Crack boursier - Epilogue. Rififi céleste [Gagnant concours]

Bedo était satisfait de ses actes.
Réparer l’injustice était l’une de ses prérogatives et cette fois ci, il avait donné le maximum.
Il avait largement outrepassé les limites fixées par les autres dieux, mais peu lui importait, car eux aussi avaient largement dépassé les bornes.
Il aurait sûrement à rendre des comptes, mais il savait son action nécessaire et justifiée.

Une dernière fois il laissa son regard errer sur Nawakim et ses habitants en liesse.
Il s’attarda avec émotion sur un pauvre éclopé, réduit à faire la manche depuis des années.
Ce mendiant malgré son unique jambe, tentait de danser en laissant exploser sa joie, tandis que des pièces d’or tombaient de ses poches trouées.

Allez, se dit il après un long soupir, il est temps de rentrer.
Bedo pris le chemin d’Aeden, la maison des dieux, connue aussi sous le nom de Walhalla, d’Olympie, ou encore le Paradis.

Quelle ne fut pas sa surprise de trouver les grilles d’or, marquant l’entrée des terres divines, closes.
D’aussi loin qu’il se souvienne, elles furent toujours ouvertes.
Que se passait il donc ?
L’avaient ils déjà condamné au bannissement ?

L’une des centaine de facettes de sa conscience divine perçue une immense colère et une envie irraisonnée de défoncer les grilles et de tuer le responsable.
Bedo grimaça. Ce genre de symptômes ne trompait pas.
- Slaars ? Montres toi, je sais que tu es là.
Aussitôt dans un éclair rouge accompagné d’un claquement sec, le dieu de la fureur, de la colère et de la passion apparu devant Bedo. Il avait choisi son apparence favorite, celle d’un jeune garçon à demi nu et craintif. Il riait.
- Ah ah ah mon brave Bedo, je n’arrive jamais à te surprendre quel dommage.
- Oui, mais quel dommage surtout, que les autres dieux n’arrivent pas à te détecter aussi facilement que moi. Et je ne suis pas ton brave Bedo, Je n’ai aucune espèce d’amitié pour toi. Otes toi de mon chemin.
Slaars s’écarta immédiatement pour laisser le dieu de la justice s’approcher des grilles.
- Tu sais, ils sont très en colère contre toi.
Bedo se retourna vers le dieu enfant.
- Ooooh ! Ils sont en colère… et bien sur, tu n’y es pour rien ???
- Allons Bedo qu’aurais je à voir à cette affaire ? Je me complais dans la tourmente de la colère, certes, mais je n’en suis pas toujours l’instigateur.
- Bien entendu, répondit bedo d’un ton narquois. De même que tu n’es pour rien dans la colère qui a embrasé les mortels de Nawakim ?
Slaars mima la modestie embarrassée : - Heu… pour si peu. Les autres dieux les ont bien agacés quand même. Je n’ai eu qu’à …Il afficha un large sourire… pousser un peu.
- Je me demande dans quelle mesure tout ça n’a pas été manigancé par toi et tes amis dans le seul but de me forcer à agir contre l’autorité des autres ?
Cette fois le dieu enfant afficha un air malicieux :
- Ohohoh …. Nous ? Nous aurions forcé la main au grand, beau et fort Bedo. Tu me flattes en songeant que je sois capable d’une telle prouesse…
- Tu as dis Nous ?
- Moi ? Non, tu auras mal compris.
- Tu as dit : Nous aurions forcé la main au grand Bedo ? Je t’ai très bien attendu. Insista le dieu de la justice.
La déité de la colère haussa les épaules.
- Moui… Alors c’est une erreur de ma part.
Une autre facette de la divine perception de Bedo perçu la manœuvre.
- Tu es très malin pour un dieu qui incarne l’irresponsabilité et la violence gratuite. En faisant semblant d’avouer une erreur que tu as peut être commis volontairement, ni tu ne démens ma supposition, ni tu la confortes.
- Tu réfléchis trop, le justicier. Je n’ai rien prémédité et avec personne…

