[Présentation de guilde]La cour des Miracles

Musique


A vot’ bon cœur m’ssieurs-dames !

Faites-nous l’aumône apôtres du digne, indignes nous courberons l’échine et en révérence nous saluerons votre humble partage, monnaie d’une pièce, nous claquerons le labeur d’un jour ou d’un autre, à la taverne des ivres et des rires, à la Cour des Miracles, messire !

Mutilés le jour, miraculés la nuit, nous sommes la Cour des Miracles !

Nous déchaussons nos hardes et nos béquilles, nos mollets de bois et nos mains tordues, nos pieds bots redressent la hampe, nos mines tristes et de souffrances, nous les jetons aux orties et de rires en tintements de bourses, butin du jour, nous trinquons à la journée passée.
Ivre d’un festin gracieusement offert de vos bonnes œuvres, nous nous écroulons sous la table, et demain..

A vot’ bon cœur m’ssieurs-dames !

Nous arrivons en troupe ou esseulé, triste mine affichée, boiteux, la jambe au pied bot qui s’use sur le pavé mouillé, le regard qui ne regarde plus ou qui divague, et de larmes imitées nous courbons le dos, voûte du pauvre que vos regards fuient et puis se détournent outrés !
Nos carcasses habillées de fripes et de haillons sales et abîmés, déchirés pour montrer nos plaies, celles qu’on vous montre, les autres nous les cachons trop précieuses pour être soumises à vos jugements.

Lui ! Regardez le cul-de-jatte ! L’affreux au visage sale, au nez brisé, aux mains déchirées de pousser sa carriole, elle est si lourde accrochée au pavé des pauvretés. Lui, ce miséreux, qui tend la main, ne le regardez pas ! Mais jetez la pièce dans sa timbale ou passez votre chemin, mais… mais gare à vous au tournant ou à la ruelle plus loin, nous vous attendrons, coutelas en main, couteau sous la gorge, vous cracherez vos pièces et votre ventripotente arrogance !

Ou lui ! Et puis elle, cette fille aux jupes retroussées, aux seins qui balconnent généreux, et pour vous Messires, pour vous Messires.. Approchez-la avec galanterie ou votre soupire en transpirant sur sa poitrine sera le dernier.
Et cet autre, cet enfant, regardez comme il souffre, comme la vie lui a arraché sa joie et son sourire de rire, la peine est son lendemain, ne le jugez pas, ne le regardez pas en haussant les épaules, il n’a que faire de votre pitié, mais votre bourse..
Plaignez-le si vous voulez lorsqu’il vous tournera le dos, rivé à ses béquilles, sautillant maladroitement, pleurant la mère qui ne le reconnaîtra pas et qu’il ne connaîtra jamais, mais n’oubliez pas.. la p’tite pièce !

A vot’ bon cœur m’ssieurs-dames !

Et si votre cœur est fait de pierres et d’oursins, supportez que nos habiletés soulagent vos bourses.
Nos mains tordues et de fer courbé sauront parcourir votre vêtement et sans que votre panse en souffre, vos pièces finiront dans nos poches !

Voleurs.. Oui, nous sommes, et mesquins parfois, tricheurs pour un sous, malins pour un rien, mais si l’âme est pure, alors nous offrirons l’aumône et nous conduirons vos pas dans la Cour des Miracles !
Et vous serez chanté !
Et le vin sera servi dans du cristal doré !
Nous plus belles Courtisanes danseront pour vous et nos Marquises installeront leurs airs sur vos genoux !
On vous servira comme un prince des terres hautes, des royaumes aux lisses d’ors et d’argents qui ornent les armoiries.
Soyez-en sur, nous serons vos serviteurs, si l’âme est bonne, Messire, si l’âme est bonne..

A vot’ bon cœur m’ssieurs-dames !




A suivre..

Je ne suis pas comme lui, je ne suis pas assez agile. Je ne fouillerai pas vos poches, grands de ce monde, mes mains sont trop trapues pour atteindre discrètement vos bourses. Ne me jetez pas la pièce pour que je danse, mes courtes jambes ne me permettent pas les cabrioles de farandoles. Je ne suis pas aussi légère qu’elle. Pourtant, ils m’ont accueillie. Les Miracles existent, je les côtoie chaque jour.

