[Guilde] - Waaagh - Fédération de tribus orques

L’atmosphère dans la hutte était devenue si opaque et viciée que nul ne pouvait distinguer le plafond fait de peaux de bêtes, ni le haut du mât central.
Il y avait autant de foyer de pipes rougeoyant et de narines fumantes que de chamans présents. Quiconque n’étant pas un orc endurci et pénétrant dans ce sanctuaire des anciens, n’y survivrait pas plus de quelques minutes tant la fumée était acre et épaisse.
Tous les chamans des tribus environnantes s’étaient donnés rendez vous dans le campement des ‘Rachetripes sur invitation du chaman Kivoatou.
Ils y tenaient un Collorque ayant pour thème « le renouveau de la culture peaux vertes », enfin pour être plus précis, littéralement parlant, le sujet était « les orcs s’est nous les plus mieux, et on va tous vous bouffer ».

Il s’agissait là d’une réunion ancestrale et traditionnelle du peuple orc. Lorsque les tribus n’étaient pas en train de se taper dessus et que les chamans s’ennuyaient chez eux, l’un d’eux décidait d’organiser une grande réunion afin que l’on y évoque le passé, le présent et surtout l’avenir de la nation orque. Durant ces rares réunions où étaient rassemblés les plus brillant esprits du peuple peaux-vertes, on s’enfermait dans un hutte gigantesque pour fumer, boire et causer…

Ce Collorque ci durait depuis plusieurs jours, et chaque chamans y avait pris la parole au moins une fois..
Le sorcier des Taill’zoreils s’était particulièrement illustré par le récit du grand cataclysme qui avait frappé le dernier âge, connu aussi sous le nom de « r’mizazero » ou « veretionbeuta ».
Celui des Percebid’ avait ranimé les anciennes rancœurs en décrivant comment les Zumains, les nabots-barbus, les zoreils-pointues et les mortkimarch’ les avaient toujours considérés comme des inférieurs juste bon à se battre entre eux, propos scandaleux pour le chaman des Bourr’pifs qui n’avait pas manqué, pour l’occasion, de déclencher une baston en l’honneur de Bigmandall’*.
Le chaman des Zouv’crann’, quand à lui, s’était contenté d’une longue énumération des territoire ancestraux qui avait été annexé par les autres races indignes de vénérer le Triorc*. Toutes ces terres bénies par les dieux orcs, répartis sur toutes les îles de Nawakim, et qui maintenant était aux mains des usurpateurs et des voleurs.
Puis il y eu aussi, Cogn’pufort, chaman des Dents-jaunes, qui regretta qu’il n’y eu pas plus de doigts de nains à l’apéro mais qui se déclara satisfait de la qualité de la bière au champignon et qui du reste avait oublié pourquoi il avait demandé la parole…
On évoqua, avec tristesse, l’absence, en ce monde, de semi-hommes dont la viande était si goûtue et juteuse, on rappela l’ignominieuse trahison des orcs ayant embrassé la carrière de paladin (si, si il y en a…), on conspua les voisins qui n’avaient pas pu venir….
Et ainsi de suite, les plus remarquables orateurs de la race orque, c’est à dire ceux connaissant plus de 50 mots différents, s’étaient succédés au centre de la hutte du Collorque durant des jours. Ils étaient maintenant tout très fatigués, ivres de tabac kifairir’ et de gnolek’arach’… l’heure de prendre une décision approchait….

Le chaman Cervelmol de la tribu des Ecrazezos se leva et s’avança au centre de la hutte.
Il tira une dernière bouffée sur sa longue pipe en os d’elfe, exhala longuement la fumée verte par ses narines, toussota et déclara d’une voix rocailleuse et basse :
- Chamans être tous d’accord, nouvel âge être maintenant âge des orcs ! Une approbation de « Mmmh » discrets accompagna sa première phrase.
- Moment être venu pour nation orque de marquer au fer rouge terres de nawakim ! De nouveau des grognements affirmatifs, et un ou deux chamans se levèrent.
- Nous devoir reforger puissante « Waaagh » de nos ancêtres ! Cette fois des « Ouaiiii » francs et nombreux accompagnés de poings levés marquèrent la ponctuation.
- Et nous devoir trouver le Plus’Boss-que-les-aut’ pour que lui unir les tribus … Tous étaient debout maintenant…et mener orcs au pouvoiiiir !!!
Un tonnerre d’acclamation explosa dans la hutte.
La Waaagh venait d’être ordonnée par le Collorque des anciens. L’ancestrale alliance des tribus orques serait de nouveaux une réalité avant la fin de la prochaine lune.

Les peaux vertes allaient de nouveaux marcher sur Nawakim.

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Waaagh ! est le cris de guerre ancestral poussé par les orcs au combat. Par extension il désigne également une vaste armée issue de la coalition de plusieurs tribus.
Le but de la Waaagh est de mener les orcs à la baston sous une même bannière et aussi de découvrir qui est le leader suprême que la race orque attend depuis des millénaires pour les mener à la domination des autres peuples.

Dans la tradition orque, cet élu est désigné sous le titre de Plus’Boss-que-les-aut’ (ou Plus-chef-des-chefs), il préside aux destinée de la Waaagh.
Sa légitimité est incontesté tant qu’il est le plus costaud. Si un autre boss orc veut prendre sa place au sein de la guilde il lui suffit de le défier en combat singulier et le vainqueur reste ou devient le nouveau chef de la Waaagh jusqu’au prochain défit.

* Cf Nawakim - Forum Officiel :: Role Play :: Background RP :: [Concours RP - Dieux de Nawakim] Panthéon orc

Wogard était déjà bien éprouvé par toutes ces palabres que les chamans lui avaient asséner des heures durant.
Comment des orcs pouvaient parler autant, ça dépassait sa compréhension… Les discours c’était bon pour ces mou du bulbe d’elfes qui passaient leur temps à se donner des airs en déclamant d’interminables phrases.
Il avait fallu deux nuits et un jour à ces vieillards séniles pour lui apprendre qu’il était désormais le chef de la Waaaagh.

Wogard avait un langage plus direct pour ça.
Il assena un coup de poing à un ouvrier gobelin qui passait par là. Le gob’ vola sur quelques mètres, éparpillant ses outils.
- C’est qui le Boss ? hurla Wogard.
- F’est vous fhef ! Assura le gobelin en recrachant ses dents.
Voilà c’était vraiment pas compliqué. Trois secondes avaient suffit.
Les chamans …pfff… tout juste bon à déblatérer des histoires où personne comprenait rien, quelle perte de temps.

Bon c’est pas tout ça mais il y avait des choses urgentes à régler…
Wogard se dirigea d’un pas rapide vers le rocher qui lui servait de place forte. De nombreuses tentes se dressaient au pied de la citadelle. Il cherchait des yeux celles des ouvriers fouisseurs, il espérait pour eux que, durant qu’il perdait son temps avec les anciens, les travaux avaient avancé.
Il finit par distinguer le totem annonçant le campement des ouvriers chargés d’aménager les sous-sols de la citadelle.

Son arrivée provoqua une agitation chaotique chez les gobs en train de se reposer. En un clin d’œil tous avaient un outils dans les mains et s’activaient fébrilement.
Wogard posa un regard suspicieux sur cette soudaine émulation.
- Qu’est ce vous foutez ??? Qui c’est qu’a dit de creuser ici ??
Un gobelin fit l’erreur de croiser le regard du Boss, tremblant il compris qu'il devait fournir une explication.

- C’est… C’est pas qu’on creuz’ chef, on…on chauff’ les outils pour les aut’…
Wogard s’approcha un peu plus.
- Tu m’prends pour un snot’ ?? Vous faisiez la siest’ oui !
- Non boss, j’vous jur’ que c’est vrai, on fait ça pour que les aut’ ils aient des outils déjà préchauffés, vous pigez chef ??? Comme ça ils trav...
En guise de réponse, le fil d’acier du cimeterre de Wogard vola un bref instant, et le gob qui s’était cru une seconde plus malin, finit en deux morceaux.
- Kunkun d’aut’ veut préchauffer ma lame ??? Devant les hochements de tête horizontaux, Wogard poursuivi : Alors bougez vous la couenne et redescendez dans l’trou …
Le troupeau se rua sur la sortie du camps avec toute la motivation qu’un tel Boss pouvait lui insuffler.

Par Bigmandal’, faut tout faire soit même … Quelle bande de fainéant, aussi bois-sans-soif qu’un nain et aussi bras-cassé qu’un elfe.
Wogard réfléchi qu’un groupe de ses fidèles Uruk Haï devrait camper ici pour motiver l’ardeur et l’enthousiasme de ces petites crapules…

Un long coup de trompe coupa net le cours de sa réflexion. Le signal semblait provenir de l’extérieur de l’enceinte.
Par le Triorc ! Il avait pourtant donné des ordres pour que les mouvements de troupes se fassent la nuit. Des têtes allaient encore voler avant la fin de la journée…
Il fila en courant vers les portes du domaine…

Se rapprochant de l’enceinte il vit du coin de l’œil Skisnarch, son bras droit, qui galopait dans la même direction. Il ralentit et l’interpella : - Skisnarch ! ‘spèces de tête sans viande, faut que j’t’apprenne à faire ton boulot ???
Le jeune orc s’arrêta le temps de reconnaître celui qui osait l’interpeller. Lorsqu’il reconnu son Boss, son visage se crispa. Il s’avança vers lui.
- Aucun soucis Boss ! On a envoyé les consignes avec trois messagers différents, et on en renvoie chaque jours… Je sais pas qui c’est qui ose enfreindre vos ordres.
- Magne toi d’aller voir, avant que j’te transforme en chair à squigs… Tout en hurlant Wogard fit mine de sortir son hachoir…
- Chuis partis Boss ! Skisnarch repartit en direction des portes.

Wogard sourit en voyant son bras droit galoper.
Il le trouvait assez efficace, même s’il ne se privait pas de l’engueuler aussi souvent que possible.
Et cette fois ci, comme les autres auparavant, il ne doutait pas que le jeune Skisnarch ait fait les choses comme il faut. Sûrement qu’un de ses abrutis de lieutenant avait compris les ordres de travers ou avait voulu faire preuve de zèle….

Par le Triorc, ça avait l’air assez clair :
Aucun mouvement de troupes en plein jour !
Les espions étaient déjà assez nombreux au sein de son domaine sans encore leur mâcher le boulot.
Il avait fait envoyer des messagers sur toutes les routes pour que toutes les compagnies peaux-vertes ayant répondu à son appel campent dans les bois jusqu’à la prochaine nuit.
Il y avait toujours des crétins pour se croire plus malin que le chef. Malheureusement les petites troupes qui venaient se joindre à la Waaagh n’étaient que des bandes de coupe-jarrets sans vrais officiers, alors pour ce qui était d’appliquer les ordres…

Et du reste aucun grand seigneur orc n’avait jugé utile d’honorer les anciennes traditions séculaires, il devait donc se contenter de pillards sans chef, sans discipline et sans foi.
Bon c’est vrai qu’une fois ici, le chef c’était lui, et qu'il savait inculquer la discipline aux plus réfractaires des trolls, mais leur donner la foi… ça s’était un autre défi. Tant que les premières victoires n’étaient pas là, il serait malaisé de motiver ces brutes vicieuses.

Skisnarch venait d’arriver sur la poterne. Au moins les gardiens avaient saisi l’importance des consignes, les portes étaient restées closes et on négociait depuis les remparts à grands renforts de cris et d’injures.
Le jeune aide de camps s’était penché par dessus les créneaux pour se joindre aux échanges verbaux et visiblement il avait pris les choses en main. Mais les minutes passèrent et les palabres ne semblaient pas vouloir cesser.
Cela durait un peu trop du goût de Wogard, alors qu’il allait ordonner qu’on ouvre les portes afin qu’il sorte fendre quelques crânes, il entendit Skisnarch faire mettre les balistes du corps de garde en batterie.
Le Boss sourit à nouveau. Efficace le petit !
Plusieurs « Vouuuch ! » se firent entendre tandis que les armes lâchaient leur trais sur les orcs en contrebas. Les cris redoublèrent d’intensité puis semblèrent s’éloigner. On entendait bien encore quelque râles de l’autre cotés de la poterne mais ils ne dureraient pas, on agonise pas longtemps avec un trait de un mètre cinquante planté dans le bide.
Skisnarch se tourna vers son chef et lui cria :
-C’était le Boss Jicévaidé de la tribu des Heuhouères, il a pas du bien comprendre le message.
- M’étonnes pas ! Comprends jamais rien. Et person’ le comprend jamais non plus, doit avoir du sang elfique c’t animal. Tu lui as dit de s’barrer de là et de revenir c’t nuit ?
- Non ! Je lui ais dit de s’barrer tout court, ‘fin je lui ais fait comprendre. Le jeune bras droit mima un tir d’arbalète tout en s’expliquant.
- T’as bien fait, je l’aurais pas supporter longtemps lui et ses explications sur tout et rien. Allez viens me faire voir où en sont les plans… Et magne toi, j’ai pas toute la journée…
- Oui chef, j’arrive. En trois sauts, Skisnarch le rejoignit en bas des remparts...

L’odeur huileuse et la fumée des torches saturaient l’air ambiant. Elles se mêlaient aux effluves dégagées par les centaines de gobelins, d’orcs et de trolls qui s’entassaient dans le réseau des galeries. Désagréments auxquels s’ajoutaient les grognements et hurlements des sangliers, loups et wargs venant des niveaux inférieurs.

Wogard fronça le nez et s’essuya les yeux, il n’était pas de la race de ces chochottes d’elfes, mais là c’était à la limite du supportable, même pour un orc. Ça faisait trois plombes que son bras droit le trimbalait d’un tunnel à un autre…
- Par Groumph, vont tous crever ici ! Faut des puits d’ventilations supplémentaires. Vont finir par chopper des maladies… J’me casse pas les miches à lever une armée pour qu’elle se fasse bouffer par la vérole…
- Ouai chef, on va faire ça, j’y pensais déjà. Lui répondit Skisnarch qui marchait à ses cotés, un foulards sur le nez. On achèv’ les nouveaux enclos pour les wargs ce matin, et après on s’y met. Le jeune orc sembla hésiter puis demanda : Mais quand même, ça sert à quoi tout ça… ?
- T’occupes ! Je veux qu’on continue à enterrer toute nos troupes. Personne doit connaître nos effectifs… et creuse moi d’aut’ rampes de sortie, j’veux pas qu’il y ait d’bousculades quand on va leur faire prendre l’air chaque nuit.
- Z’inquiètez pas Boss, on est en train d’en finir quat’ de plus. Avec on pourra faire sortir ou rentrer tout le monde en moins de temps qu’il faut pour raser la barbe d’un nain.
Wogard s’arrêta de marcher et se tourna vers son bras droit.
- Pour l’instant, vouai. Mais quand ils seront dix fois plus ? Il y aura forcément des problèm’, tu sais comment sont ces cranes de hobbit….
- Ouai ouai je sais. Mais au rythme où on enrôle, on pourra pas creuser assez vite. Toutes les nuits il y a des nouveaux qu’arrivent et…
Wogard posa sa main sur l’épaule du jeune orc et approcha son visage du sien.
- Si t’as besoin d’plus de bras dis le, mais surtout... surtout... me dis pas que tu peux pas. Compris ???
Skisnarch se força à déglutir.
- C’est pas les bras le problème, Chef. Pour creuser, ça creuse, et même de trop des fois…
- Alors c’est quoi le problème ?
- C’est que si on les surveille pas, ils creusent n’importe où, n’importe comment… Hier ils ont fait s’effondrer toute une galerie. La semaine dernière, un peu plus et pouviez dire adieu à votre aciérie. Et tant qu’on y est, j’vous déconseille d’aller chercher une boutanche dans vot’ cave vous risqueriez d’être surpris. Enfin bref, c’est l’encadrement qui fait défaut.
- Et alors, tu suggères pas qu’on embauche des nains quand mêm’ ?
- Noooon Boss, on n'est pas tombé si bas. Non c’qui faudrait c’est une sorte d’école où je pourrais expliquer aux chefs d’équipes comment qu’on travaille, vous pigez ?
- Une école ??? T’aurais pas fumé des poils de trolls toi, par hasard ???
- Non, pas un école... Le bras droit du Boss prit un air songeur... Plutôt une bibliothèque où on pourrait…
- Une bibiotèk ? A quoi que ça sert ?
- Laissez moi essayer Chef, et si ça foire je veux bien me laver tous les jours pendant un mois.
Wogard éclate de rire. - Tout un mois ??? T’as l’air bien sur d’toi.
- Z’allez être emballé par les résultats. J’m’y mets de suite….
- OK, mais j’veux pas qu’tes gamineries nous fassent prendre du retard ! Bon c’est par où qu ’on sort, marre de c’te puanteur !… Et recause moi de ma cave....