De l’autre cotés de la grille fermée, dans un bruit de tintement de milliers de pièces d’or, une énorme gerbe de blé poussa du sol instantanément et en sortit Venga Trablionne dieu du commerce.
Il rajusta sa toque en fourrure de loup et regarda Bedo.
- Es tu content de toi, Bedo ? Vois ce que tu as fait.
Le dieu de la justice s’approcha des grilles et toisa Venga Trabilione.
- Et qu’ais je donc fais de si condamnable ?
- Tu as interféré dans mon dogme. Tu as ruiné d’honnêtes marchands travailleurs et tu as enrichi de fieffées canailles paresseuses. Comment vais-je pouvoir asseoir ma croyance sur ce chaos que tu as perpétré au nom de ta maudite justice… ?
Bedo pris la grille à deux mains et en approcha son visage.
- Arrêtes avec ton discours d’épicier mesquin et avare. Toi tu ne te préoccupes que du bonheur d’une minorité, moi j’ai toute une population à protéger.
- Chacun son domaine, mais il n’en reste pas moins que tu as ignoré les lois sur l’ingérence dans les affaires des mortels. Et pour cela nous avons le droit de te refuser l’entrée.
Le dieu de la justice s’esclaffa.
- Nous ? Et qui est ce nous ? Je ne vois que toi pour l’instant. Tu es seul à me reprocher mes actes. Ouvres moi, plutôt, que je puisse m’expliquer.
Un énorme rôt sonore accompagné d’une indescriptible puanteur de viande faisandée annonça l’arrivée de Groumph, dieu orc du manger.
Il apparu au cotés de Venga Trablione, de l’autre cotés de la grille d’or, et aussitôt il tendit un gros doigt tout vert et luisant de graisse en direction de Bedo.
- Toi pas intervenir dans affaires des mortels. Toi laisser libre arbitre à eux… Eux commettre erreurs, eux réparer erreurs.
Bedo mis ses poings sur ses hanches en rigolant.
- Woaaa.. Toi, tu es capable d’un tel raisonnement ??
D’une crevasse subitement formée, sortit Alrauck, seigneur de la terre et des roches. Lui aussi avait choisi son camp, il était apparu aux cotés du dieu du commerce, de l’autre coté de la grille d’or.
Visiblement courroucé il interpella Bedo.
- Je te reconnais bien là, Bedo. Toujours les mots de justice et d’équité en bouche, mais aucune conscience de tes actes.
- Aucune conscience de mes actes ? C’est au contraire parce que je suis plus conscient que vous autres que j’ai agi.
- Oui tu as agi, mais sans réfléchir. Je pense moi aussi que tu devrais être banni des …
Immédiatement un long soupir langoureux agrémenté d’une puissante odeur charnelle musquée attira l’attention de tous. Une mare blanchâtre apparu au sol et en jaillit, Schlika Schlika, le dieu orc de la fornication et de la reproduction.
Il s’approcha de Bedo au travers de la grille. Il lui fit un geste obscène avec sa langue.
- Toi faire grosse bêtise. Toi pas devoir t’occuper des mortels, eux avoir tout pour leur bonheur. Eux faire seul leur malheur, pas ton problème…
Bedo eut un hoquet de surprise
- C’est un orc affolé de la bistouquette qui va me donner des cours de philanthropie ??? On croie rêver…
- Toi pas mépriser plaisirs charnels. Fornication participer au bonheur des mortels autant que soif de justice. Toi pas te moquer. Dogme Schlikien valoir autant que le tien.
Le dieu de la justice s’offusqua.
- Ce n’est pas ce que j’ai voulu dir…
Un brasier intense autant qu’éphémère explosa au cotés de Bedo.
Apparu alors le dieu nain du feu et de la technologie, Grimpïn Barbacier, brandissant une paire de pince et un soufflet pour forge.
Il mit sa main sur l’épaule du dieu de la justice.
- Tu as fait ce qui était juste pour ces pauvres créatures. Et tu as évité que ce chaos ne provoque la perte du savoir si chèrement acquit. Tu as mon soutien, mon ami. Et je ne permettrais pas que tu sois banni.
Intérieurement, le dieu de la justice soupira.
Enfin quelqu’un prenait son parti.

Dans les minutes suivantes, plusieurs nuages, éclairs, ou autres manifestations se produisirent de part et d’autre de la grille d’or, suivant que tel ou telle divinité apparaissait dans un camp ou dans l’autre.
La grille d’or délimitait la frontière entre les partisans de Bedo et ceux de Venga Trabilione.
Les premiers souhaitant la réintégration du dieu de la justice, les second désirant son bannissement.
Les uns prônant l’interventionnisme divin dans les affaires des mortels les autres soutenant le libre arbitre de ces mêmes mortels.

Rapidement le nombre de dieux, déesses, demi-dieux participant au débat s’accrut…
D’abord sur le ton de la discutions, l’échange verbal entre les dieux s’amplifia.
Certain juste pour être entendu par leur détracteur, d’autre par agacement d’être contredit…
Très vite les cris et les ricanements fusèrent de part et d’autre de la grille marquant l’entrée des cieux.

