franchement dans l'une d'elle

Dame Gizaos crut avoir perdue la raison. Elle lâcha le loup décapité, dont seul des lambeaux de peau retenaient sa tête. Elle devint aussi pâle qu'un linge le plus blanc. Elle n'en croyait pas ses oreilles, ferma les yeux, les ouvrit de nouveau, regarda l'efle vorace manger avec plaisir le fruit défendu...

«  ?!? Tu as mis des pommes dans ta besace et tu ne m'as rien dit à ce sujet ?!? Quand comptais tu m'en informer ?!? »

« Du chalme … Che chont mes pommes, les tiennes chont dans le panier de la chillette... » lui répondit d'elle d'un ton sec, puis lui montra quatre pommes fripées dont une avec un ver fraichement sorti du fruit, avant de rétorquer « Chomme tu peux le chonchtater chertains chont charchies... »

« ?!? Tu oses me railler de la sorte avec tes inepties Aërynsun... Comment oses tu... »

Dans un moment de colère le Géneral en chef de brigade Gizaos refit surface... Inspecta le panier, retira tout ce qui était gaté ou immangeable selon la theorie gizienne hors du panier. Saisie la besace de l'elfe, vida sans ménagement toutes les belles pommes rouges dans la corbeille de la fillette à la capeline rouge. Pour finir arracha pomme à moitié dévorée de la main de la guerrière mage. Celle-ci ne put dire le moindre mot déjà des regards froids de défi fusaient telle des lames tranchantes sur elle.

« Maintenant ce sont mes pommes … De plus la pause pomme est terminée... Pour finir je n'avancerais pas d'un pas... Est ce bien clair... Nous nous sommes égarées. Téléporte-nous chez moi immédiatement ! ! !... »

« ?!? Vraiment ne m'as tu pas expressement interdit ce mode de transport pour aller chez toi ?!?  Je constate que...»

« AËRYNSUN ! ! !... »

« A ta giz guise... »

Dame Gizaos emporta le panier d'une main et de l'autre attrappa la carcasse du loup. Aërynsun posa sa main sur l'épaule de son amie qui la fixait d'un air qui en disait long peut être un peu trop long...

L'amulette se mit à scintiller d'une lueur bleue azur qui enveloppa les deux jeune femmes. Elles s'évaporèrent tels des fantômes sans un bruit pour réapparaître dans un lieu encore plus inconnu.

Lorsqu’elles ouvrirent les yeux un spectacle bien désolant les attendait. Elles se trouvaient maintenant dans une forêt plus dense que la précédente, plus sombre aussi. Les grands arbres obstruaient presque totalement la lumière du soleil. Il faisait encore grand jour, mais l’endroit semblait si lugubre, elles se seraient crues dans la grotte de Takim si elles n’avaient aperçu, au bord du chemin, une pauvre petite bâtisse. Celle-ci ne ressemblait à rien, une petite chaumière dont le toit cherchait les quelques tuiles tombées éparses ça et là autour du jardinet, victime d’une énième tempête. Sur le coté de la maison, une enseigne dansait au gré du vent, grinçant et menaçant de tomber sur le premier passant venu.
Sur la pancarte encore lisible on voyait :

Citation :

« Chez Jax, pas de taxe, on est relax !!! »

Un vague souvenir revint à la mémoire de Gizaos, celui d’un rôdeur, un peu ermite vivant dans une mare à canard… Sans doute une coïncidence…

Alors qu’elles s’approchaient de la porte, elles virent une serrure d’un autre temps et une petite inscription tout à coté :

Citation :

« Tire la chevillette, la bobinette cherra »

-Tu sais ce que ça veut dire ce truc là? demanda Gizaos montrant les écritures du doigt.

Aërysun sans chercher à répondre tira sur la serrure, comme à son habitude agissant avec de réfléchir. Aussitôt la porte s’ouvrit non sans émettre un grincement d’agonie.
Toujours traînant le cadavre de loups Gizaos suivi son amie qui avait bondi dans la cabane.
L’intérieur de la baraque ne valait pas mieux que l’extérieur. Les murs décorés ça et là de peaux de bêtes, le tout plus rustre les unes que les autres. La poussière avait fait son office et s’était en sa demeure comme maîtresse de la maison.

Une ultime fois, Gizaos ferma les yeux, prise de nausées, elle n’aimait vraiment pas ce mode de transport! Mais bien contente de quitter cet espace sinistre, elle était prête à tout pour enfin rentrer chez elle.
Inquiète de ce qu’elle allait découvrir elle serra la main de son amie, la fadakimienne n’eut aucune crainte en soulevant ses paupières cette fois ci. La douce odeur d’iris bleu lui chatouillait déjà les narines, elle le savait, cette fois, elles étaient revenues dans son domaine.

A peine le pied posé sur ses terres, qu’elles coururent à la cuisine, la journée était déjà bien avancée et le temps pressait bientôt ils arriveraient…

Arrivées à l’office elle se regardèrent un long moment. Fière de leur récolte, elles disposèrent leur maigre butin sur la table, viande de loup, pot de beurre, galettes, pommes et bien sûr champignons. Pourtant, aucune des deux n’osant prendre la parole la première, mais la même question les tracassaient…

-Tu sais préparer ces trucs là toi ?
-Heu pas plus que toi ma chère….
-Je suppose qu’il faut faire cuire la viande avant de la servir? Tu crois pas?