-…Et grâce à ces liv', où on consigne tout qu’est ce qu’on fait, il nous est possib’ de… Skisnarch fut coupé net dans ses explications enthousiastes en voyant son Boss, Wogard, se mettre à bailler comme un squigs.
- Vous m'auditionnez pas Chef.
- Ecoute tête de nain, depuis que j’ai accepté d’m’occuper de la Waaagh je passe mon temps à écouter les aut’ me causer. Tu m’en voudras pas si j’te dit que j’ai sommeil là.
- Ben c’est quand même ‘achtement important c’que je vous raconte…Le jeune orc, bras droit du Boss de la Waaagh, ne cachait pas sa déception.
- Ouai, ouai, ce qu’est important c’est qu’ça donne du résultat…Les travaux avancent plus vit’ pour c’que j’en ai vu, et c’est tout qu’est c’qui m’intéress’.
Skisnarch sourit de fierté en exposant toutes ses dents jaunies.
Wogart se leva et pointa son doigt vers son adjoint.
- Eh ! Te montes pas le bourrichon, j’t’envoie pas des lauriers. Tant que t’es efficace, tu gardes ta cervell’ bien au chaud dans ton crâne. T’avises pas de me donner envie de voir quell’ couleur elle a.
Skisnarch, enregistra la menace et se rembrunit aussitôt.
Il décida d’orienter la conversation vers un sujet plus apaisant pour son Boss.

- Euh…Vous devriez aller chasser Chef. Ya des gars qui racontent qui zont vus des basilics au Sud-Est.
L’effet calmant fut immédiat, la perspective d’une bonne partie d’équarrissage de bestiaux enchanta Wogard.
- Ouai t’as p’tet’ raison, vais aller m’embrocher deux ou trois lézards. J’t’ais déjà raconté que j’avais trouvé des bijoux dans l’stomac de certain’ de ces bestioll’ ?
- Heu… Non Chef, mentit le jeune bras droit, c’est pas croyab’, des bijoux dans la panse, m’en direz tant… Skisnarch mima l’étonnement autant qu’il le pût, ça devait bien faire trente fois qu’il entendait cette fable… .Ah au fait, vous devriez chasser le crab’ aussi. J’ai entendu dire qu’avait des gens qui tueraient pour kek’ pinces. On pourrait les revend’…
- Quoi ? Après ta bibiotek’ tu suggèr’ qu’on ouv’ une épicerie fine ??? Tu veux qu’les gars y ricanent dans mon dos. Déjà qu’ya des bruits qui courent comme quoi que j’serais en train d’apprend’ à lire…

Visiblement les rumeurs à son sujet contrariaient le Boss. Déjà qu’il était contraint de forcer ses troupes à l’inaction, si en plus certains doutaient de ses aptitudes à gouverner en Boss orc…
Il savait par expérience que sans un ennemi sur qui taper, sans un peu d’action sportive, les premières mutineries ne manqueraient pas dans quelques temps.
Il fallait trouver un exutoire à la combativité exacerbée des ses troupes. Peut être qu’un petit domaine à proximité…

Skisnarch voyant son Chef en proie au trouble, enchaîna :
- Ouai vous avez raison on devrait plutôt les échanger contre des matières premièr’…
Le Boss se dirigea vers son coffre et en sortie plusieurs pinces de crabe enveloppés dans de la toile huilée.
- T’as qu’à faire ça. Tient en voilà une quinzain’, t’auras p’tet’ des seigneurs des alentours qui s’ront intéressés…
- Ouai pour sur, je vais l’faire savoir à la taverne. Si y a des gars qu’en veulent ils nous enverront un message. On a qu’à demander du bois en échange. On en a toujours besoin….Et heu.. on vend aux nabots et aux zoreill’ pointues aussi ??
- Tout ce que tu veux, tant que tu m’fais pas passer pour un épicier. Wogard prit son hachoir et se dirigea vers la porte. ...Vais débiter quelques steaks de lézards, j’te laisse la maison en attendant, tache de pas faire d’elferies…
- Soyez sans craint’ Boss. Et bonne chasse…
Le jeune orc se leva à son tour, il lui fallait se mettre en route rapidement s’il voulait que son annonce soit lu par un maximum de seigneurs à la taverne…

Il faisait une nuit presque claire. La lune, encore à moitié noire, répandait une lueur suffisante pour les yeux d’un jeune orc. Skisnarch y voyait assez pour ne pas trop se faire distancer.

Au loin les cris des Guerriers de la Waaagh, s’entraînant avec frénésie, couvraient le bruit de ses pas.
Il n’avait jamais étudié l’art des rôdeurs, et même avec toute l’application dont il était capable, il ne doutait pas qu’en temps normal une oreille attentive puisse le détecter.
Là, avec le fond sonore émit pas plusieurs centaines d’orcs se défoulant les uns sur les autres, même un troll ivre, boiteux et armuré, pourrait surprendre un renard aux aguets

Il avait juste prit soin de rester sous le vent de celui qu’il suivait à son insu.
Il savait que son Boss avait un flair très développé, et s’il se rendait compte qu’il était pris en filature par son adjoint, les choses pourraient très mal finir pour ce dernier.
D’ailleurs en y songeant, Skisnarch ralentit un peu pour laisser plus de distance entre lui et Wogard.

Depuis quelques temps Skisnarch avait remarqué que son Chef s’absentait pour recevoir secrètement de mystérieux visiteurs.
Cette fois encore le Boss avait filé discrètement dès que les premières troupes étaient sorties de leurs souterrains pour l’entraînement de nuit.
C’est pas que c’était inquiétant en soi.
Wogard avait sûrement ses raisons pour traiter certaines choses en douce, question politique et commandement il en connaissait un rayon.
En fait ce qui intriguait son jeune adjoint s’était qu’il lui cache des choses, et dans une moindre mesure, cela blessait un peu son amour propre.
Lui qui administrait presque tout au sein de la Waaagh, il s’était cru incontournable et indispensable.
Mais voilà le Boss reste le Boss et il a ses secrets.

Wogard venait de s’arrêter et semblait parler seul. Skisnarch s’accroupit derrière un bouquet de genêts et chercha du regard à qui, ou à quoi, son Chef pouvait bien être en train de causer.
Il fallait qu’il se rapproche, il lui avait semblé voir une ombre sous un gros chêne, mais rien de certain.
Doucement il progressa vers l’objet de sa curiosité. Il était maintenant assez près pour distinguer une silhouette encapuchonnée de noir.

Stupeur !
La taille de l’inconnu suggérait qu’il fut un …nain !
Wogard, le Boss de la Waaagh, était en train de discuter avec un nain ?
Aussi inattendue que de voir un elfe manger avec les doigts.
Le jeune second réfléchissait à toute vitesse ; quel type de négociation nécessitait un rendez vous secret avec un nain ?
Sûrement pas une alliance…
Un accord militaire à la limite….
Peu être une transaction commerciale, un échange ou juste un renseignement….

A la réflexion, il existait bien des nains renégats à leur race.
Traiter avec un tel nain ne signifiait rien, Wogard devait vouloir se qu’il avait à lui offrir, c’est tout.
Le moment de stupeur passé Skisnarch recommença à s’approcher en espérant entendre la teneur des propos que les deux conspirateurs échangeaient.
Il entendait leur voix maintenant, mais le sens des mots lui échappait encore. Il crut entendre Wogard dire :
-…rendu au temple… itène …. chambre…. L’étranger masqué lui répondit avec une voix si basse que rien ne fut compréhensible et le Boss rajouta :
- … campagne… avant l’automne… voisin…

Soudain un hurlement déchira la nuit et attira l’attention de tous.
Le bruit semblait venir d’en haut et se rapprochait à grande vitesse. Skisnarch leva les yeux et cru distinguer un gobelin qui agitait bras et jambes en filant dans les airs tel un météore. Le gob émit un « Proch !» mat et étouffé en s’écrasant sur le toit du dépôt. Inerte, le petit corps roula jusqu’au bord de la toiture puis disparu.
Le jeune second de la Waaagh nota mentalement qu’il fallait revoir sérieusement l’entraînement des servants de machines de guerre, notamment pour les catapultes.

Lorsque son regard revint sur le gros chêne, il ne distingua plus personne. Fébrilement il chercha du regard son Boss et le mystérieux nain masqué. Il finit par repérer Wogard qui filait vers les cantonnements.
Par Bigmandall’, Skisnarch avait plutôt intérêt à se bouger s’il voulait arriver sur le terrain d’entraînement avant le Boss. Tant pis pour le nain, il avait du filer de toute façon…
Le jeune orc décida de couper par l’aciérie pour gagner du temps. Avec une bonne foulée il avait ses chances d’arriver le premier et d’éviter les questions gênantes.
Durant sa course effrénée il entendit un autre gobelin crier dans le ciel. Encore un qui découvrait avec stupeur les lois de la balistique. Premier exercice pratique… Et sûrement le dernier aussi…
Va vraiment falloir faire quelque chose pour la bleusaille de l’artillerie.

Quand Wogard arriva sur le camp d’entraînement, il vit son jeune adjoint qui hurlait des ordres, gesticulait, courrait d’une section de balistes à une batterie d’onagres, distribuant baffes, menaces et sanctions.
Sans se douter de rien, le Boss glissa ses grosses mains dans sa ceinture en gonflant sa poitrine de satisfaction.
Il était énergique le petit, il s’économisait pas. Le voir se démener à ce point, ça avait quelque chose d’apaisant… Mais bon il fallait aussi qu’il dure, un bras droit sur les rotulles ça sert à rien.
- Hey Skisnarch, viens donc voir ici…
Le jeune lieutenant arriva aussitôt, il était en nage et soufflait comme un bœuf…
- Ouai Boss ? Interrogea son adjoint sur la défensive…
- Tu devrais t’calmer, tu vas pas faire d’vieux os à t’mettre dans cet état. Regard’ comment que tu t’es mis.
- Ben c’est à caus’ des servants des onagres. C’est rien que des cervelles de snot’. Y font tout d’travers. On va avoir des problem’ avec l’artillerie Chef !
- Ya des officiers pour faire ça ! C’qui m’faut c’est un bras droit, pas un sergent de plus. D’toute façon, on va s’calmer sur les machines compliquées. C’que j’veux c’est de la piétailles, beaucoup de piétailles. Transfère moi tous ces elfouses en première lign’. Un gourdin et un bouclier, ça devrait leur suffir’ comme sujet d’étud’…

Wogard toussa exagérément plusieurs fois. Ces yeux commençaient à s’irriter de tant de fumée. Il distinguait à peine la silhouette installée contre le fond de la hutte.
- Comment qu’t’arrive à fumer c’te cochonnerie l’ancien ?
Le vieux chaman assit en face du Boss de la Waaagh, se mit à rire, au moins aussi fort que ce que son visiteur avait toussé. - Hin Hin hin….
Son rire avait quelque chose de discordant et par la même un fort soupçon de moquerie en émanait. Tandis que le vieux sorcier exposait bruyamment ses gencives édentés, Wogard sentait déjà sa patience fondre comme graisse de nain sur le feu.

Les hin-hin grinçant semblaient ne pas s’arrêter…Le chef orc se dit qu’il pourrait, d’un seul coup de son titanesque hachoir, fendre en deux ce vieux machin vert à la cervelle déjà bien rabougrie. Il se fit violence pour aborder la chose cotés diplomatie…
- Bon, t’as l’intention de t’payer ma tronch’ encore longtemps. Suis pas venue là pour voir ta glott’ danser la gigue…
- Hin hin toi toujours impatient, hin hin toi pas savoir goûter plaisir du moment présent hin hin…
- J’vois pas quel plaisir ya à venir t’causer vieux débris. Alors ces voix, tu m’en causes ou pas ???

Le chaman cessa de rire mais continua d’afficher un large sourire :
- Toi avoir entendu voix des dieux…
- Ouai mais en tout cas, c’tait pas un dieu du triorc, vu comment qui s’exprimait. ‘fin j’veux dire, ça manquait de grognements et d’flatulences …
- Eux te parler, eux te donner instructions. Eux dire : plus tôt .......commencer plus tôt .......faites entendre votre voix ....
- Et pourquoi qu’des dieux que je connais pas, y m’donneraient des instructions ?
- Eux avoir travail pour toi, eux besoin de toi…
- Ben, tu peux p’têt’ leur dire qu’suis déjà pas mal occupé en ce moment. Là par exemp’ j’viens d’apprendr’ que la moitié de la Waaagh prend ma carrière de sable pour une litière, vont tous y chier d’dans. Résultat on met deux fois plus d’temps pour extraire un kilo de sab’ exploitab’… Alors les messages divins, où qu’je pige que dall’, c’est pas ma priorité…
Le vieux chaman secoua négativement sa pipe devant lui.
- Toi oublier histoire pipi caca. Toi devoir répondre appel des dieux…
- Mais répondre à quoi ? Il est naz’ leur message, t’y comprend kek chose toi ???
- Message dire : Aujourd’hui grande chose arrivée, toi devoir dénouer les nattes de ton esprit pour laisser glisser oiseaux sidéral du renouveaux…

Wogard se leva en agitant les mains pour chasser les volutes de fumée verte qui empuantissaient la hutte.
- Ouai merci bien l’ancien. Avec ça, j’me sens ‘achement mieux renseigné. Surtout t’arrête pas d’fumer ton herbe kifairir’, ça te réussi pas mal j’trouve. Allez j’me casse j’ai une carrière de sable à faire clôturer…

Skisnarch faisait les cents pas dans le bureau de son Boss. Il était extrêmement préoccupé, d’abord ces rendez vous secrets avec un …nain, puis maintenant ça !
En tant que second de la Waaagh il avait beaucoup de choses à gérer, depuis, l’intendance jusqu’à la discipline, en passant par le recrutement et l’aménagement du domaine. Mais si en plus il devait y ajouter la surveillance des frasques du Boss, là ça devenait franchement insurmontable, sans parler des risques… Wogard n’était pas du genre à apprécier qu’on s’inquiète de ses petites affaires, un coup de hachoir était si vite arrivé si on fouinait un peu de trop…

Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Le jeune officier orc se tourna vivement vers la porte. Celle-ci s’ouvrit à la volée et un gobelin en sueur apparu.
- Rien, mêm’ à la tavern’ zont pas vu le Boss…
- Z’avez été voir à la bibliothèque ?
- Hein ? A la bibio quoi ???
- Non laissez tomber, refouillez moi l’domaine rapidos.
- Voui chef !
Le gobelin repartit aussi vite qu’il était apparu.

Ça serait terrible si celui que tous pensaient être le "Plus’Boss-que-les-aut’" avait disparu dans une embuscade ou même victime d’un animal sauvage. Wogard était réputé comme un des meilleurs chasseurs de Nawakim, mais bon personne n’est à l’abri d’un accident… Skisnarch s’affala dans le fauteuil de son Chef, désespéré de songer qu’il eut pu lui arriver quelque chose. Il en était tout effondré, avachi, les bras pendant le long des accoudoir…
De nouveau des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Ils étaient plus lourds et moins précipités que ceux du gob qui venait de repartir.
Le jeune adjoint sauta du fauteuil et couru vers la porte. Il déboula comme un fou dans le couloir en s’accrochant au chambranle pour virer sur place. Il tomba nez à nez avec un Wogard souriant, un bouquet de fleurs des champs à la main et une chanson guillerette aux lèvres :
- ….et dans la clairière s’endormi le poète … ? Eh bien mon ami, qu’avez vous donc à caracoler ainsi dans les coursives de notre castel ??