Plus personne, même pas Bedo, ne prêtait attention à Slaars, légèrement en retrait de la cohue.
Ce dernier usait de tous ses talents pour instiller les sentiments les plus ravageurs dans l’esprit des dieux.
Insidieusement, méthodiquement il échauffait les esprits de chacun.
En temps normal il aurait été d’une extraordinaire difficulté de manipuler toutes ces divinités sans qu’elles s’en rendent compte. Mais ici et maintenant, dans ce contexte revendicatif, où certains estimaient leur droits lésés et d’autres leur autorité bafouée, tout devenait plus simple.
Et c’était sans compter sur une éternité de rivalités et de rancœurs entre certains dieux.
C’était presque trop simple présentement.
Une simple graine avait été mise en terre.
Et si lui, Slaars dieu de la querelle et de la haine, se contentait de l’arroser, les autres dieux eux, se chargeaient de lui fournir chaleur, lumière et engrais….

Slaars faisait en sorte que l’ébullition générale s’alimente d’elle-même. Quand le dialogue semblait se rétablir à un endroit, des hurlements et des invectives jaillissaient ailleurs.
Il y avait maintenant une belle foule agglutinée autour de la grille d’or.
...

...
Tant de friandises, toute cette colère, cette fureur, cet aveuglement d’essence divine qui saturaient l’air.
Slaars sourit, c’était un enchantement pour ce dieu pervers, un vrai festin d’émotions brutes, de sentiments venimeux et de rancœurs enfouies.
L’excitation était à son comble, il crut même voir la grille d’or trembler, comme si elle était secouée par la foule aveugle.

Le chaos.

Bien, bien ! Les conditions étaient là. A lui de donner son petit coup de pouce.
Slaars se faufila dans le troupeau des dieux en colère, et il arriva tant bien que mal jusqu’à la grille.
De l’autre cotés, un autre troupeau de dieux tout autant en colère s’efforçait de soutenir cette même grille.
La bousculade était inimaginable.
Il entendait des vociférations, des grognements, des injures…
Tout cela semblait impensables dans la bouche de ces divinités empreintes de sagesse et d’expérience.

Le Chaos.

Quelle jouissance pour Slaars, il en oublia presque ce qu’il était venu faire là, au cœur de la mêlée.
Quelle beauté, quelle féerie, quelle apothéose !!!
Il profita une dernière fois du spectacle… Des bouches hurlantes, des poings brandis, des yeux fous…
Il eut envie de hurler son plaisir.
Il dû faire un effort incommensurable pour ne pas être emporter par le raz de marée orgasmique qui menaçait de l’arracher à la réalité.
Quelle expérience prodigieuse que de s’abreuver à la fureur des cieux.
Le dieu des colère irraisonnées et des convoitises mesquines regretta de n’avoir plus de temps devant lui.

Lentement il se tourna vers une déesse qui se trouvait de l’autre coté, tout contre la grille d’or. Il ne l’avait pas particulièrement choisi, elle était là, c’est tout.
Isquandial patronne des pécheurs en mer, si réfléchie, si posée et si calme d’habitude, elle avait les trais déformés par la colère et la haine, les deux mains agrippées au portail….
Slaars tendit son doigt, sourit encore une fois et déchargea son énergie vers sa cible.

Le CHAOS !

Un éclair explosa.

Tout cessa instantanément.
Tous se figèrent dans le silence et l’immobilisme.
Seule Ysdania glissa lentement au sol se tenant le ventre, les yeux dans le vide, la bouche crispée dans un O incrédule.
La déesse Vailine, à ses cotés, se porta immédiatement à son secours. Elle ne pu que la prendre dans ses bras tandis que sa divine lumière s’étiolait.

Bedo fut le premier à vraiment réaliser ce qui venait de se produire alors qu’un frisson de terreur le traversa.
Un déicide ! Un acte sacrilège.
Il se laissa envahir par un terrible pressentiment.
Il chercha Slaars du regard mais ne le vit pas.
Luttant contre l’intuition qu’une chose irréversible était en marche, il se glissa entre les deux groupes, dos à la grille d’or, les bras levés en signe d’apaisement, il implora : - Non ! Non !
Les autres dieux ne l’écoutaient pas. Tous reculaient et s’écartaient doucement sans quitter des yeux ceux d’en face.
Tous affichaient un air mauvais, menaçant.
Bedo incrédule, suppliait presque – Non, non !

Un cri retentit, quelque part, dans la foule…
...Et la seconde d’après, le paradis s’embrasa.

