A l'encontre du gouvernement de Grikim

La drow s'avance une fois encore en la place vide. Au centre, s'en vint s'exclamer en ces termes.

Juge fantôme, jury oublié… avocats des temps passés.
Je viens aujourd'hui troubler votre profond sommeil pour déposer plainte contre la Présidente de l'île de Grikim. A ces simples mots certains s'offusqueront, qu'importe, je ne garderai point sous silence ce que j'ai à déclamer.

J'accuse donc, oui, j'accuse, Dame Perle, d'avoir par son titre de présidente, expulsé de façon abusive un seigneur forcé à l'absence, d'avoir ainsi abusé de sa place d'élue pour truquer la joute finale qui se tiendra sous peu, et par la même évincé un des soutiens de son concurrent direct aux précédentes élections.

Vous entendez bien et la liste des griefs pourraient être plus longue encore, toutefois je m'abstiendrai… pour le moment.

Marque une pause, le temps d'observer l'auditoire… se remplira-t-il aujourd'hui, ou comme hier demeurera-t-il silencieux ?

Bien entendu, je peux appuyer mes dires.

Tout d'abord, les faits, simples et concis.

Le 7 novembre de l'an 109 du Septième Age, le seigneur Jojogoku se rendait à son château quand, cruel destin, la route lui fut barrée. Devant lui se dressait l'un de ces démons oubliés qui de nos terres hantent les souterrains obscurs. Face à pareille créature, le jeune voleur ne fit point le poids. La bête ne le tua pas pourtant, mais dans un profond sommeil le plongea.

Le 8 décembre de l'an 109 du Septième Age, je me rendais en notre havre compter les présents et prendre nouvelles de mon malheureux protégé ainsi souffrant. Quelle ne fut point ma surprise de le trouver absent. Je crus tout d'abord qu'il avait enfin retrouvé vigueur et dans les jardins s'en était allé se dégourdir les jambes. La vérité fut tout autre. Ô cruel destin, pendant son sommeil rédempteur, déménageurs lui avaient été envoyés. Gouvernement cruel qui ne tient pas compte de la souffrance des êtres et pendant leur convalescence les jette par la fenêtre… rase leur domaine…

Etonnée de pareille nouvelle, j'ai longtemps cherché, nulle annonce de ce cruel destin je ne pus trouver. Dans l'ombre, cette expulsion avait été complotée. Et le seul prétexte que vint me donner cette Dame sur son trône fut que deux missives étaient parvenues au souffrant. Comment voulez-vous, gente dames et nobles seigneurs, comment voulez-vous qu'un être dans un sommeil de plomb puisse lire un parchemin ?

Je réfléchis alors aux intérêts qu'avait là la détentrice du titre. Pure cruauté ? S'eut été trop facile. Je creusais un peu plus, guère plus en réalité…

Il est aisé d'aller à conclusions hâtives, aussi je me contenterais de signifier deux points.

Tout d'abord, la Présidente et le malheureux expulsé participent tout deux à la phase finale de la joute qui se tiendra sous peu, et ce dans deux meutes séparées.

Ensuite, le pauvre Jojogoku fut soutient du concurrent direct de Dame Perle lors des dernières élections de Grikim.

Je vous laisse suivre par vous-même le fil de ma pensée.

Une autre pause et reprend son exposé.

Certes, j'aurais pu garder silence ou comme d'autres m'en aller cracher venin à l'abri des regards… là n'est point ma nature. Je n'ai rien à gagner ici, rien à perdre non plus. Je sais la Dame adepte des critiques alors je m'en viens juste alimenter son moulin.

Spoiler:

Pourtant, la place n'était pas si vide que ça : 2 compères se tenaient là, bien cachés... L'un d'eux n'était autre que le seigneur Hutch.

Je me disais bien qu'elle viendrait.
Ah ? Tu attendais Dame Salaha depuis deux jours ?
Oui, je te rassure, j'avais pris des réserves ! Écoutons maintenant...