Skisnarch s’arrêta net et resta planté devant son Boss, les yeux écarquillés et la mâchoire pendante. Wogard parut, lui aussi, interloqué par l’attitude de son second
- Veuillez donc cesser de me dévisagez de la sorte, on croirait que vous assistez là à l’apparition d’un ectoplasme. Ressaisissez vous donc…
Skisnarch ne bougea pas d’un cil. Visiblement quelque chose n’allait pas du tout chez le Boss. Il parlait bizarrement, se tenait bizarrement et …. ces fleurs ?? Beuaark !
- Envisagez vous donc que nous restions dans le couloir ou pouvons nous espérer accéder à mes appartements. Je me damnerais pour une bonne douche… Faites moi donc commander de l’eau chaude mon bon Skisnarch. Et ôtez vous donc de là que je puisse passer.

Skisnarch fit un pas de cotés, il arborait toujours une mine abasourdie. Une douche ???? Il suivit son Chef dans le bureau.
- Et trouvez moi donc un jolie vase pour ce splendide bouquet. Le parfum exhalé par ces fleurs est absolument divin...
Skisnarch n’y tint plus, il se décida à parler :
- ‘Tain Boss vous m’filer les j’tons là ? Ça va ? Zavez l’air tout chose là. Et puis vous causez riche, ça fait tout bizarr’
- Allons, que me dites vous là, je m’exprime comme il sied à un seigneur de mon rang et de ma qualité. Wogard se tourna vers son adjoint et l’examina attentivement.
- Vous même, vous n’avez pas l’air au mieux de votre forme…
- C’est qu’on s’est fait ‘achtement d’mouron Chef, vous vous zet’, comme qui dirait, volatilisé tout le ouikainde. Les gars zont pas arrêté de vous chercher partout…
- Oui effectivement, je me suis enthousiasmé pour une course hors du commun vendredi après midi. Si je venais à vous raconter ce à quoi j’ai assisté vous ne me croiriez pas. C’était féerique… ! Et regardez donc ce que j’ai ramené de cette inoubliable course champêtre…
Wogard sortit d’un magnifique fourreau en cuir et argent, une rapière d’une incomparable finesse. Il n’y avait pas un centimètre carré de sa lame ou de sa garde qui ne soit gravée, taillée ou ornée de pierres précieuses. Un léger aura mauve semblait irradier de chacune de ses molécules d’acier, tandis que le Boss la brandissait sous l’œil de plus en plus incrédule de Skisnarch.
- Mirez moi cette finesse, cette précision, aucune arme faite pas un artisan orc n’atteindrait un tel sommet de perfection…
- Ben tient, justement Boss, ou qu’c’est que vous avez mis vot’ hachoir ?
- Oh, j’ai du m’en débarrasser je ne sais plus. Mais tenez, soupesez la donc, vous verrez comme son équilibre et sa légèreté sont inimitables.

Wogard tentait l’épée en direction de son second afin qu’il l’essaye. Instinctivement ce dernier recula et garda les mains le long de son corps.
- Ça viendrait pas de c’te cochonnerie d’arme magiq’, tout ça ?
- Mais de quoi parlez vous ? Je vous trouve bien étrange ce matin, lieutenant Skisnarch.
- Vot’ épée là, où qu’c’est qu’vous l’avez eu, serait pas elfiqu’ par hasard ?
- Cette épée est splendide, je la tiens des mains d’un demi-dieu, enfin, bien entendu qu’elle possède des propriétés magiques. J’ai eu tout le loisir de l’essayer ces deux derniers jours. Je suis allé chasser les cerbères bleus dans les cavernes de l’Est, c’était prodigieux. Mes sens étaient transcendés, j’étais capable de ….
- Boss, Boss, pouvez arrêter vot’ baratin deux minut’ ?
- Lieutenant Skisnarch ! Dois je vous rappeler que vous vous adressez à un officier supérieur, je vous demanderais de faire preuv…
- Ok ok Boss, scusez moi. Voulez bien m’écouter ? J’crois qu’c’est important.
- Bien, bien, je suis toute ouie. Exprimez moi donc, l’objet du désarroi qui vous dévore…
- Posez vot’ lame sur le bureau, Chef. Non, non, pas dans son fourreau, j’vous demande de la poser là, et de reculer..

Wogard regarda son adjoint d’un air incompréhensif, puis après quelques secondes il posa la rapière sur le bureau et recula. Le Boss gardait les yeux rivés sur son épée, s’attendant à voir apparaître une manifestation quelconque de ses pouvoirs. Il resta ainsi plusieurs secondes à fixer l’arme.
Subitement il prit conscience que son second l’observait lui, attentivement, comme si il avait une mouche sur le nez.
- Qu’est ce tu r’gardes crêm’ d’andouille, c’est l’épée qu’il faut zieuter non.
Aussitôt le visage de Skisnarch se fendit d’un large sourire et il lacha un long soupir de soulagement
- Ooooh ‘tain Chef, l’instant d’un moment j’ai vraiment cru qu’une tafiol’ d’elf’ vous avez j’ter un sort… Pfiouuu.. A l’cauchemard, j’vous dit pas…
- T’as plutôt intérêt à t’expliquer avant qu’j’te baffe. De quoi qu’tu causes là ???
- Vot’ épée là, elle est magiq’ pour sur, mais c’est pas une arme pour vous. Heureusement que les gars y vous zont pas entendu causer. J’vous dit pas le malaiz’ sinon…J'crois que vot' épée magic' elle affecte vot' intelligence. J’vais vous expliquer..

Plus tard dans la soirée Wogard et Skisnarch revenaient vers le domaine de la Waaagh, marchant l’un à cotés de l’autre. Tous les deux avaient l’air content d’eux mêmes.
- Voyez Boss, j’vous l’avez dit que vous y gagneriez au change. Elle est pas aussi belle, mais elle à l’air ‘achtement plus efficass’.
Le Boss ne cessait de faire des moulinets devant lui avec une petite épée large de bonne facture.
- Ouai, l’a l’air pas mal, elle défouraill’ plus que l’aut’ c’est sur. J’vais aller l’essayer dès d’main.
- Ah ben vous pouvez, sur qu’c’est plutôt une arm’ pour un chef bourrin comm’vous. Si vous voulez mon avis, vot’ dieu cochon là, y s’est payé vot’ tronche en vous filant le cure dent elfiq’ l’aut’ jour,.
- Ouaip mais heureusement que j’me suis rendu compte du sortilèj’ et qu’j’ai pu dégoté c’te andouille de seigneur mort vivant pour faire l’échange…
- Heu… Chef … c’est moi qui …..
- Ferme ton museau ou j’ten décolle une.
- Voui Chef, avec plaisir Chef.
Skisnarch souriait de plus belle. Qu’il est bon de retrouver ses habitudes…

Une sourde angoisse au creux du ventre, Skisnarch se tenait devant la porte de la piaule de son Boss.
Il hésitait à taper pour s’annoncer.
Quand le Chef s’enfermait comme ça, c’est qui voulait pas qu’on le dérange. Il pouvait être d’une humeur massacrante si jamais quelqu’un le perturbait durant ses périodes d’intenses réflexions.

D’un autre cotés il s’agissait carrément, comme qui dirait, d’une urgence grave.
Ne pas prévenir Wogard maintenant pouvait avoir de graves conséquences.
Oui, mais l’urgence était une notion assez relative.
Le jeune adjoint se tourna vers le mur en face de la porte. Une énorme tache d’un brun sombre y était encore visible, c’était là le seul souvenir qui restait de son prédécesseur. Lui aussi pensait, à l’époque, avoir une chose urgente à dire à son Boss.
Toujours le poing levé, les phalanges à quelques centimètres de la porte, prêt à frapper, Skisnarch pesait le pour et le contre.
Soit il attendait, pour éviter de finir en peinture murale, mais le contrecoup risquait d’être terrible plus tard, soit il fonçait en affichant l’assurance insolente d’avoir à rapporter la nouvelle la plus urgente de toute l’histoire des nouvelles urgentes.

Allez courage.
Le second de la Waaagh prit son inspiration et frappa trois coups secs et sonores.
- Wouaaiiii ! K’est ce ya ???
Skisnarch ouvrit la porte à la volée et entra dans la pièce presqu’en courant, affichant une mine catastrophée. Autant la jouer le plus dramatique possible…
- Chef c’est la cata. Les trolls y zont tout bouffé…Ya plus rien à béqueter pour nous aut’

Wogard se leva de sa table de travail où un foutoir inextricable de cartes, de plans et de bouteilles vides occupait toute la surface.
- Wowowohh ! C’est pour m’apprendr’ qu’les trolls sont des boyaux sur patt’ que tu m’déranges ? Le Boss tendait déjà la main vers son tout nouveau glaive, acquis depuis peu, auprès d’un puissant seigneur mort-vivant.
Le jeune orc déglutit péniblement et enchaîna :
- C’est bien plus grav’ que ça Boss. Quand je dis qui zont tout bouffé c’est qui zont rien laissé. Un mois complet d’vivres pour toute la Waaagh, englouti en kek’ heures…
Le Chef orc se désintéressa de son glaive et s’approcha de son adjoint.
- Et y avait pas de sentinelles, z’étaient pas surveillés les vivres ???
- Si, mais zont bouffés les gardiens avec. Ouf ! Skisnarch souffla intérieurement, il avait fait le bon choix.
Wogard balaya la surface de son bureau d’un geste de la main.
- Mais qu’est ce qui leur prend à ces lourdingu’. J’avais d’mandé qu’ils soient correct’ment nourris pour pas avoir c’genr’ d’problème…
Voyant la colère de son Boss à peine contenue, le jeune adjoint préféra reculer un peu, tout en expliquant :
- Ben en fait d’après c’que j’ai cru comprendr’ ils débutent la sainte semaine du manger. Et pour honorer Groumph, ils zingurgit’ tout ce qu’ils trouvent..
- La sainte semaine du manger ? Mais c’t au début de l’hiver que ça se fête non ??
- Ouai, Boss c’est vrai chez les trolls des plaines du Sud, mais là on se coltin’ aussi des trolls des collines du Nord. Et eux y fêt’ ça maintenant…
- Bon, Ok, j’vais aller régler tout ça d’suite.
- Euh .. C’est pas tout Chef… ya un aut’ soucis.

Wogard ferma les yeux et se pinça la base de l’arrête du nez entre son index et son pouce.
- Vas-y, j’t’écoute…
- Ben on a aussi un contingent de trolls des marais. Et eux, y zont aussi commencé leur semaine sainte…
Wogard haussa les épaules :
- Tu viens d’me dire qu’avait plus rien à bouffer d’tout’ façon.
- Oui mais eux, c’est pas Groumph qu’ils honorent, c’est Schlika Schlika. Chez les trolls des marais la semaine de la fornication a comm…
"BAAAM ! " Le Boss venait de taper des deux poings sur sa table, faisant sursauter son lieutenant, il explosa :
- ‘TAIN, ÇA VA CHIER !!!! VAIS TOUS LES FOUT’AU TROU, Y Z’HONORERONT QUI Y VEULENT MAIS Y FERONT ÇA ENTRE EUX.
Wogard se saisit de son glaive et fila vers la porte
- Euh… en parlant de trou, soyez prudent Boss, vous savez les trolls en rut, c’est dangereux, y sont plus trop regardant sur la féminité d’leur partenair’…Ya déjà quelques gob qu’ont eu des soucis…
Le Boss se retourna en arborant un sourire sadique, il fit quelques moulinets avec son arme magique.
- Qu’en ait un qu’essaye et y pourra plus jamais honorer Schlika Schlika.
Pour appuyer ses dires, le glaive acheva sa démonstration dans le chambranle de la porte qu’il sectionna net avant de traverser le mur.
- Et vous allez leur dir’ quoi Chef ?
- Vais leur dire qu’c’est aujourd’hui qu’débute le saint mois de l’incarcération des abrutis.
- C’est pas très diplomatic’ ça Boss.
- T’inquièt’, avant qu’ils aient pigé que je parlais d’eux, y seront tous dans un belle galerie condamnées des deux cotés.
- Euh ben bon courage Boss, moi j’vais m’occuper de faire réparer le mur…

Déjà à plusieurs mètres de la hutte du chaman on sentait l’odeur de fumée. Ce vieux croûton de sorcier passait ses journées à s’abrutir le peu de cervelle qui lui restait avec cette herbe Kifairir’.
Wogard soupira devant la peau de bête qui était tendue sur l’entrée. Il se demandait encore se qu’il faisait là, de si bon matin, alors qu’il pourrait être en train de chasser.

Le chaman de la Waaagh lui avait fait savoir qu’il avait appris des choses importantes et qu’il était urgent qu’il vienne le voir.
Dire que cette visite enchantait le Boss serait un peu exagéré, mais il n’avait pas le choix, son rôle de Plus’Boss-que-les-aut’ impliquait qu’il prenne régulièrement conseil auprès du chaman.
Sans s’annoncer Wogard repoussa d’un bras la lourde fourrure qui lui barrait le chemin et entra dans la pénombre enfumée.

Comme à chaque fois il dû attendre plusieurs secondes avant que ses petits yeux porcins ne s’habituent au brouillard puant.
- T’es là, vieux décrépit ???
Pour toute réponse il n’eut que le doux feulement du tabac se consumant dans le foyer d’une pipe tandis que le vieux chaman tirait dessus. Il finit par distinguer le rougeoiement intense au fond de la hutte et entendit un bruit d’expiration forcé.
- Surtout m’répond pas, s’pèces de momie desséchée.
Un ricanement comparable à une scie sur du métal résonna à ses oreilles alors qu’il s’accroupissait en face de la silhouette décharnée du chaman.
- Toujours en train d’te marrer, hein ? M’en faudrait p’t’être un peu d’ton herbe, ça m’ferait du bien de m’marrer moi aussi…
- Hin hin hin, toi toujours trop inquiet, Wogard, toi devoir apprendre à détendre ton esprit hin hin hin..
- Ouai bon, pourquoi qu’tu voulais m’voir ?

