Karstark, Seigneur Vampire.

La lune brillait haut dans le ciel. Une épaisse couche de neige recouvrait le sol de la forêt. Des arbres centenaires se penchaient de part et d'autre de la chaussée. Karstark inspira à fond. Enfin, il était arrivé. Après des mois passés en haute-mer, des années -il ne pouvait dire avec certitude combien- passées loin de Nawakim, sur des terres que bien peu d'hommes avaient pu fouler, il était de retour sur Jakim. Ici, aux alentours de son ancien domaine, l'air avait vraiment une odeur différente: bien plus vive, avec des relents de sang, de magie noire et d'anciens secrets. Il était chez lui. Nul autre endroit au monde ne sentait aussi bon que le domaine de la famille Drakenhof.

Ce domaine était ancien. Peut-être aussi ancien que l'île elle-même. Il n'était pas le seul fief de Jakim, loin de là, mais il était très différent des autres. Les forces de la non-vie pullulaient en ce lieu. Elles n'étaient pas les seules présences, bien entendu. Karstark savaient très bien que, bien qu'ils soient de loyaux serviteurs et d'infatigables guerriers, ses légions de squelettes et de zombies faisaient de bien piètres travailleurs. Une population vivante oeuvrait donc dans l'ombre du donjon. De nombreuses familles de paysans vivaient ainsi, dans la crainte de voir, chaque nuit, leurs morts se relever. Mais nul n'osait s'opposer au Seigneur Vampire.
Dans cet antique sanctuaire de la puissance vampirique, le bétail savait mieux que quiconque qu'il ne fallait pas aller contre la volonté de son maître.

Karstark se tourna vers sa suite: des nécromanciens, en grande majorité, chargés de maintenir les enchantements qui animaient les morts. Le reste était composé de marchands, diplomates, nobles de tous horizons... Tous au service du Vampire, dans l'espoir de recevoir, un jour, le Baiser de Sang, le don d'immortalité. A ce jour, aucun n'avait reçu cet honneur. Et Karstark savait très bien qu'il ne l'accorderait à aucun d'entre eux. Il les laissait néanmoins espérer: il s'assurait ainsi leur loyauté.

"-Je me retire dans mes appartements. Que nul me dérange, sous aucun prétexte. Assurez-vous que le château soit remis en ordre dans les plus brefs délais. Krieger, je vous laisse prendre les dispositions nécessaires."

Karstark pénétra dans le château et se dirigea sans hésiter vers sa chambre. Tant de choses à faire, et si peu de temps...