Sur la table, Gizaos attrapa le premier chaudron venu et y jeta la viande sans plus de ménagement. Elle se rua sur la pompe à eau et remplit le récipient à raz bord. Pendant ce temps Aërynsun avait entreprit d’allumer le feu… Dépourvue de baguette magique, elle s’escrimait à l’aide de deux silex posés sur le bord de la cheminée….

-Foutue tache que tu me fais faire là Giz… Tu me le revaudras, crois moi bien! Et quelle journée!

La châtelaine alors ne pu réprimer un sourire au vu de la princesse à genoux devant le four à bois maugréant tout ce qu’elle pouvait, prête à lâcher un juron digne du maître charretier de Gizaos.
Prise de pitié, elle s’approcha et lança un simple sortilège d’étincelle de feu.

-Alors Aëryn, c’est pourtant un sortilège de débutante. Tu n’as donc encore fait aucun progrès en magie à ce que je vois ? À part nous balader d’île en île….

D’un coup, la flamme se mit à briller, il ne restait plus qu’à faire cuire la viande.



Gizaos souleva le chiffon qui recouvrait le panier de pommes. Lorsqu’elle en compta le nombre elle fut prise de fureur.

-Tu en as mangé combien au juste Aëryn ?
-Juste une ou deux, pourquoi ? répondit elle baissant les yeux de son air le plus innocent qui soit.
-Tu plaisantes ou quoi ?
-J’avoue, j’ai eu comme un petit creux en chemin alors …
-Mais regarde toi-même, voyons, il n’en reste plus que quatre! Nous devions avoir un plein panier à l’arrivée. Il n’y aura pas de tarte…

Alors que le chaudron bouillonnait, les deux amies s’affairaient à préparer les légumes les découpant en menus quartiers presque aussi égaux les uns que les autres…

-Heu fallait pas les laver avant de les couper ?
-Bah si, mais tu l’as fait Aëryn?
-Non, nous avions convenu que ce serait toi, j’ai croqué les pommes, tu devais laver les légumes, c’est équitable non? Et puis je suis une princesse, je ne sais pas faire ce genre de choses moi, fallait choisir une autre amie pour t’aider Giz….
Dépitée, l’humaine regarda l’elfe sans pouvoir ajouter mot.
-De toutes façons, nous n’avons plus le temps après tout c’est pas si grave…

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Gizaos décida finalement de mettre l’ensemble des victuailles dans le chaudron qui chantait déjà la fête dont il serait l’invité d’honneur. Le ragoût serait à la hauteur de la réputation de l’hôtesse…

-Mes chers seigneurs.

Elle regarda l’assistance parmi laquelle elle reconnu Maningrek, Hakim, Diabloca, Cladius, Richius, Whis, HHH, Ederar, Jiko, Hyrf, Lucky, Thekilerone, Néno, Gertrud, Saintpierre, même Salaha avait fait le déplacement….
Tant de guildes, des seigneurs de tous horizons étaient venus. Beaucoup de grands noms étaient réunis là ce soir.

-Merci à toutes et tous d'être présents....Je….

Mais l’hôtesse n’eut pas le loisir de continuer sa phrase, Jiko intervint délicatement comme à son habitude :

-Abrège Giz!
-On a faim! Laisse tomber le discours

Aeryn arrivait lourdement chargée de la marmite qu’elle jeta sur la table comme une vieille casserole, éclaboussant un peu tous les convives. Elle posa le récipient devant l’odieux gougeât. Un morceau de patte de loup vint se nicher sur le crâne dégarni du lord Jiko, lequel poussa un cri d’exclamation.

- Bon appétit ! déclara la princesse d’un ton sec

Le chaudron était tout juste arrivé sur la table que déjà la colère se lisait dans les yeux de Gizaos, le regard de l’humaine frappa l elfe de plein fouet, la déshabillant de fureur!
Après cet épisode, plus personne n’osa couper la parole et chacun religieusement écouta le délicieux discours de l’hôtesse, inquiet tout de même de ce que contenait le plat posé au centre de la table.

Enfin, Gizaos lâcha un «Bon appétit bien sûr» signe qu’on pourrait enfin passer à table.

Alors que les plus impatients regardaient avec dépit le contenu de leurs assiettes, HHH, orc de son état, lorgnait farouchement sur l’assiette de son voisin Ederar. L’elfe n’avait même pas osé toucher à sa fourchette…
Attristée, Gizaos voyait bien que sa cuisine n’avait pas le succès escompté, elle-même peinait à entamer son morceau de viande. La magicienne leva la tête en direction de Maningrek trop occupé à lécher la sauce, prenant soin de ne pas toucher la viande.
Aeryn déçue elle aussi, finit par s’interroger et regardant l’assemblée, elle prit la parole :

-Que celui qui ne finira pas son assiette goutte ma hache! Qu il en soit ainsi !

Et voilà comment il se fit qu’il n’y eut aucun reste pour maître Gradouble ce soir là, chaque assiette ayant été vidée scrupuleusement.

L’ambiance était quelque peu tendue, lorsqu’enfin le maître priseur eut la bonne idée de faire son apparition. Celui qui avait été attendu depuis des heures venait enfin sauver le dîner d’un dessert, à coup sur à la hauteur du plat de résistance.

Les invités gagnèrent donc à tour de rôle leur place dans la salle des ventes, où chacun, accompagné d’un gros sac de pièces d’or, put divertir son voisin de quelques surenchères.

Une dizaine de blagues salaces plus tard, le maître priseur frappa de son marteau sur le bureau annonçant les nouveaux propriétaires des objets étalés devant eux.