Le chaman prit une grande écuelle plate en bois, à cotés de lui et la posa devant Wogard. Il se mit à chantonner une curieuse mélodie tout en allumant plusieurs chandelles en suif de nain disposée tout autours. Les petites flamme diffusèrent une lumière jaune maladive mais suffisante pour que le Boss puisse suivre, avec une fascination croissante, le rituel ancestral de divination.
L’air de la hutte sembla se charger de tension orageuse. Malgré les chants rituels du vieux, Wogard cru entendre, autour de lui, des bruits de mastication ainsi que des coups sourds et quelques gémissements.
Il ne savait pas s’il s’agissait de son imagination, mais on prétendait que s’était là, la manifestation physique du Triorc.
Les dieux frères orcs étaient là, dans la hutte avec eux, ou du moins leur esprit était là.
On entendait Groumph mastiquer, Bigmandall’ cogner et Schlika Schlika… ben, faire ce qu’il faisait d’habitude…

Wogard se sentait exalté par la présence des dieux orcs, il émanait de leur présence une sensation de profonde et d’intense vigueur, quelque chose de primal, d’aussi vieux que le monde lui même.
Un sentiment de toute puissance habitait le Boss de la Waaagh, c’était extraordinaire, encore plus fort que lorsque, jeune chef orc, il épluchait des prisonniers elfes pour tromper son ennui.
En même temps il en concevait un grand respect pour ce vieux chaman, sage conseiller, fumeur invétéré et puissant thaumaturge. Il regrettait toutes les fois où il avait douté de ses compétences. Il oubliait trop souvent que c’était le Collorque qui avait désigné le vieux sorcier comme chaman de la Waaagh. Ça n’était pas sans raison.
Il l’observait alors qu’il prenait de petits objets dans ses mains et qu’il les secouait au dessus de l’écuelle. Par moment sa voix lâchait des intonations suraigus, à la limite de l’hystérie, puis elle retombait dans les basses en suivant une litanie mélodieuse qui devait remonter aux origines du premier orc.
Soudain de petits éclairs verts se mirent à courir sur tout le corps du chaman, sa silhouette semblait littéralement crépiter.
Le vieux ouvrit les yeux, cessa de chanter et lâcha ce qu’il tenait en main dans le récipient en bois.
Provoquant de petits « tac-tac » brefs, les objets se répandirent au fond de l’écuelle puis s’immobilisèrent. L’atmosphère semblait redevenue normale dans la hutte.
Le vieux se pencha pour regarder le fond du plat en bois et regarda Wogard.
- Moi faire divination plusieurs fois depuis hier et toujours même résultat.
Wogard, plein de déférence, se redressa et répondit avec fierté:
- Je t’écoute Chaman, dis moi c’que les dieux t’ont appris.
- Les dieux dirent que toi devoir « bâtir puissante flotte de guerre »…

Wogard resta plusieurs secondes suspendu aux mots que le sorcier venait de prononcer. Il n’était pas sur d’avoir bien entendu.
- Une flotte de guerre.. Je dois bâtir une puissante flotte de guerre…. T’es déjà sortit d’ta hutte vieux débil’ ? Est ce qu’t’as déjà aperçu une plage dans l’coin ? Est ce que t’as la moindr’ idée de la distance de la mer la plus proche… ?
Le charme était rompu…
- Hin hin hin Ça pas important. Ça être volonté des dieux, toi devoir bâtir puissante flotte.
- Ah ouai, ça pas important ? Et après j’en fait quoi des rafiots, j’les fait tirer jusqu’à la mer ? J’attends que la marée mont’ jusqu’ici ? T’es sur que t’sais t’en servir d’tes grigris ? Et c’est quoi d’abord tes trucs, des osselets, des runes… ?
- Hin hin hin ça être os de poulet tout simple….
- Des os d’poulet ? Ben y doivent être pourris tes os d’poulet, complèt’ment périmés. Tu f’rais mieux d’les changer.
- Hin hin Non, os pas pourris, ça être os de poulet du matin Hin hin
Wogard devint instinctivement soupçonneux. Des os de poulet du matin ???? :
- D’où qu’tu sorts tes os d’poulet toi ? Ya plus rien à bouffer depuis qu’s ces couyons d’trolls zont tout ingurgiter. Fais les voir tes os…
Wogard pris un des osselets et l’examina à la lueur d’une des chandelles. Et ce qu’il vit ne lui plût pas vraiment.
- Tes os d’poulet on dirait plutôt des phalanges de gob’…D’où qu’tu les a eu ?
Pour la première fois depuis qu’il le connaissait, le Boss vit de la stupeur dans le regard habituellement presque éteint du chaman.
Ce dernier, en prise à une grande agitation, se mit à marmonner : - Os de gobelins ? Os de gobelins ? Non pas être possible. Alors message Triorc être faux, moi devoir recommencer…
Wogard de leva, le regard désabusé, secouant la tête et se demandant à nouveau ce qu’il fichait ici…
- Bon écout’ l’ancien, pendant qu’tu fais ta tambouille, moi j’vais aller voir qui c’est qui m’boulotte mes gobs… Sans rien ajouter il souleva la peau de bêtes et sortit, laissant le sorcier dans une confusion grandissante.

La soirée était déjà bien entamée.
De nouveau le Boss de la Waaagh était assis en face du chaman, dans sa hutte. Wogard était en train de songer que deux visites dans la même journée ça frisait le masochisme. Mais bon, apparemment le vieux sinoque avait trouvé un moyen pour lire les augures avec des phalanges de gobs.
Le sorcier tenait dans ses mains l’écuelle pleine de petits os.
- Cette fois, pas erreur, pas erreur. Hin hin hin… Moi comprendre lecture osselets gobelins…
Le Boss orc serra les poings pour ne pas les écraser sur le crâne de cette momie ricanante. Plus que son infecte herbe à fumer, c’est son rire grinçant qu’il avait du mal à supporter.
- Bon ben vas y, accouch’, s’impatienta le Boss.
- Osselets formels, toi devoir « salir luisante pelote de graisse »…
- ….. ????….
Pendant un instant Wogard se demanda si, en fait, le Triorc n’était pas en train d’éprouver sa patience, ou tout simplement en train de se foutre de lui et de bien se marrer..
- Je dois… « salir une luisante pelote de graisse »… ? Ouai… Ouai, bien, c’est vrai qu’le sens est complètement différent. En même temps, t’admettra qu’ça veut pas dire grand chose !

Le chaman semblait se rendre compte, seulement après coup, de l’incohérence de son augure.
- Moi avoir encore du mal avec phalanges gobelines. Ça être nouveau matériel, moi découvrir..
Comme il serait agréable de serrer ses doigts autour du cou décharné de ce vieux débris, Wogard sourit à cette idée…
- Bon écoute, tas d’os ambulant, t’as plutôt intérêt à m’décrypter ce foutue message divin et rapidos. Alors, magne toi…..
- Euh oui, toi attendre… Moi me concentrer… Mouiii moi lire, ça y est, oui, toi devoir « …gravir une plus… suante breloque de glaire » ??? Le vieux sorcier avait annoncer les derniers mots d’une voix hésitante en jetant des regards nerveux au Boss…

Wogard se leva, sa colère se mua instantanément en grosse fatigue. Une bonne partie de chasse, voilà ce qu’il lui fallait pour oublier toutes ces débilités…
- Quand tu s’ras arrivé à sortir un truc cohérent de ta boite à os, si t’y arrive un jour. Ecris le moi et envoie le, ça vaudra mieux. Si j’reviens ici, je crois bien qu’j’pourrais commettre un chamanicide.
Juste avant de sortir, le Boss s’arréta devant la peau de bête qui fermait le hutte et se tourna vers le sorcier.
- Et je souhaite pour toi qu’j’aurais pas à lire que j’dois « ravir une pustulente défroque d’éther » ou encore « trahir une succulente zélote de fer ». Pigé vieux débrit ???

L’air était plutôt chaud et agréable en cette fin d’après midi. Le temps avait été magnifique toute la journée. Enfin l’été daignait se montrer.
Skisnarch était assez content. Toutes ces pluies ces dernières semaines lui avaient bien compliqué la tâche sur de nombreux chantiers. Maintenant que la météo semblait coller avec le calendrier, son travail allait en être facilité.
On racontait dans les tavernes que toutes ces perturbations auraient eu pour origine les caprices d’un demi-dieu à tête de cochon … Qu’importe les superstitions, l’important c’était l’avancée des progrès, songea le jeune orc plein de fierté.

Et sa fierté c’était cette bibliothèque où il prenait grand soin que tout soit consigné par son armada de scribes, presque tous des gnomes.
Ils effectuaient un véritable travail de fourmis, chaque liste, chaque plan, chaque inventaire étaient comparés, analysés, corrigés et reproduis en plusieurs exemplaires soigneusement reliés et classés.
Et ces petits scribouillards méticuleux exigeaient d’être payé en … sable. Une aubaine pour la bourse de la Waaagh qui devait déjà s’ouvrir plusieurs fois par jour pour les troupes et les constructions.

Par curiosité Skisnarch s’était renseigné sur cette particularité et avait appris que sur Gnakim, leur minuscule île natale, les gnomes étaient férus d’artisanat verrier.
Ils avaient une passion quasi-génétique pour la confection d’objets en verre. Ce violon d’Ingres, érigé en sport national, avait épuisé, depuis longtemps, les réserves naturelles de silice de leur île. Et pour d’obscures raisons, seule une certaine qualité de sable était prisée par les verreries de Gnakim. Ce qui expliquait sans doute pourquoi les gnomes de tout Nawakim ne se jetaient pas sur les plages du littoral.
Une maxime gnome ne disait-elle pas qu’il valait mieux finir dans un trou de sable que dans un sarcophage de marbre et d’or…

Du grabuge se fit entendre à, l’autre bout du grand bâtiment.
- Du balais les grattes-papiers, barrez vous d’mon chemin ou j’vous atomise…
Ah ! Le Boss vient d’arriver. Skisnarch alla à sa rencontre en se dirigeant grâce au vacarme produit par son Chef. Il le trouva dans un des rayonnages en train de terroriser un gnome archiviste.
- Euh Boss laissez le, y fait qu’son boulot. Venez plutôt par ici, j’nous ais aménagé une p’tite pièce pour l’briefing.
- Ah t’es là toi. Wogard lâcha l’infortuné petit bibliothécaire. Je l’supporte pas ces moustiques, me font trop penser à des nains.
- Vous savez bien qu’les nains sont beaucoup plus laids Chef. Allez venez.
- Ouai c’est vrai, mais quand même, qu’est ce qui z’y ressemblent.

Le Boss de la Waaagh et son adjoint arrivèrent dans une petite pièce équipée d’une grande table et de plusieurs chaises et aux murs couverts de cartes. Tous deux s’installèrent confortablement.
Wogard ouvrit la séance.
- Bon alors, où qu’on en est ?
- Je dirais qu’tout baigne, Chef. Nos gisements produisent à donf, et les industries tout pareil.
- Et pour la bectance ?
- Pour la bouff’, vous avez eu un trait d’génie Boss en recyclant nos effectifs trop chétif et trop faib'
Wogard afficha un air satisfait, se renversant sur sa chaise, les mains derrière sa tête.
- Ouaip, c’est l’aut’ vieux schnoque de chaman qui m’en a donné l’idée avec ses phalanj'… Mais c’était just’ pour l’urgence, ya des gars qui commencent à s’douter de quelqu’chose avec toutes ces disparitions. Tient d’ailleurs s’en est où les unités d’chasseurs ?
- Toutes opérationnelles Chef. Y z’écument le pays et y rapport ’ assez de bouff’ pour tout le monde.
- Et les effectifs d’la Waaagh ?
- Ça grimpe Boss. On agrandit encore les sous-sols pour caser tout c’monde. Et on a deux seigneurs de guerre qui se sont joint à la Waaagh. Tous les rapports de mes zespions sont formels, on est en train de réunir la plus gross’force armée de tout Nawak’…Le jeune adjoint sembla hésiter quelques secondes puis rajouta : … et les vot’ ?
- Quoi les miens ? De quoi qu’tu me causes ?
- Allez Boss, faites moi confiance un peu… Je sais qu’vous avez des espions d’partout. J’vois bien tout vos p’tits coups en douce. Vous m’laissez gérer les affaires courant’ et vous vous réservez les magouill’ avec d’aut’ seigneurs, les manœuv ’ dans l’ombre, les zinfiltrations en territoire ennemis…
Wogard rit de bon cœur. – T’as pas oublié d’êt’ futé toi… Il est peut être tant que j’te mette au jus.

Skisnarch avait tenté le coup comme ça, sans penser que son Boss céderait si facilement. Il allait enfin connaître les petits secrets de la Waaagh.
L’art de bien commencer la guerre, bien avant que le moindre troufion ne foule le champ de bataille…

- Effectiv’ment j’ai placé ou acheté des agents dans les plus grosses guildes de Nawak’. Le Boss se leva et s’approcha du mur en tendant le bras dans un geste démonstratif.
- Mat’ moi toutes ces cartes, j’aurais pas eu assez de tout’ une vie pour visiter autant d’souterrains. On me les as fourni contre quelque petites bricol’. Tout y es, regard’ les passages secrets, les bestiol’ à éviter, les trésors cachés.
Skisnarch leva les yeux vers le mur : - Ben moi qui croyais qu’vous aviez cartographié ça tout seul Boss…
- Et non, il suffit d’s’adresser à un seigneur peu scrupuleux. Regarde c’lui ci il m’a refilé un bestiaire de prem’s qualité. Y en a même qu’accept’ d’me laisser leur trousseau d’clefs et leur mot de pass’ tout’une soirée pour qu’j’aille fouiner dans les archives de leur guild’ déguisé incognito. J’ai pu m’gaver d’infos d’première bourre même si j’ai du m’taper des truc sans intérêt comme l’adoption de daisy chez les amis de l’arbre heureux ou cet’histoir débil’ d’ourson perdu dans la forêt …
- Un ourson perdu en forêt ?? Les zamis d’l’arbre heureux ??? De quoi qu’vous causer Boss ?
- Nan laisses tomber, j’me comprends….
Skisnarch était admirateur, il découvrait là une facette de son chef qu’il n’aurait jamais soupçonnée. Il pensait, tout au plus, que son chef se livrait à de petites magouilles, histoire de s’acheter la coopération d’un ou deux seigneurs ? Mais là, il y avait manifestement du travail d’orfèvre….

- Mais où qu’c’est qu’vous avez trouvé tout cet or pour corromp’ tout ces gars ?
- Bah, j’en ramène bien assez d’mes parties d’chasses. Mais certains sont plus malins, y veulent aut’ chose que d’l’or. ‘reusement qu’on est bien fourni en ressources et objets de tout’ sort’.
- Et comment qu’vous fait’ pour infiltrer une guild’ Chef ?
- Sont tellement avides de puissance et de pouvoir qui zaccept’ n’importe qui. Suit sur qu’on f’rait postuler un troll adept’ de Schlika Schlika, qu’y s’battraient tous pour l’avoir.
- Et vous fait’ vot’ choix comment ? J’veux dire, comment qu’vous choisissez vot’espion ?
- Ben d’abord j’ai eu des candidatures pour la Waaagh ya quelques temps. Des p’tits gars très motivés, j’leur ai suggéré qu’ils serviraient mieux les intérêts d’la Waaagh en postulant ailleurs, tu piges ? Le plus beau c’est qu’certains ont même changé de guild’ tout en continuant à bosser pour moi. Wogard paraissait assez content de sa dernière remarque.
- Ah ouai très fort ça….
- Et puis y a ceux qui sont pas de notre peuple, mais qui veul’ s’amuser. Certains s’font tellement hiech’ là où y sont, qu’ils jouent les espions pour s’pimenter la vie, moyennant quelqu’ compensations bien sur… Parce que figure toi qu’même au sein de leur guild’ y marchandent entr’eux. Y s’vendent des trucs, y font du bénéf’ sur le dos des potes. T’imagines ? Comment tu veux qu’ça marche ? Forcément moi quand je m’pointe les bras chargés d’cadeaux…y en a qui craquent.
- Roooh, ya des gens malhonnête quand même, hein Boss… ? Et alors ces rendez-vous secrets avec des gars louches, c’était pour ça Boss ?
- Heu pour ça et pour autre chose…Je vais pas te livrer tous mes p’tits secrets quand même…
- Mais certains peuv’ vous raconter des bourres, j’veux dire, ils peuvent avoir envie d’vous prendre pour un benêt d’elfe. Comment qu’vous savez si c’est du fard ou du reblochon ?
Wogard leva son index et sur un ton professoral, il répondit :
- L’astuce, mon bon Skisnarch, c’est le re-cou-pe-ment !
- Voulez dire que vous les menacez d’les débiter en rondell’ plusieurs fois ?
- Mais non, tête de nain. La violence ça donne que dall’ dans ces cas là. Non, le truc, c’est qu’tu dois considérer une info comme sure que si tu peux la comparer avec d’aut’ infos issues d’aut’ sources.
- Ah ouai, vous recoupez les renseignements… Le jeune lieutenant avait prononcé cette phrase d’un ton songeur. Comme s’il venait de découvrir le fondement d’un mécanisme insoupçonné.
Wogard venait de se lever silencieusement, l’air aux aguets, le doigt sur la bouche.
- Chut t’as pas entendu….
- Heu… ! Non chef…
- M’as semblé pourtant, Le Boss alla ouvrir la porte brusquement s’attendant à y trouver une oreille collée, mais ne vit rien ni personne… t’es sur d’tes demi nains scribouillards là ?
- Ouai Boss, pas de soucis…
- Ouai bon, j’t’en ais assez dit, causons d’aut’ choses… Alors les travaux de notre forteresse noire, z’en sont où ???.....