Dame Salaha commenca son discours. Le seigneur Hutch ne fit aucun commentaire et demeura dans l'ombre, soigneusement à l'abri de tout regard indiscret. Puis, quand le discours fut fini :

C'est plutôt rare de te voir ici...
Je voulais entendre ce qu'elle avait à dire car cela m'intéresse au plus haut point.
Ah vraiment ?
Oh oui. D'ailleurs ces dires confirment les miens, tu ne trouves pas ?
Au sujet de Dame Perle ? Effectivement, on peut dire que tu avais vu juste. Reste à savoir ce qu'elle va dire pour sa défense... si elle ose parler.
En public ? On peut rêver... quoique, sait-on jamais ! Bien qu'elle soit présidente de Grikim, elle parle rarement, elle a un... porte-parole pour cela.
Un porte-parole ?
On appellera ça comme ça ! Mais pas de soucis, tu peux être sûr qu'elle sera bientôt mise au courant. Je reste aux aguets...
Quand même, ça ne doit pas être facile pour elle. J'ai cru comprendre qu'un orc avait pénétré la partie forestière de son domaine sur Grikim et que...
Aucune importance ! Elle récolte ce qu'elle a semé, point barre. Maintenant, j'ai un petit boulot qui m'attend ! Bonne journée camarade !

Comme une girouette incapable de tenir en place, le seigneur Hutch se volatilisa aussitôt...

Un murmure, une voix lointaine résonnant dans un silence de mort, là fut toute réponse.
La drow n'attendait guère plus dans le fond.

Elle se saisit d'une chaise et, les pieds sur le bureau du juge absent, s'installa.
Un corbeau vint chuchoter à son oreille. D'une voix calme, elle reprit son monologue.

Vérité…
Etrange son à mes oreilles étourdies.
Qui peut prétendre en ces terres détenir pareil secret ?
Ô pauvres poussiéreux que nous sommes, à nous prétendre maitre quand nous avançons en esclave.
Prisonniers de nos propres corps, marionnettes en des mains inconnues…
Pouvons-nous seulement comprendre le sens de nos propres paroles ?
Affirmer son opinion, être sourd aux remarques…
Comment les autres pourraient accorder à nos mots quelconque importance, quand, de nous même , nous nous isolons en place cachée pour, de ces mêmes êtres, interdire toute réponse ?
Pour être écouté faut-il encore savoir entendre.
Voir pour mieux décrire.
Recevoir pour mieux donner.
Accepter autre opinion, c'est accepter l'autre tout simplement.
Là commence le respect.
Là débute l'équité.
Quand en place d'égalité se tient le discours, le dialogue peut naitre.
Quand, par peur d'être contrarié, un être s'isole, alors dans le tord il demeurera.

Caressant le noir plumage, elle se pencha en arrière améliorant le confort de son assise.

Ô dame insolente qui provoque de l'ombre et dans l'ombre demeure par peur du jugement.
La sentence viendra d'elle-même, et par vos actes vous vous condamnez seule.
Vous vous dîtes incomprise, vous ne voulez comprendre.
Vous vous prétendez victimes, êtes bien souvent bourreau.

Parcourant la place du regard, un sourire au creux des lèvres.

Je sais que, de votre cachette, vous écoutez ces mots, n'entendez rien pourtant.
Je devine qu'en lieu plus discret vous continuerez de me décrier.
Faites donc, peu m'importe.
Qui du vrai, du faux, aura le dernier mot ?
Celle qui, en cachette, publie torchon où l'auteur est seul orateur ?
Où ceux qui, en place publique, portent affront, laissant droit de réponse sur pied d'égalité ?
Qui du lâche ou du courageux dormira mieux cette nuit ?

Ferme les yeux, la mine sereine.

Pour ma part je demeure en paix.
Et, en paix poursuis ma route.

L'oiseau s'envole, disparaissant de la place fantôme comme il y était apparu.

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