Rayons, éclairs et explosions, jaillirent de partout.
Bedo n’eut que le temps de se jeter à terre. Lorsqu’il voulu se relever, un titan, serviteur du dieu de la foudre, essaya de le griller vif. Bedo, au travers de la grille, le blessa à mort d’une revers de son glaive d’airain. Il se remit debout, esquiva une gerbe de feu liquide, repoussa les assauts de Maagthor le dieux des bêtes et couru jusqu’à une position plus avantageuse.
Reprenant son souffle, il leva les yeux et eut une vision de cauchemar.
Les dieux couraient se mettre à abris pour mieux riposter, certains s’effondraient mortellement touchés, d’autres prenaient la fuite.
Une gigantesque explosion ouvrit la grille d’or à la volée.
Et les dieux guerriers se jetèrent les uns sur les autres tandis que d’autres invoquaient de puissants démons.
Des météores tombaient en pluie, des flèches de glace traversaient le champ de bataille déchiquetant tout, des langues de feu vaporisaient des esprit plusieurs fois millénaires….
Les serviteurs, mignons, démons et autres anges étaient apparus à la rescousse de leur maître.
Le conflit était total.
Bedo examina rapidement la situation. Déjà de nombreux corps gisaient sur le sol.
Ne voulant risquer d’autres victimes, mentalement, il intima l’ordre à ses partisans de se replier.
Tous disparurent de la porte d’or en quelques secondes.

Le calme était revenu, mais la colère et le dégoût était encore présent. La déesse de la miséricorde et de l’apaisement arpentait le champs de bataille avec ses laquais, afin de prodiguer des soins au plus grand nombre.
Ludegae d’Exurei dieu de la guerre s’approcha de Venga Trablionne qui observait l’étendu du désastre avec amertume.
- Quelle folie… Comment ont-ils pu oser ?
- Je n’ai pas de réponse mon frère.
- Il faut pourtant mettre un terme rapidement à cette folie.
- Que suggères tu pour mater cette rébellion ?
Ludega allait répondre lorsque Slaars s’approcha en proposant :
- Offrons nous du temps pour réfléchir.
- Que veux tu dire par là, petit dieu querelleur ??
- Offrons à Bedo et sa bande de renégats de quoi s’occuper, ricana Slaars
- S’occuper ? Expliques toi ? Interrogea le dieu guerrier.
- Il existe encore des démons serviteurs de Baal, non ?
- Oui nous les avons emprisonné après les dernières frasques de leur maître à la fin du 4ème âge, et alors ?
- Libérons les. Dès que Bedo en aura vent, il n’aura de cesse de les pourchasser et de les exterminer. Ça nous laissera du temps….
- Mmmh. Ce peut être dangereux, certains d’entre eux sont encore puissants, averti Venga Trablione.
- Allons, ce ne sont que des larbins, quel mal veux tu qu’ils puissent faire, répliqua aussitôt Slaars.
Ludega d’Exurei resta songeur un instant.
- Ils pourraient retrouver leur maître Baal et tenter de le réveiller.
Slaars s’esclaffa.
- Baal ? Nul ne sait s’il est encore de ce monde. Aucune chance que personne ne le retrouve un jour, ni ses serviteurs, ni Bedo , ni quiconque… Et d’ici que ça arrive vous aurez eu le temps de trouver une solution pour arrêter cette folie…
Venga Trablione devint soupçonneux :
- Qu’as-tu à gagner toi, à la fin de cette… guerre ? Il avait encore du mal à énoncer le vrai nom de cette catastrophe céleste. Il s’agit plutôt là de ton credo non ? Tu devrais t’en réjouir bien au contraire.
Slaars afficha un air détaché et peu intéressé.
- J’aime la querelle chez les mortels, pas chez les dieux. La paix doit régner ici, pour que je puisse m’amuser en bas. Slaars fit la moue. Un royaume des cieux divisé et en guerre, personne n’a rien à gagner à une telle catastrophe.
- Crois tu vraiment que Bedo va être aussi crédule. Crois tu vraiment que, dans les circonstances actuelles, il ne va pas flairer la manœuvre ?
- Peu importe qu’il y voit une ruse ou le fruit du hasard. Dans les deux cas il ne pourra supporter l’idée que des serviteurs de Baal arpentent les terres des mortels. Faites moi confiance, relâchez les, et Bedo sera tellement obnubilé par leur poursuite que vous le cueillerez comme une marguerite sur une bouse de vache. Et tout se finira en douceur… Vous verrez….Croyez moi…oui, croyez moi...