Une nouvelle aile de la bibliothèque venait d’être achevée. Il fallait toujours plus de place pour les livres de plus en plus nombreux que les gnomes archivistes recopiaient avec méticulosité.
En plus de leur don pour l’enluminure et le dessin, Skisnarch avait eu l’idée d’utiliser les talents de ses petits scribes pour coucher sur le papier les épopées légendaires orques, la tradition peaux vertes étant essentiellement orale.
Du coup il avait réservé une petite partie des rayons pour les livres de tradition. Il se prit même à rêver d’y mettre plusieurs volumes sur l’épopée de Wogard, épopée dans laquelle sa propre place n’était pas négligeable.

La Waaagh en était encore à ses premiers balbutiements, et si l’aventure était d’ores et déjà palpitante, ce n’était rien en comparaison de ce qui les attendait dans l’avenir. Mais à bien y réfléchir, il ne savait pas trop ce qui les attendait dans l’avenir…
Tient … ? C’est vrai ça.
Dans l’immédiat les objectifs étaient clairs, Skisnarch avait pour mission de créer un socle industriel et technologique assez solide pour que la Waaagh y prenne ses appuis, mais après… ? Il avait bien eu une piste avec ce courrier destiné à Wogard, et puis, il ne fallait pas être grand prêtre de Ysdania, pour comprendre que lorsqu’un Boss orc prenait la tête d’une Waaagh, ce n’était pas pour aller enseigner les bonnes manières dans un collège de jeunes filles.
Il y allait avoir de la baston, ça c’était sur ; aussi sur que les poils de barbes naines servaient à faire des balais à chiottes… Mais contre qui ? Et où ?
Le jeune adjoint se souvenait de l’autre soir où il avait entendu son Boss parler à un mystérieux inconnu d’un événement qui aurait lieu avant l’automne… Et puis il y avait ces cartes topographiques, une région proche d’un cimetière non identifié… Toujours ces cimetières….
Skisnarch était toujours un peu vexé que Wogard lui cache certaines choses… D’un autre cotés il lui avait quand même révélé des informations supers importantes l’autre jour…
Bah, c’était le Boss après tout, il devait savoir ce qu’il faisait en distillant ces secrets au compte goutte.

Un toussotement fit sursauter le second de la Waaagh, il se retourna et vit un gnome qui se tenait à un mètre derrière lui. Il sembla à Skisnarch qu’il s’agissait d’un des anciens. Il portait de belles boucles en argent sur ces bottines luisante et un énorme chapeau noir presque aussi haut que lui.
- Oui ?
- Monsieur Skisnalch, mes collabolateuls m’ont désigné comme polte palole de notle syndicat poul ven…
- Syndicat, quel syndicat ??
- Celui que mes collabolateuls et moi même avons cléé ce matin.
- Ah bon ? Et pourquoi qu’vous auriez besoin d’un syndicat vous ‘aut’?
- Plécisément c’est ce que mes collabolateuls m’ont chalgé de vous dile.
- Bon ben j’vous écoute…
- Mes collabolateuls et moi même voudlions savoil poulquoi vous avez tlansfolmé la qualité du sable ?
- Heu.. on a rien tlansfol…hem, on a rien transformé du tout. C’est la mêm’ sable qu’j’vous fait livrer tout’ les semaines.
- Nan nan nan, mes collabolateuls et moi même, avons lemalqué que le sable est diffélent depuis quelques jouls.
- Bon ok, fait’ moi voir ça…

Skisnarch se leva et suivit le gnome plénipotentiaire jusque dans les appartements que les petits bibliothécaires habitaient.
Le représentant syndical ouvrit un coffre, duquel il sortit une cassette en fer cadenassé. Après l’avoir ouverte à grands renforts de tour de clefs, il en délogea avec peine un gros sac de cuir. Il le posa devant le jeune orc, l’ouvrit et en sortit une pleine poignée de sable.
Skisnarch y jeta un œil sans rien trouver à redire. Il était blanc, fin, scintillant et émettait un doux chuintement en s’écoulant entre les petits doigts potelés du gnome.
- Et ben quoi ? Qu’est ce qu’il a not’ sable, je l’trouve très correct’ moi.
Le gnome leva les yeux au ciel.
- Flailez le. Dit il d’un ton catégorique.
Le jeune orc resta en suspend, l’air interrogateurs.
- Quoi ?
Le gnome avança son visage au dessus de sa poignée de sable et fronça son nez.
- Leniflez le !
L’orc haussa les épaules et renifla la poignée de sable. Il recommença une fois, deux fois.
- Oui ya comme une légèr’ odeur, mais bon, pas d’quoi émasculer un elfe.
Le syndicaliste fronça les sourcils et sa voix monta de quelques octaves
- Une légéle odeul ? Une légèle odeul ? Mais votle sable, monsieur Skisnalch, il sent la melde !
- Ah j’aurais plutôt dit d’la pisse de troll, moi.
- Oui aussi, il y en a. Ça sent la melde ET la pisse de tloll. Votle sable est de tlés hollible qualité.
Skisnarch fit un signe d’impuissance avec ses mains.
- Heu .. oui mais ça peut s’expliquer fastoche, nous avons eu kek problèm’ d’ écoulements d’égouts et …
Le gnome le coupa aussitôt.
- Cessez de laconter des mensonges. Nous avons vu vos olcs, vos gobelins et vos tlolls faile leul besoin dans la callièle de sable la nuit delnièle.
- Qu’est ce tu m’racontes, on la fait’ cloturer ya une semain’ …
- Ah alols vous saviez qu’il y avait un ploblème !
- Hem oui enfin…je …hem… cett’ nuit tu dis ? T’as vus des gars d’la Waaagh aller chier dans l’sable d’la carrière, cet’ nuitée ?
- Oui, aussi sul que je vous legalde en ce moment.
- Bon tu sais quoi coco.. J’peux t’appeler coco hein ? Ouai. Tu m’ramènes tout ton sabl’ pourri avant ce soir, j’te l’change et en plus je double vot’ paye durant deux s’maines. Ça t’va ?
- Oui ça semble collect, top là.

La nuit suivante, une ombre se glissa dans un trou de la clôture ceignant la réserve de sable du domaine.
Comme prit d’une envie pressante l’ombre se faufila rapidement jusqu'à un jolie tas de sable bien propre et accueillant.
L’ombre se défroqua et s’accroupit.
C’est à ce moment là que se firent entendre plusieurs « Tchoiiing », provenant visiblement du cotés de l’entrepôt. Ce fut les derniers bruits qu’entendit le pauvre orc venu se soulager. Des gerbes de sable explosèrent autour de lui, mais il ne les vit même pas. Un des nombreux traits de baliste l’ayant pris pour cible venait de lui arracher la tête. Presque de suite, plusieurs rocs d’une demi-tonne s’abattirent sur la zone qu’il occupait une fraction de seconde avant. Puis tout redevint silencieux.

Wogard se tenait debout sur le bord du toit de l’entrepôt, une longue vue à la main.
- La batterie cinq à encore mit ‘plein dans l’mile.
Il se tourna vers Skisnarch assis non loin de là.
- Excellent’ cet’idée ! Tu peux cocher un’croix pour l’entraînement de tir d’nuit.
- Ouai Boss, mais j’crois qu’les catapultes on encore besoin d’se faire la main.
- Bah on va pas s’plaind’, j’ai vu voler qu’un seul gob ce soir…

Ces souterrains n’en finissaient plus, il y faisait une chaleur étouffante. Et ces maudits tortue-ninjas qui sortaient de partout. Wogard en avait mal aux bras à force de taper dessus. Il décida de tourner à droite à la prochaine intersection.
Le nouveau tunnel était d’un noir d’encre.
Le Boss y vit des yeux rouges qui l’observaient. Un grognement se fit entendre et trois lycanthropes se jetèrent sur lui. Son glaive était d’une lourdeur inimaginable, il n’eut pas le temps d’esquiver.
L’instant d’après il marchait dans un cimetière.

L’un des caveau avait sa porte entre ouverte et de la lumière en sortait.
Doucement Wogard s’en approcha et poussa le battant.
A l’intérieur les murs étaient garnis de lourdes tentures de velours rose et de tableaux évoquant des scènes bucoliques. En face, contre un mur se trouvait une banquette en bois doré avec un matelas capitonné de cuir rouge. Sur le matelas était allongé un nain. Il était nu et se vautrait de façon lascive sur des coussins de satin rose.
Se caressant la barbe de façon sensuelle, il regarda Wogard avec des yeux de biches et lui murmura dans son accent typique des Kahzalid:
-Wogaaald, mon beau Wogaaaald, tou veux honorer Schlika Schlika avec moâââ…
Pris d’une terreur comme il n’en avait jamais connu Wogard recula en trébuchant. Il heurta le mur d’en face, dans un couloir qui avait remplacé le cimetière.

Plus loin dans ce corridor mouvant et aux couleurs changeantes, une autre porte invitait à être poussée. Une petite voix semblait crier quelque chose depuis l’intérieur de cette salle.
D’une main il tenta de l’ouvrir.
Elle résistait. Il força et se retrouva à soulever une énorme cloche d’argent sous laquelle il se trouvait être. Devant lui se tenait un elfe, attablé, avec une serviette nouée autour du cou, un couvert dans chaque main et une langue démesurée qu’il se passait avec gourmandise sur les lèvres.
Il murmurait : - Non petit Wogard on va plutôt faire plaisir à Groumph toi et moi.
La table de banquet était dressée pour plusieurs convives. Wogard voulu parler mais une énorme pomme coincée entre ses mâchoires l’empêchait d’émettre autre chose que des grognements inarticulés. Il pensa sauter sur l’elfe, qui déjà affûtait un énorme couteau à viande, mais ses bras et ses jambes étaient saucissonnés le long de son corps. C’est alors qu’il se rendit compte qu’il était allongé sur un lit de petits légumes et d’aromates. Il commençait à s’étouffer à cause des bouquets de persil fichés dans ses narines.

Toc Toc ! Wogard se retourna. La cloche se souleva et une femelle orque d’une certain age, avec des bigoudis sur la tête, des pantoufles roses et une robe de chambre, entra.
- Woggi mon petit, debout ! C’est l’heure d’aller à l’école, lève toi mon petit Woggi.
Wogard regarda à nouveau vers l’elfe. Il n’était plus attablé, il était enchaîné sur la table avec de nombreuses traces de mutilations et de tortures sur tout son corps.
Wogard se tourna vers sa mère. Celle ci sourit en voyant le cadavre de l’elfe.
- Oh Woggi… Tu as encore veillé tard pour finir tes devoirs. Je suis fière de toi. Tu seras un bon Boss plus tard.
Déjà elle pliait l’elfe en quatre pour le glisser dans un cartable.
- Allez dépêches toi, tu vas être en retard. Regarde tous tes amis t’attendent.
Un peu inquiet Wogard s’approcha de la fenêtre et il vit les seigneurs Vavitu, Thekilerone, Saint pierre et Iznogoud qui l’attendaient cartables en main en lui adressant des signes amicaux.

D’un pas incertain Wogard s’approcha de la porte et l’ouvrit. Dehors ses amis de classe l’attendaient mais cette fois ils avaient chacun un canon ou une baliste pointé sur lui.
Wogard lâcha son cartable et attendit la fin.
On avait beau être le Plus’Boss-que-les-aut’, ça ne pouvait empêcher une réaction extrêmement négative aux boulets de canons et aux traits de balistes.

Au loin quelqu’un cria « FEU ! » Il entendit distinctement la poudre des bouches à feu s’enflammer et les arcs des balistes se détendrent brutalement. Quelqu’un continuait de crier « Boss ! Boss ! ».
Les boulets et les carreaux filaient vers lui sur une trajectoire directe. « Boss ! Boss ! Réveillez vous ! »
Un boulet prit l’apparence de Skisnarch « hey Boss, Zêtes avec nous là ? Réveillez vous. »

Wogard mit quelques secondes à réaliser où il se trouvait et à remettre ses idées en place.
Skisnarch était penché sur lui au dessus de son lit, il tenait une chandelle à la main et avait sur la tête un ridicule bonnet de nuit dont le pompon lui retombait sur l’épaule.
- La vache, quel cauchemar débil’… Et toi qu’est ce tu fous là, t’as rien d’aut’ à fout’ qu’empêcher les honnêt’ boss de pioncer ?
- heu.. Désolé Boss, mais ya comme qui dirait une hystéric’ qui veut vous causer….

La suite sur : http://waaagh-nawakim.xooit.com/t59-Petite-vsite-incongrue.htm#p194

Skisnarch venait d’achever les plans de son nouveau projet.
Ça avait de la gueule et sûrement un bel avenir. Et puis c’était sans nul doute la solution aux petits soucis que traversaient les finances de la Waaagh.
Victime de son succès, les frais d’enrôlement quotidien de l’armée devenaient vertigineux, et de nouveaux candidats se bousculaient au portillon à chaque heure.
Cette nouvelle option ne pouvait qu’être bénéfique avec tous ces seigneurs qui venaient chasser sur les terres de la Forteresse Noire.
Il faut dire que la réputation du domaine, comme meilleure réserve de chasse de Takim, n’était plus à démontrer.

Ouais mais le plus dur restait à faire. et le plus dur c'était de convaincre le Boss.

Le couinement lointain d’un gnome archiviste lui confirma que Wogard arrivait.
Rapidement le jeune second remit de l’ordre dans ses papiers, prit un livre en l’ouvrant au hasard, posa les pieds sur la table et se mit dans son rôle.

Il ne leva même pas la tête quand la porte s’ouvrit sur un Boss en tenue de combat, couvert de sang, de boue et de plaies.
Ce dernier s’affala sur un chaise, les bras ballants et lança à l’encontre de son adjoint :
- Hey Hemingway, au lieu d’te musculaturer les méninges, trouves moi donc un soigneur, j’me sens un peu faibl’ sur les patt’ arrières, là…
Skisnarch jeta un regard rapide à Wogard. Il sourit intérieurement.
Bien, parfait, le Boss rentrait toujours dans cet état quand il passait plusieurs jours dans les cavernes de Bakim.
Le scénario se déroulait normalement. Enchaînons se dit-il…
- Ben c’est pas l’envie qui m’en manqu’ Boss, mais ça fait bell’ lurette que plus aucun ecclésiastik’ n’a foutu les pinceaux ici.
Le Boss souffla d’exaspération.
- J’te demande pas de lancer des cartons d’invitations, crâne de hobbit. Envois des gars m’en dégoter un.
- Le problèm’ est l’même Chef. Ils s’carapatent tous dès qu’on s’pointe. Yen a pas un seul qui veut remet’ les pieds à la Forteresse Noire. Surtout depuis qu’en a un qui s’est pointé en pleine semaine sainte de Schlika Schlika. Forcément y s’trimballent tous en tunik’ qu’on dirait des robes…
- Pffff… La générosité des gens quand même. Ah il est beau l’amour d’son prochain tient… Ben va donc m’chercher une ou deux potions alors.
Skisnarch toussota. – Hem… Vous avez déglutit la dernière ya deux jours Boss. Yen a plus.
- Woowowooh ça va durer longtemps ce jeu des questions et des reponss’. Faut que j’crée une commission d’étude pour deux malheureuz’ fioles ou quoi ? Magne toi d’en faire acheter. Après une seconde de pause Wogard rajouta d’un air mauvais en se tournant vers son adjoint : - A moins que tu préfer’ que j’y ailles.
- C’est pas ça Boss, c’est les finans’. J’ai plus le budget pour ach’ter des potions.
- Comment ça t’as plus l’budget. Mais j’m’en cogne, J’rapporte assez d’ozeill’ de mes crapahutaj’. Le Boss lança une énorme bourse en cuir sur la table. Elle répandit bruyamment son contenu dans tout le bureau. Tu devrais avoir assez là non ?
- Ben ya tout just’ de quoi payer la bectance de la semaine et quelques armes pour les gars.
- Quoi ? Tu m’prends pour une saucisses d’elfe ? Ya pas loin de cent mill’ là.
- Cent mill ?? C’est qu’est ce que je disais Boss, de quoi bouffer pour six jours à tout casser, sept si on arrive à tenir les trolls à l’écart….
- Mais y passe où tout s’pognon ? On a encore vendu pour deux cent mill’ de bois c’te semaine…
- Ben on a quand même une sacré band’ d’affamés à nourrir Boss. Et ya plein d’aut’ chantiers en cour qui faut financer aussi. On est ‘achtement limite en pépétes Chef.