Contre quelques aumônes, vous pourrez vous moquer de ce nez qui n’est pas un leurre. Riez donc de ces yeux qui vous regardent vous et votre donzelle, sans que vous ne sachiez qui le captive. Peut être bien l’homme derrière vous, après tout.
Passez donc sans me voir, moi la petite naine difforme, si ma vision vous écœure. Mais sachez que quand vous détournerez la tête, l’esprit embué par ce spectacle peu ragoutant, l’un ou l’autre de mes compères vous allégeront de votre dette. Oui, votre dette envers ceux que vous dédaignez, parce qu’ils sont moins bien que vous.

Et remerciez-les encore, apportez donc quelques cruches de vin, car eux seuls forcent ma hache à rester dans son fourreau, alors que votre dos, cible exquise, s’offre à elle. Je ne suis pas comme eux. Je suis un monstre de la nature, et si la nuit camoufle ma monstruosité, elle ne la range pas dans un baluchon comme cette jambe de bois qui vous fait trébucher. Et pourtant, quand le premier sourire du jour s’affiche sur son visage à lui, ou à elle, et signale que notre labeur est terminé, je ne me sens pas différente. Et moi aussi, je souris. Je souris à la vie. Je souris aux Miracles…

La Cour des Miracles s’agrandit, Messire ! Réjouis ou indignés, vous devrez vivre avec. Vivre avec eux, ou sans vos richesses. Ou pire. Vivre avec eux, ou mourir.

Existe t-il un domaine plus sombre que les bas fonds, un domaine où les lois n’ont un sens que pour ceux qui les édictent et que nous pendons… par les pieds monseigneur !
Suivez le sillon sur le pavé glissant, entre boues et crasses, il vous conduira, guidera vos pas chahutés par l’essaim des cauchemars, et au bout, au bout monseigneur ! Vous trouverez un accueil, peut-être chaleur et vin, peut-être battage et fouet, tout dépendra de vous, de vos intentions, de votre bourse ? Non ! Celle-ci nous la décrocherons sans que vous en ressentiez le moindre chatouillis.

Notre domaine n’a pas de loi, ni dieu ni maître, libre ! Nous sommes.

Au plus bas de Nawakim, au fond du fond de vos cours, sous vos pieds, en chacun de vos domaines, il existe un peu de nous, ces gens que vous regardez à peine, ceux qui traînent le pied et racle la corne sur vos pavés.
Ces gens que la misère pousse et fait trébucher, ces propres à rien que vos fils fustigent et que vous n’osez regarder par peur d’être sali.

Non petit, poses cette pierre, celui-là ne mérite pas un tel jugement, il n’a fait que tendre la main. N’écoutes pas le seigneur d’ici ou d’ailleurs qui dicte les règles, elles ne sont pas faites pour être juste, elles ne sont que la trace de leur plan dont Machiavel est le scribe.

Cupidité, nous te crachons !
Nous sommes issus de la boue, des trottoirs, des ruisseaux qui drainent vos déchets, nous sommes la lie de vos sociétés, l’irrespectueux qui vous salue en fouillant vos poches, le bossu qui ricane en baissant le front et vous tend sa bosse.

Tâtez ma bosse monseigneur !

Nous sommes ce que vous avez créé, le rebu de vos domaines.
Nous sommes pauvres et pourtant si riches en nos cœurs, mais… comptez vos sous messeigneurs !

Nos richesses vous sont inaccessibles, elles sont la pureté de l’âme contre toute attente, contre les apparences, contre vos principes si raffinés qu’ils nous ennuient, ces principes qui ont conduit la misère dans le caveau des pertes et fracas, notre domaine repose sous vos pieds !

Toi, l’assassin ! Viens et frappes ! Uses de ton talent pour faire jaillir le sang !
Mais… si l’un des nôtres s’écroule, dix autres se relèveront, et dix autres encore viendront grandir nos rangs délabrés, et si d’aventure tu tournes le dos, si ton regard baisse sa garde, le pavé sera le tombeau de tes gestes en fait.

Maintenant dansons ! En farandole endiablée nous sillonnons notre cour, balayons le trottoir en volutes et en courbettes, nous finissons la danse d’un regard, et d’une révérence, je salue la Marquise de mes rêves, et vous.. Saurez-vous entrer dans la danse !
Messeigneurs…

Kocham cie…