Le Boss se radoucit.
- Mais j’veux just’ deux chtites potions de rien du tout. Tu peux bien m’degoter ça ???
- Ben non, Boss, désolé. C’est ça ou on licencie… Ou alors…
- Vouai vas y … Ou alors …. ?
- Ou alors j’demande au chaman d’vous zen fignoler une ou deux.
Wogars esquissa un geste en direction de son bras droit.
- Tu veux une mandal’ dans la chetron ?
- Attendez… ‘ttendez Boss. Je viens d’avoir une idée.…
Wogard se laissa aller contre le dossier en soupirant.
- J’t’ecoute vas-y.
Nous y voilà. Skisnarch déglutit plusieurs fois, bon allez c’est maintenant ou jamais.
- Ben plutôt qu’d’engraisser les aut’ seigneurs et les moinillons, pourquoi qu’on les ferait pas nous mêm’ les potions ? Y suffirait qu’on embauche un herborist’ ou un apothicairist’ et hop, zauriez toutes les potions que vous voulez…
Wogard réfléchit quelques secondes.
- Ouai après tout. Pas si con que ça. Allez trouve moi c’te oiseau de poticairiste et qui s’mette au turbin fissa. J’vais pioncer un peu moi, j’tiens plus en l’air.

Le Boss se leva et fila vers la porte.
- Faudra quand même lui contructionner un local Boss, et il lui faudra sur’ment du matos.
Le chef de la Waaagh avait déjà la main sur la poignée de la porte.
- Ouai ouai j’te laisse t’occuper d’l’intendance comme d’hab’
Allez mon petit Skisnarch, courage…
- Et si y bosse bien et beaucoup…euh… on pourrait revendr’ le surplus, non ?
Skisnarch serra les dents quand il cru entendre la poignée de cuivre gémir en se déformant sous la crispation soudaine du Boss.
Celui ci se retourna doucement vers son second.
- T’es pas en train de m’causer de boutik et d’commers’ là ? Rassur’ moi.
- Naaaaan Boss, pensez bien que non. Just’ un peu d’marché noir, tout au plus.
- Ah bon, parce que déjà la bibiotèk c’tait limite, va pas commencer à jouer les zépiciers maint’nant. J’ai une réputation à défendr’ moi…
- Aucun soucis Chef. Y bossera peinard, trois ou quat’cent potions par jour, juste pour vot’ consommation perso..
- Trois ou quat’ cent, ça fait beaucoup ça. J’en ingurgit’ pas autant.
- Non mais c’est just’ pour avoir du stock. D’ailleurs pour êt’ sur qu’vous soyez bien servi, je vais embaucher deux ou trois chimist’ de plus…
Skisnarch poussait maintenant le Boss vers la porte, d’une main délicate mais ferme.
- Zavez l’air fatigué Chef, allez ronquer un peu, ça vous f’ra du bien.
- Ouaip, c’est pas faux, j’tombe de sommeil, moi…
- Voui voui allez y, je m’occupe du reste. J’vais lancer la construction de la bouti ..hem... du laboratoire et dans peu d’temps zaurez tout’ les potions qui vous faut.
- Bon Ok ça m’plait bien ça.
Wogard tenta d’étouffer à grand peine un bâillement tandis que Skisnarch lui faisait un petit signe de la main depuis le perron de la bibliothèque.
- Allez, reposez vous bien Boss.

Une heure plus tard le second de la Waaagh avait réuni ses ouvriers.
Le terrain était encore vierge de coups de pioches et de pelles, mais ça n’allait pas durer.
Skisnarch monta sur une caisse de fournitures et fit signe à tous de se rapprocher de lui.
- Bon, zavez tous compris. Je veux rien voir qui ressemble de près ou de loin à un comptoir. J’veux que ça fasse atelier de travail, genre entre l’entrepôt et l’laboratoire, voyez ?? Alors on s’passera des jolies fenêtres à vitraux, on brûle les tentures, on bazarde la caisse nenregistreuz' et vous me répandrez un peu d’ordur’ par ci par là. Faut que mêm’ le Boss, il ait pas envie d’y mettre les pieds. Pigé ??? Au boulot !

Un superbe tablier blanc immaculé noué sur sa taille et une extravagante toque de cuistot sur le crâne, Wogard s’adonnait à son passe temps favori, la cuisine.
Il avait fait aménager dans un coin de la bibliothèque, où il passait le plus clair de son temps maintenant, une petite cuisine pratique et bien pensée.
Un fourneau à bois, une grande vasque en pierre pour l’eau, de nombreuses casseroles en cuivre et quelques livres de recettes «empruntés» à un hobbit de passage, voilà tout ce qui suffisait au bien être du Boss orc.
Il y passait du temps sur ce nouveau violon d’Ingres.
Cela le relaxait tout en lui permettant de réfléchir aux problèmes du moment.

Franchement, quoi de plus stimulant pour la réflexion que de fourrer un tortugon avec des abats d’elfes ou de préparer une marinade pour des travers d’hydre destinés au barbecue.
Le Plus’Boss-que-les-aut’ se surprit même à fredonner un vieil air de musique. Il s’arrêta net et jeta un œil alentour voir si quelqu’un avait pu l’entendre.
Non, il était seul et même si les fenêtres étaient ouvertes, personne à l’extérieur n’était assez proche.
Il gloussa niaisement et se reprit à fredonner.

Quel pied, c’était le bonheur nirvanesque absolu, le planage paradisiaque ultime … pas de Skisnarch avec ses nouvelles catastrophiques et ses idées loufoques, pas de chaman idiot à l’œil bovin et au cerveau consumé, pas de trolls débiles, fanatiques religieux et insatiables sur tous les appétits, pas de visiteurs casse-pieds prétextant une querel….
BLAAAM !
La porte s’ouvrit à la volée sur un Skisnarch brandissant un parchemin.
- Ça y est Boss, j’avions raison. Ça vient de m’êt’ confirmé par des néclaireurs. Ils ont commencé à bouger ya peu d’temps…
Wogard soupira longuement. Il regarda sa sauce à l’huile de foie de léviathan qui venait de virer…
Se pinçant l’arrête du nez entre le pouce et l’index, il tenta de relativiser.
Il assaisonnerait son brochet avec un filet de citron vert, voilà tout.
Des fois il regrettait ne pas être un simple commerçant…

Mais bon, la Waaagh n’avait que faire de ses états d’âme. Les dieux l’avait placé là, ce n’était sûrement pas pour aller vendre des cravates.
Il se tourna vers son adjoint qui affichait une mine triomphante.
- Si tu m’causes des accrochages qui ya à l’ouest, ça fait un bail que l’Oeikivoatou du Boss Farok me tient au parfum….
Skisnarch paru déçu d’un coup : - Ha ? Vous saviez ?
- Ben bien sur, que j’le savions. Tu crois quand mêm’ pas qu’un truc de c’t’importance puiss’ m’échapper. Pourquoi qu’tu crois que j’t’ais fait rev’nir plus tôt d’Wakim ?
- Vous pourriez quand mêm’ me prév’nir, ou m’laisser zyeuter dans l’Oeilkivoatou, Boss.
- C’t’un outils précieux qu’est réservé qu’aux Boss. Et pi j’préferre que t’ais tes sources d’ton cotés. Comme ça on ratiss’ large.
- Mouai, ya quand même des fois où j’me sent inutil’ Chef.
- Hey, ton job c’est la gestion d’la Waaagh. Laisse moi m’occuper d’la baston et d’l’espionach’, OK ?
- Ben justement, puisque vous en causez, ya un soucis avec les trolls…

Wogard s’assit lourdement en soupirant. Il retira sa toque de dépit et la lança sur la table.
- Mouai, qu’est ce ya encore ?
- Ils se plaignent qu’certains y zont commencé à maigrir, cause qu’on les nourrissione pas assez.
- Bah ça peut pas leur faire de mal.
- Oui mais ya un hic. Dans la rescpectation de la foi Groumphienne, c’est un truc impensab’ qu’un troll maigrisse. C’est quasiment hérétik comme concept’ Boss. On peut s’retrouver avec une rébellation sur les bras, faut faire gaff’
- ‘Tain, tu sais qui m’font suer tes trolls.
- Ben c’est pas les miens Boss, moi j’y suis p…
- Ton alchimist’, celui qui confectionn’ des potions, y peut pas nous concoctationer un truc ?
- Comme quoi Boss ?
- Ben c’est lui le napothicairist’, y peut bien nous fabriquer des potions qui font grossir non ?
- Pas con Boss, j’vais lui en toucher un mot.
- Voilà c’est réglé, ça t’branche un filet de brochet au citron vert ?
- Of moi le poiscaill’ vous savez… Par contre j’ai bien aimé l’nain en conserv’, celui que vous avez fait hier. Ça c’était 'uper top goutu...
- Ah ouai, l’était fameux hein ? C’est une rich’ ninvention ça, y zarrivent déjà en boite, dans leur armure d’origin’. Tu peux les conserver autant qu’ça t’chante… Il en reste un fond d’casseroll’ t’en veux ??
- Ben ok alors. Mais après, parce que j’ai encore un truc à vous dire…C’est le chaman…

Pourtant sur le chemin de la détente, par le fait qu’il s’était mis à causer cuisine avec son adjoint, Wogard se raidit instantanément à la mention du vieux sorcier.
- Rassures moi, c’t’une bonne nouvelle. Il a décidé de se mettr’ à la poterie .. non .. mieux ‘l’a trouvé un club du troisièmage qui l’expéditionne au soleil sur la côte ?? Non … attends, attends, ‘core mieux, il a été nembauché dans un casino sur Wakim pour faire le presditi… le pretsidigi.. le presgidit… pour faire le magicien entr’ deux parties d’roulettes...
- Rooo arrêtez de déconnez chef. C’est sérieux, il a des problèm’ de vue…
- Ouais ça j’avais remarqué. Et il lui faut quoi, des binocles ?
- Ben chais pas, y faudrait qu’vous passiez l’voir Chef.
- J’verrais, en attendant fous toi à tab’ et prépare tes pastilles goutatives.
Skisnarch enjamba une chaise et se noua un coin de nappe autour du cou.
- Mmmm… J’ai une d’ces dalles Boss, j’avalerais un elfe tout entier, ‘vec les collants, le tutu, les bagouzes et l’eau d’toilet’… Miam….

- Toi avoir mis temps pour venir voir chaman.
Wogard assis en tailleur face au vieux sorcier de la Waaagh se rappela sa dernière visite, un grand moment d’absurdité. Il souhaita intérieurement que cette fois ci fut plus sérieuse, mais il en doutait.
- J’étais zoccupé avec des trucs plus urgent qu’tes jérémiad’, vieux croûton. Quoi ce qui se pass’ ?
Le chaman avança un doigt tatoué et décharné jusque sous le nez du Boss de la Waaagh.
- Moi te mettre en garde.
- En garde contr’quoi ? Je suis l’Plus’Boss-que-les-aut’, l’élu des dieux. Chuis l’orc le plus balaiz’ de tout Nawak’ quoi qu’c’est qui pourrait m’inquiétassioner ?
- Toi jouer jeu dangereux. Si toi te détourner du Triorc, le Triorc se détourner de toi.
- Qu’est ce tu m’raconte là. J’me détourne pas du Triorc. J’becte six fois par jour pour Groumph, j’cogne autant d’fois que j’peux pour Bigmandall’ et… Enfin voilà quoi…
Le chaman reprit son sempiternel ricanement.
- Hin hin hin … Et… Hin hin… Et toi oublier Schlika Schlika.
Le Boss gêné haussa les épaules en faisant la moue.
- Non , j’l’oublies pas… J’ai juste pas trop l’temps c’est tout…
- Quand toi avoir honorer Schlika Schlika pour dernière fois ? Quand toi avoir forniquer récemment ?
- Heu.. Chais plus… Ya quelques jours, me rappell’ plus. Wogard éleva la voix. Et puis, qu’est ça peut fout’ ? J’te demand’ pas d’puis quand t’as pas fait de galipet’ moi.
Le vieux sorcier sourit exposant ses chicots jaunis et déchaussés
- Ce matin.
Prit de cour, le Boss produit une grimace traduisant son sentiment de se sentir ridicule et embarrassé.
- Ce… Ce matin ? Moui… C’est .. Bien. Pas mal. Mais quel âge t’as l’ancien ?
- Moi avoir plus de dix fois dix printemps.

Wogard resta sans voix, il ouvrit bien la bouche mais rien n’en sortit.
Bien sur, ce n’est pas tant l’âge du sorcier qui l’étonnait, que sa capacité à pouvoir encore jouer à la bête à deux dos.
Mais à la réflexion un chaman n’était ni plus ni moins qu’un prêtre, et son sacerdoce nécessitait qu’il honore ses dieux jusqu’au bout. D’ailleurs glorifiait il Bigmandall’ avec autant de ferveur ? Wogard ne se rappelait pas avoir vu le chaman en dehors de sa hutte. Se battait il encore ???
Le sorcier reprit.
- Toi devoir acquitter devoirs envers dieux orcs et envers peuple orcs. Toi devoir fournir descendants, beaucoup descendants. Ça aussi, être devoirs de chef, devoirs de Plus’Boss-que-les-aut’.
- Hem .. oui, bon j’verrais c’que j’peux faire… T’avais aut’ chose à me dire ??
- Moi avoir besoin nouveaux osselets pour divination.
Le Boss de la Waaagh se levait, prêt à sortir.
- On a refait les reserv’, tu peux avoir tous les os d’poulets qui t’faut. Allez l’ancien, faut qu’j’file là…
- Non os de poulet plus bon. Moi avoir du mal à… lire. Moi vouloir plus gros osselets.
Le Boss se rassit.
- Qu’est ce tu me chant’ là ?
- Moi pas bien lire petits os, besoin d’os plus gros pour meilleur confort de lecture.
Wogard secoua sa tête en affichant un sourire affligé.
- Tu sais vieux débris, des fois j’me demande c’que j’fous là. Pourquoi j’reste là à t’esgourder au lieu d’aller chasser, faire un peu d’tambouille, préparer une ou deux bastons…
- Forniquer avec femelles..., rajouta le chaman malicieusement.
Le Boss lança un regard noir au chaman.
- On est pas foutu pareil l’ancêtre…. puis il se releva en ajoutant…Et j’ai pas besoin des dieux pour mener la Waaagh…
Wogard sortit tandis que le vieux chaman rallumait sa pipe pour tenter d'appaiser ses inquiétudes.

Encore une belle journée qui débute, se disait Wogard.
Depuis la fenêtre de sa « tambouill’ room » comme il aimait à appeler sa cuisine, son havre de paix, il regardait la lumière diurne envahir le paysage alentour.
Skisnarch avait pris l’habitude de tenir compagnie au Boss pour le brèqfeuste. Ils se retrouvaient tous les matins, tous les deux devant une jolie nappe à carreaux pour partager un moment de détente avant les vicissitudes de la journée.
Le Boss s’approcha de la table avec une poêle à la main.
- J’t’sert tes œufs brouillés sur ton bacon ?
- Nan nan.. ‘tain Boss vous savez bien qu’j’aime pas mélanger.
- Merde, ‘scuses moi.
- J’vous mets quoi sur vos tartin’ Boss ? Confiot’ pêches ou g’lée de mûres ?

Et l’ambiance continuait sur ce ton durant tout le petit déjeuner.
Ce bref rituel du matin était devenu quasi vital pour Wogard.
La pression montait avec le défilement des jours d’été.
Dans un mois et demi, ça serait l’automne, et les grandes campagnes de la Waaagh débuteraient. Il y avait encore des milliards de choses qui n’étaient pas au point, pas finies ou même pas prévues. Et sa responsabilité était de faire en sorte que la nation orque sorte victorieuse du combat qu’elle allait bientôt entamer.
Souvent Wogard se demandait si tout ça avait une vraie utilité. Il pensait que si il était né humain, il ne donnerait tout simplement pas suite aux instructions bellicistes du Collorque.
Inconsciemment la source de son besoin de civilisation provenait certainement de cette réticence contre-nature à faire la guerre sans raison. La bibliothèque, la cuisine, la chasse… Tout ça n’était là que pour tenter d’enfouir sa nature vraie et primale.
Il avait beau faire, il restait un orc avec un désir de baston irrémédiablement collé aux tripes et si le fait de préparer une guerre pour d’obscures raisons ancestrales le gênait quelque part, la promesse de plusieurs mois de conflit, en revanche, l’exaltait au plus haut point.

- Hoho Boss… !
- Hein… Moui ?
- Pouvez m’passer les sauciss’ d’ulicornes.
- Tiens voilà.
- Vous rêvassez à quoi en r’gardant vot’tartine Boss ?
- Hein ? Non rien, ça m’évoque un sanctuair’ qu’on m’a fait découvrir ya peu .
- Quoi ? Une tartine ?
- Laisse béton. L’a reçu ses oss’lets le vieux débris ?
- Vous causez du chaman ? Roooh, là vous avez un peu ‘xagéré, Boss.
Wogard sourit avec bon cœur.
- Ben quoi, i voulait des zoss plus gros… Des fémurs d’yéti ça d’vrait l’faire… ?
- Ha ha ha ..Quand mêm’… C’est ‘achtement trop gros, z’avez abusationné, Houaaa ahahah ..
- Ah ah.. Ouais, y paraît qu’l’est obligé de s’trimballer avec deux trolls pour lui porter ses 19 fémurs.. WAhahha ha.
- Ouai HAhahaha faut qui mont’ sur le toi d’sa hutt’ pour… WOUUUHAHAhahahahah … Pour arriver à lire tellement c’est … WAHAHAhahaha …‘lement c’est trop gros… WOUHAHAHAHA HA HA AH HA
- HAHAHA Si y pouvait… WOUHAHAHA.. sy pouvait passer WAAAAHAHAHAHAHA …à travers le toit de sa paillot’ WOUHOUHOUHAHAHAHAHAHA …
- WOAUHAHA… il s’peterait kekchose… WAHAHAH… l’es trop vieux…
- OUAIIIIII AHAHAHA c’est un chaman ‘tédiluvien WAAAAAHAHAHAH HOUHOUH HAHAH.

Skisnarch venait de tomber de sa chaise en se tenant les cotes et Wogard s’était avachi sur la table tapant du poing à chaque explosion de fou rire.
- J’l’imagine le cul par terre WAHAHAHAHOUHOUHA couvert de paille RAAAAAHAHAHAH..
- WOOOUAIIIII …plein de pailles… WAAAHAHAHAHAH ça ferait un… WOOOOAHHAHAHAHA.. un chaman paillé… WAHAHAHAHAH
- ‘Tain arrétez Boss… WOUUUUHOUHOUHAHAHAHA .. trop mal au bide… WAHAHAHAHA Si… Si y nous zentendait…. WHOUHAHAHHAHA
- WHAHAHAHA T’inquiètes WOUUUHAHAHAH y nous en voudra pas trop WOUHOUHOUHHAHAHA… c’est un chaman ‘gnanime. WAAAHAHAHAHAHA….
WOUHAHAH AHAHAHWOUHAHAHAH WHAHAHAHAH WOUUUUHAHAHAHAH…

C’est les yeux pleins de larmes que les deux compères levèrent la tête pour remarquer plusieurs visages interrogatifs à la fenêtre. Plusieurs figures de gobs et d’orcs surmontées d’une face de troll se tenaient là, dans l’encadrement. Elles affichaient toutes un air ahuri devant ce singulier spectacle.
Wogard se releva en pouffant.
- Zavez pas d’boulot vous zot’, disparaissez, lança-t-il en venant fermer la fenêtre.

Skisnarch venait d’entendre taper à la porte. Tout en gloussant encore il se remit sur ses pieds et alla ouvrir. Derrière se tenaient plusieurs gnomes qui ne prenaient aucune peine à cacher leur exaspération.
En tête leur porte parole, qui déclama, dans un soupir exagéré.
- Monsieur Wogald, monsieur Skisnalch, mes collabolateuls m’ont chalgé de vous faile connaitle leul mécontentement à tlavailler dans des conditions paleilles. Nous nous tlouvons dans une bibliothèque, lieu de sélénité et de tlanquilité et…
Wogard hurla depuis l’autre bout de la cuisine :
- Ouais ! C’est bon les nains, on a pigé, barrez vous.
Outré le représentant des gnomes leva un doigt scandalisé.
- Monsieur Wogald, nous ne sommes pas des … Mais déjà Skisnarch refermait la porte en leur disant de retourner au boulot.

De nouveaux seul, le chef de la Waaagh et son bras droit, se reprirent à rire doucement un moment…
- Et Boss, zavez du jaun’ d’œuf sur l’menton, là.
- Ah ? Merci…
- Au fait Boss, comment qui s’appele le chaman ? L’a un petit nom ? On l’a toujours appelé le vieux, l’ancien, le sorcier…
- Ouai, les aut’ membres du Collorque l’appell’ Tafokss…
- Ah ? Zut j’avions ‘spéré un nom qui f'rait drole…
- Ouais... Chaman Tafokss… t’as raison , c’est mêm' pas drol'. Tu reprends du kawa ?

Cela faisait quelque temps déjà que Farok avait rejoint les hordes de la Waaagh !! Et au vu de son ancienneté, et de ses actes, il avait obtenu le titre de sous-chef.

Toutefois, Farok avait de l'ambition, une grande ambition, aussi était il totalement insatisfait de cette situation. Mais sa plus grande déception était d'avoir perdu son palantir, qui fut brisé par le chaos de ses troupes, alors qu'il décidait de son engagement auprès de la fédération orque.

Le palantir, et tout particulièrement les épisodes de la War-academy et de Koh-lambda, lui manquaient cruellement. Et ce manque s'accentuait chaque jour.

Alors, Farok décida qu'il était temps: il lui fallait un nouveau palantir! Seulement un palantir ça court pas les rues et même avec son faible esprit, le boss orc en avait bien conscience. Mais le boss avait plus d'un tour dans son fourreau. Il savait où logeait le célèbre mage Froh! Et un mage, comme Froh le Mage, devait certainement en posséder un.

Il déclara donc à son état-major, qu'il partait en ballade, quelques jours. Il craignait fort pour l'état du campement, mais il fit clairement comprendre que si le campement n'était pas en ordre à son retour, des têtes allaient tomber. Il espérait que la peur aurait son effet.

Le mage Froh habitait une grotte que Farok avait pu apercevoir lors d'une excursion sauvage. Il arriva vite fait, et il passa la nuit à une lieue de là. Il savait que les mages aimaient bien se lever avant l'aube, et profiter de ces heures magiques pour faire la cueillette de certains ingrédients.

Il scruta donc des heures durant depuis son poste d'observation, en direction de la tanière du mage. Et effectivement au petit matin, un faisceau de lumière apparut et se déplaça lentement. Farok attendit qu'il disparaisse au loin pour entreprendre son avancée discrète vers le logis du mage Froh. Or, en terme de discrétion, un orc c'est pas vraiment sa tasse de thé. Le Boss avait décidé qu'au vu des risques considérables quand on affronte un mage, un camouflage semblait approprié pour une fois.

Il empoigna donc quelques feuillages, et les fixa sur sa tenue. Il ne put retenir ses mots:
"rah vrément, me v'là obligé d'joué l'elfette!! Eureuzment k'les orks y m'vois pa dan cet tenu d'guignol! D'tout' fasson c'lui ki rigoleré j'lui couperé la langue!!!"

Farok entama alors sa prudente avancée. Il arriva chez le mage, sans encombre. La tanière du mage était plongée dans le noir le plus profond et dégageait une forte odeur, que le boss orc n'arriva pas à identifier. Farok se glissa à l'intérieur, à tâtons. Il progressa ainsi quelques minutes durant, avant d'apercevoir une lueur au fond de la grotte. Il finit par identifier quelle en fut la source: un gros palantir à l'image changeante qui reflétait sur les murs les colorations du moment.

S'en fut trop pour Farok, il s'élança alors et capta la boule de cristal. Mais au contact de celle-ci, il entendit un bruit strident répété, comme un signal d'alarme. Pris de panique il s'enfuit avec le palantir, sans aucune prudence. Ce ne fut qu'une fois dans le bois qu'il se rendit compte que le bruit n'était qu'un bruit à l'intérieur de sa tête. Il s'arrêta et fixa des yeux le palantir: c'était l'heure de Six-crètes S'tori, et le poulet Jon-Jon venait de buzzer l'un de ses compagnons. Ce fut un grand soulagement pour Farok. Il se débarrassa de son camouflage improvisé et se mit en route pour retrouver son domaine. Pas le temps de regarder la suite, il y avait encore un mage qui rodait par ici.

Froh en rentrant chez lui découvrit le vol de son palantir. Il fouilla de fond en comble ses appartements sans rien trouver d'autres que des brindilles et des feuilles à la puanteur d'orc. Fou de rage, il entra en pleine crise de paranoïa et interpréta ces indices comme étant une fausse piste volontairement glissée par son voleur. Un orc des bois, ça ne pouvait évidemment pas exister! Le seul coupable possible pour lui était Abi! Ce mage n'avait cessé de lui jouer des tours quand ils étaient ensemble à l'école de magie! Froh réfléchissait à sa vengeance.

Dans le palantir tenu par Farok, qui marchait, se dessina un grand oeil tout fait de flammes...

Il s'était passé quelque temps depuis le vol du palantir, et Farok était parfaitement satisfait de sa prise. La qualité de l'image et du son étaient irréprochables, et la boule de cristal développait un effet hypnotisant.

Plus Farok passait de temps à regarder son palantir, plus il s'abrutissait. Vu le niveau d'intelligence d'un orc, on atteignit rapidement des sommets (ou un gouffre selon la logique).

Il passa ainsi près d'un mois, et Farok garda jalousement le secret autour de son petit bijou. Alors quand l'abrutissement du boss orc fut au plus complet, en plein milieu de Six-crètes S'tori, un grand flash vint éblouir Farok, et le subjugua.

Farok était complètement éberlué, il ne bougea pas. Le palantir prit alors une couleur sombre tandis qu'en son centre logeait un oeil de flammes. Une voix grondante envahit le (faible) esprit de Farok pour annoncer:
-Il est temps.

Farok ne cilla pas, tant son esprit était anéanti. La voix insista:
-Il est temps.

un grondement sortit Farok de sa stupeur. Il osa demander:
-Tan pour koa?
-Temps pour préparer la guerre.
-La guerr?
-Il est temps.
-Toa avoar déjà di sa!
-Approche.

Farok hésita. La voix gronda:
-Approche.
-Mmmmmmhh

Un nouvel éclair le frappa, et alors il vit! Oui, dans son esprit la carte complète de Takim: bâtiments et territoires lui apparut. Le grand Oeil survolait cette vision, et pour vaincre les doutes du chef orc, lui montra ses propres terres bien délimitées, et où apparurent en toutes lettres: F A R O K.

Tout revint alors à la normale, si ce n'est que le palantir conserva son oeil de flammes. Farok resta bouche bée un moment, contemplant l'Oeil, puis demanda:
-koa moa devoar fer?
-préparer la guerre.
-oki doki, sa bocou pler moa!
-tu dois préparer la grande guerre.

Cela faisait quelque temps déjà que Farok consultait régulièrement l'"Oeilkivoatou". L'Oeil lui fournissait des informations particulièrement utiles, notamment sur l'avancée de ses voisins, ainsi que de l'expansion des territoires de la Waaagh!!!

Farok avait pris soin de faire savoir au boss Wogard qu'il possédait l'Oeilkivoatou, et il lui révéla régulièrement des informations sur la vie de Takim.

L'Oeil continuait d'exiger de se préparer pour la Grande Guerre, aussi le boss Farok continua d'enrôler de nouvelles troupes et de les former au combat. Lors des conseils de la Waaagh, Farok demanda aux autres tribus orques de faire de même. Le boss Wogard appuya sa demande avec prudence. Voyant que tout allait pour le mieux, et qu'avec l'Oeil en sa possession, il bénéficiait d'une grande influence auprès des peuples orcs, Farok entreprit un jour de réclamer la place de boss Wogard, à la tête de la Waaagh!!!

Il alla donc voir le Plus’Boss-que-les-aut' l'air menaçant, mais Wogard refusa de lui céder sa place et se prépara pour le cas où Farok tenterait un duel. Bien qu'étant brave et fort bien entrainé, Farok n'était pas de taille à combattre contre Wogard qui était l'un des êtres les plus robustes de Takim.

Etant d'un naturel ambitieux, il proposa donc autre chose:
-dite, boss, si vou voulé pa ke j'soi le Plus’Boss-que-les-aut', p'tet' ke vou voudré kan meme bien kon me nomme sous-cheff à vi ??

Gilïam passa par là, pendant qu'il faisait la tournée des terrains du coin.

Il cherchait Tazuki et s'était rendu compte qu'il était parti sur la lointaine île de Takim.

Il demanda à Farok ce qu'était l'Oeilkivoatou car il n'en avait jamais entendu parler.

Farok se demandait comment cet elfe se permettait ainsi de reprendre contact avec lui.

Néanmoins jusque là il n'y avait eu aucun manque de respect de la part de cette créature. Le boss se permit donc de lui répondre:

"L'Euil cé lui ki nous ède à batir la grande nassion ork et à organizé nos troupes.

Sa etre grande forsse magik ki guide la Waaagh!!"

L'elfe étonné par l'orc de cette magie inconnue et sûrement très technologique, s'inclina devant lui avant de partir.

L’heure était très avancée et l’obscurité avait établi son emprise depuis plusieurs heures déjà. Wogard avait les yeux fatigués à force de scruter des cartes à la relative lueur des lampes à huile.
Si quelques événements non prévisibles étaient apparus récemment, rien ne venait modifier l’organisation des projets de la Waaagh. Pour la première fois depuis de nombreuses semaines, Wogard était serein quand au bon déroulement de l’opération. La dynamique se mettait lentement en place et les autres Boss suivaient le mouvement avec enthousiasme. Bon, il restait encore des centaines de choses qui pouvaient foirer, mais jusqu’à maintenant les écueils avaient étés évités avec finesse et diplomatie.
Comme quoi, tout arrive : un Boss Orc usant de diplomatie pour éviter une guerre…
Wogard ricana de l’ironie de la situation.
En fait il riait surtout de l’image de brute assoiffée de conquêtes que la plupart des seigneurs de Nawakim avait de lui, alors qu’il avait, en tout et pour tout, livré trois malheureuses petites batailles contre un seul et même seigneur depuis son arrivée à la tête de la Waaagh.
Sa réputation de barbare sanguinaire, totalement usurpée à son goût mais soigneusement entretenue pas les rumeurs, suffisait à faire déguerpir ses adversaires dès qu’il faisait claquer sa bannière au vent.
Mais du sang orc coulait dans ses veines, et là où certains aurait vu un moyen comme un autre de gagner une guerre, lui n’y voyait que la frustration de ne pas se battre.
Patience se dit-il….

Le Boss de la Waaagh s’étira en baillant. Il jeta un coup d’œil au ciel, par la fenêtre ouverte. De lourds nuages masquaient les étoiles et la lune, et seule était visible un peu plus loin la lueur des torches des troupes sorties de leur cave pour s’entraîner.
Malgré la fatigue il lui restait encore à lire les rapports de ses agents.
Tous étaient routiniers, de simples reprises de contacts alors que s’achevait, dans la torpeur, la trêve de l’été. Cependant l’un d’eux l’intéressait tout particulièrement.
Il émanait d’un jeune agent fraîchement recruté, et judicieusement bien placé, et son premier rapport était…. disons, très intéressant.
Bon, l’info en elle même n’avait rien de très crucial, mais dans le contexte actuel elle dénotait un état d’esprit chez ses ennemis qui était plutôt favorable à la Waaagh.
Visiblement les dieux du Triorc travaillaient eux aussi à la victoire, contrairement aux allégations du Chaman Tafokss.
Il restait du chemin à faire, mais tout allait à merveilles…

Wogard quitta son cabinet de travail et se dirigea vers son sanctuaire, sa cuisine. Il se fit un petit casse croûte à base d’œufs, de côtes de nains, de lards et de patates, le tout nappé de sauce aux champignons et arrosé de deux bouteilles de Château Maxou issues du pillage de l’entrepôt du seigneur du même nom.
Il aimait prendre un petit quelque chose de léger pour favoriser le sommeil.
Il engloutit le tout en quelques minutes et alla s’allonger sur son petit lit de camp dans son bureau.
Les yeux fermés, il s’assoupissait doucement lorsqu’un léger feulement entrecoupé de caquètements se fit entendre dehors sous la fenêtre. Quelques secondes passèrent et le bruit reprit, plus fort
Le Boss ouvrit un œil, puis les deux et soupira longuement. Il se redressa, tourna la tête vers l’ouverture et lâcha :
- Ton ‘mitation du coutoreu en rut est vraiment à chier…
Une silhouette entièrement vêtue de noir apparue dans l’encadrement de la fenêtre. Elle entreprit d’enjamber l’ouverture en protestant.
- Ce n’était point là le coutoreu en rut, c’était …
- On s’en tape de koi c’était, c’était surtout nul à ch’. Alors, des nouvelles ? le coupa Wogard en allant fermer sa porte à clefs. Et boucle moi c’te fenêtr’…
Une fois entré, le mystérieux étranger se retourna et tira les volets.
- Je vois que vous cultiver toujours l’amabilité Boss Wogard.
- Pourquoi qu’tu crois que j’prends des cours d’mondanités ? Bon alors ces nouvell’ ?
L’étrange visiteur s’approcha et plongea la main dans son manteau pour en sortir un paquet qu’il posa sur la table.
D’un regard enthousiaste, il invita Wogard à l’ouvrir.
Sans hésiter, le Boss de la Waaagh écarta les pans de tissus qui enveloppaient le mystérieux objet.
Une surface minérale et sombre apparut.
De prime abord il s’agissait d’une tête d’orc sculptée dans du granit noir.
Un visage grimaçant dont les trais auraient été adouci par l’usure du temps.
Son œil droit semblait plus proéminent que l’autre et paraissait avoir des facettes, comme une pierre précieuse taillée, bien qu’il fut de la même pierre que le reste.
Wogard le prit d’une main et de l’autre il caressa respectueusement les traits de granit, il se mit à sourire…
- Par le Triorc…. C’est… C’est Oeildeverr’…
- Sans aucune erreur possible…Je vous présente le Boss Talmoh Oeildeverr’, le premier Boss à avoir unifier les tribus peaux vertes, approximativement en 2453 avant notre âge.
Le Boss de la Waaagh resta plusieurs secondes les yeux rivés sur ce visage de pierre sortit du fond des âges. Enfin il leva le regard sur son visiteur. Celui-ci parut amusé de l’enthousiasme espiègle qui semblait habiter le Boss. Et Wogard n’eu pas à formuler sa question , elle se lisait sur son visage.
L’homme en noir encercla d’un geste du doigt l’un des cimetières de l’île.
- La découverte a eu lieu ici !
- T’es sur d’ton coup, l’erchaologue ? répondit rêveusement Wogard en laissant son regard courir sur la carte.
- Archéologue. Oui, cela fait des semaines que l’on creuse, que l’on fouille et que l’on exhume, et tout ça, de nuit pour éviter les questions gênantes et je ne compte pas le temps passé en recherche dans les bibliothèque de tout Nawakim, les traductions, les fausses pistes… Alors, oui, si je viens vous annoncer que j’en suis sur, c’est que j’en suis sur.
Le regard enfiévré, Wogard murmura : - Parfait, parfait….

Des coups discret tapés à la porte tirèrent le Boss de sa rêverie. L’étranger se dissimula derrière une tenture, tandis que le Boss visiblement très contrarié de cet inopportune visite grogna :
- Ouaaaaai ? K’est ce yaaaa ???
- Heu.. c’est moi Boss. C’est Skisnarch, ça va ????
Wogard ouvrit la porte sur un Skisnarch ensommeillé, une chandelle à la main et un bonnet de nuit sur le crâne.
- Bien sur qu’ça va, pourquoi qu’tu voudrais qu’ça aille pas ?
- Ben il m’a semblé entendre le grognement d’un tortugon en maraude sous vos f’nêtres, Boss.
- Yavait bien un bruit mais c’était sur’ment pas un tortugon, Wogard jeta un coup d’œil à la tenture et rajouta, ou alors c’était salement imité… Le rideau bougea imperceptiblement.
- Ah bon ben j’retourne me pieuter alors Boss… Heu il vous rest’ pas un p’tit kek chose en cuisine, j’ai les crocs là ?
- Si si, vas becqu’ter, le Boss poussa son adjoint sans ménagement dans le couloir, 'doit rester du nain en boit’ j’crois.

Une fois la porte refermée et verrouillée, le mystérieux individu sortit de sa cachette.
- Un tortugon en maraude ? Je me suis pourtant bien appliqu…
- J’t’ai déjà dit qu’on s’en cognait d’tes talents d’imitateur, l’aerkologue. T’es viendus ici pour m’causer d’tes travaux, non?
- Archéologue !
- Mouai, c’est c’que j’ai dis… Bon alors parl’ moi du site.
Se renfrognant, l’homme se pencha sur la carte et y avança la main.
- En fait il y en plusieurs, comme vous l’aviez suggéré. Ici devait se trouver le camp du Boss Treyik Ulter…
- Ah ouais, dans l’temps on app’lait c’coin, le bassin de ‘Rkashon, j’crois bien.
- Effectivement. Vous avez vraiment bien étudié votre sujet, Boss Wogard. Je suis très impressionné par vos connaissances historiques et géographiques.
- Vouai vouai, allez arrêtes de m’faire du gring’… Accouch’ la suite.
- Hum…Là et là, on a des traces du domaine du Boss Trogoth. Et ici, dans cette zone on a découvert le tombeau du Boss Théo Peau-Rose et là on sait avec certitudes que le Boss Heukour avait ses quartiers.
- Par Bigmandall’ s’devait êtr’ une Waaagh gigantesk’…
- Vous avez raison, Boss Wogard. On peut l’estimer à plusieurs dizaines de milliers d’individus. Et ici se trouvent les vestiges de la Forteresse de Fer, le centre névralgique de la Waaagh du Boss Talmoh Oeildeverr’.
- Où ça qu’c’est , la Fort’resse de Fer ?
- Là un peu au sud du cimetière. D’ailleurs ici on a également des traces d’une vaste bataille…
- Là ? Sur la côte ? C’est sur’ment la baston de Grosstorgnol.
- Euh… Oui, c’est ça. D’après nos recherches, je pense qu’il s’agit, en effet, de la bataille de Grosstorgnol, où la toute jeune alliance des tribus orques défit les armées de la coalition des nains et des elfes envoyées contre elle.
- Dommach’ ki ait si peu d’bouquins qu’en cauz’. Pour sur qu’ça du êtr’ une sacré baston, l’oerkalogue.
- Ar-ché-o-lo-gue. Les témoignages écris rapportent un bel affrontement en effet. Le Boss Talmoh, en fin stratège, avait fait avancer ses troupes à marche forcée durant plusieurs jours afin de surprendre les armées de la coalition en plein débarquement.
- Ouai, y paraît qu’ça a été un massakr’ sur les plages… Le Boss se redressa au dessus de la table en entendant des voix à l’extérieur, sous la fenêtre. Son invité avait lui aussi entendu et déjà il se coulait dans l’ombre des rideaux.

Wogard s’approcha sans bruit de la fenêtre, et ouvrit les volets dans un fracas assourdissant. Il fit ainsi sursauter une patrouille d’orcs visiblement à la recherche de quelque chose sous ses murs.
- K’est ce vous foutez là vous zotr’… ?
Celui qui semblait être le chef de la patrouille porta sa main à la poitrine tandis que de l’autre, il rajustait son casque.
- La vache.... les j’tons, Boss. Faites plus ça….
- J’pourrais fair’ bien pire, si vous m’répondez pas. K’est ce vous foutez là ?
- Y paraît qu’des gars auraient entendu couiner un bébé salamandr’ qui appelait après sa mère. Faut faire gaff’ Boss, ça vous fout le feu en deux minut’ ces sal’tés là…
- Bon allez barrez vous, ya pas plus de salamandr’ ici que d’cervelle dans vos crânes d’elfes. Cassez vous…

Une fois les volets refermés l’invité nocturne sortit à nouveau de sa planque.
Wogard retourna à la carte en lui lançant :
- La prochain’ fois, rends nous la vie plus simpl’, balanss’ du gravier sur le volet, ça attir’ra moins les foull’.
- Hummm… Bon je crois que mon rapport touche à sa fin, tout comme ma mission d’ailleurs. Je vous ferais parvenir tous les ouvrages ainsi que toutes les pièces que nous avons exhumés avant la fin de la semaine.
- Nan tu peux tout garder. A part p’t’être un ou deux bouquins, faut qu’j’demande à Skisnarch…
- Mais..Heu… Boss Wogard, il y en a pour une fortune. Et je ne vous parle pas de la valeur archéologique qui est au delà de toute estimation…
- Ben te voilà grass’ment payé l’archoelogue, en plus d’c’qu’on t’a laché en pépett’…
- Je ne sais pas quoi dire, Boss Wogard. Vous êtes plus que généreux et vous me prenez au dépourvu… Tenez gardez cette tête du Boss Talmoh Oeildeverr’ elle vous portera chance j’en suis sur.
- Ouai, p’t’être qu’elle m’aid’ra à y voir plus clair.
- Mais ? Si vous ne voulez rien garder, à quoi cela vous a-t-il servi d’avoir investit autant d’or dans ces recherches ?

Wogard reporta son regard enfiévré sur la carte et répondit du voix sourde :
- Ça nous sert qu’on va bientôt rentrer chez nous l’orchaélogue…. On va bientôt rentre chez nous….

[HRP] Petit épisode dédié à les gentiles personnes qu'elles ont dit de gentilles choses sur moi [/HRP]

Bon allez faut se motiver, pensa Wogard devant la hutte du chaman.
Il ne venait jamais ici de gaieté de cœur, mais cette fois ci était un peu particulière.
Il prit une longue inspiration et écarta les peaux de bêtes qui masquaient l’entrée, puis pénétra dans la pénombre et la fumée.
Avant même de distinguer le vieux sorcier de la Waaagh, il l’entendit ricaner horriblement, le timbre de la voix cassé par ses incessantes fumeries d’herbes.
- Hin hin hin aujourd’hui grand jour pour la Waaagh, aujourd’hui grand jour pour Triorc.
- Déjà au courant vieux débris ? rétorqua le Boss de la Waaagh.
- Toi avoir tes espions, moi avoir les miens hin hin hin… !
- J’suppoz’ que le Collorqq’ est au parfum aussi ?
- Bien sur, toi bien supposer. Hin hin hin.
Wogard s’installa accroupi en face du chaman.
- Ben alors, dis moi c’qu’ils en pensent, ‘spèce de momie desséchée…
- Eux d’accord avec recherches du Chéologue et avec conclusions à toi. Toi pouvoir agir avec bénédiction Triorc et avec bénédiction Collorque.
Wogard se relevait déjà, satisfait de la rapidité de l’entrevue et de sa tournure.
- Super ! On bouj’ dès qu’possib’…

- Collorque avoir encore informations importantes pour son Boss. Toi écouter.
Wogard encaissa le « son Boss » stoïquement.
D’une phrase, le vieux chaman venait de rappeler à Wogard que, si il était le chef de la Waaagh, bras armé de la fédération des tribus, il restait l’instrument du Collorque, assemblée de chamans eux même dépositaire de la volonté des Dieux.
Une façon polie de lui faire comprendre qu’il n’était chef de la Waaagh… qu’à vie.

Le Boss marqua un temps d’arrêt, puis se rassit en face du chaman.
- J’t’écoute…
- Toi devoir te méfier du lézard doré…
Wogard soupira en secouant la tête.
- Ayez ! Qu’ess’est qu’ce charabia encor’
- Déesse Iszmagog avoir nouvelle prêtresse sur Nawakim.
- La déesse quoi ?? D’où qu’ça sort ça ?
- Ancienne déesse du panthéon zhumain. Prêtresse à elle avoir fondé Ordre du Lézard Doré… Elle dangereuse.. peut être…
- Et alors, l’a une armée cett’ chamanesse. Des pouvoirs magik’ ? Plus balaiz’ peut êt’, plus musculée qu’un orc ?
- Hin hin hin…Non pas encore. Mais elle beaucoup conviction, bien parler, situation politique importante et puissante guilde pour soutien. Elle lancer croisade contre violence envers prêtres. Elle prétendre que nous être serviteurs Baal. Elle créer ordre religieux pour protéger plus faibles.
Le Boss de la Waaagh balaya l’air devant lui, d’un geste de la main.
- Pffff…Des zilluminés comme ça, les femell’ des zhoms en pondent tous les jours. En quoi cell’ci est différente ?
- Déesse croître en pouvoir. Changé beaucoup choses dans domaines Dieux.
- Alors c’pas mes oignons. J’redout’ déjà pas nos dieux, c’est pas pour aller m’couper l’sommeil avec ceux des zhoms.
- Hin hin hin… toi blasphémer trop. Toi devoir plus te soucier des dieux. Toi, là que par leurs volontés…
Wogard se leva.
- Bon c’est tout ? Le lézard doré, la chamanesse exaltée, et l’sermon sur les dieux…On a fait l’tour d’la question là, non ?
- Si seulement toi avoir un peu respects pour les dieux…
Le Boss déjà devant la peaux de bête, masquant la sorti de la hutte, se retourna.
- Ouai ??? ben quoi… ?
- Alors toi pouvoir être meilleur Boss de tous les temps.
- Qu’esse ça peut fout’ ? Chuis déjà l’Plus’Boss-que-les-aut’, ça suffira non ??
Sur cette réplique, le puissant chef de guerre orc écarta l’épaisse fourrure et retourna à la lumière du jour.

Rapidement il rejoint la bibliothèque où son adjoint devait l’attendre fébrilement. Skisnarch ne savait encore rien de ce que le Boss allait lui annoncer, mais il avait deviné que les choses allaient bouger et pas qu’un peu.
A l’instant où Wogard pénétra dans la petite salle de briefing, Skisnarch bondit de sa chaise, survolté comme un nain ayant vu de l’or ou un elfe devant une boutique de mode…
- Alors Boss, quoi on fait ???
- Mon p’tiau Skisnarch, tu m’réunis tous les ‘pitaines de compagnies. C’est partit...

Farok était vêtu de sa plus belle armure, il monta sur l'estrade de la place publique et y déclara :

"Moa, Farok, jé une anonsse à fer!

Boss Wogard aillant déssidé de prandre dé vakansses, cé moa ki assure tamporèreman la direkssion de la Waaagh!

Pour toute afer conssernan la Waaagh, merssi donk de me contakté."